Le rétablissement partiel de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité survient quelques semaines après une hausse bien moindre de l'accise sur le gaz... qui est pourtant une énergie fossile.
L'exécutif roule-t-il à contre-sens sur la route vers l'électrification de la France? C'est en tout cas le message qu'il envoie, consciemment ou non, en ce début d'année. En l'espace de quelques semaines, le niveau de taxation de l'électricité a dépassé celui du gaz dans le cadre de la loi de finances 2024.
Depuis le 1er janvier, l'accise sur les gaz naturels à usage combustible a ainsi presque doublé, passant de 8,45 à 16,37 euros par MWh. Au 1er février, c'est l'accise sur l'électricité (anciennement connue sous le nom de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité) qui va drastiquement augmenter, de 1 à plus de 21 euros le MWh.
Derrière ces relèvements, le gouvernement ne cache pas son objectif: renflouer les caisses. Côté gaz, la hausse de l'accise doit permettre à l'État d'économiser près de deux milliards d'euros par an. En ce qui concerne l'électricité, l'augmentation va permettre d'engrenger six milliards d'euros de recettes annuelles et même neuf milliards à partir de 2025 quand l'accise reviendra définitivement au niveau pré-bouclier tarifaire de 32 euros le MWh.
"Cette décision répond à une logique très budgétaire et peu climatique, déplore Nicolas Goldberg, partenaire chez Colombus Consulting. Je ne serais pas contre qu'on taxe un peu plus les énergies fossiles pour avoir une politique climatique ambitieuse."
L'électricité déjà frappée de fortes hausses en 2023
Concrètement, taxer davantage l'énergie sur laquelle la France entend largement miser dans les prochaines années et décennies pour justement sortir des énergies fossiles s'inscrit à contre-courant de la stratégie de décarbonation dans laquelle est engagé l'Hexagone. "Beaucoup d'experts, dont je suis, estiment qu'un relèvement de l'accise sur le tarif de l'électricité serait une grave erreur au moment où l'on incite les gens à électrifier leurs usages pour le chauffage ou les véhicules", expliquait Nicolas Goldberg à l'AFP.
"Ce serait une erreur de la relever au niveau précédent, car depuis deux ans, en 2022 et 2023, les tarifs de l'électricité ont augmenté en moyenne de 30% en France, ce qui est du jamais vu. Le message envoyé par le gouvernement serait catastrophique."
Le projet de loi de finances le reconnaît lui-même dans son article 11: "Hors mécanisme exceptionnel, le tarif normal d’accise sur le gaz naturel est en effet près de quatre fois inférieur à celui applicable à l’électricité, ce qui revient à envoyer un signal contraire à l’atteinte de nos objectifs climatiques."
L'État se prive donc d'un argument pécunier non-négligeable pour inciter les Français se chauffant au gaz (ils sont plus de 12 millions) ou même au fioul (particulièrement présent dans les départements ruraux) à passer à l'électrique, le tout dans un contexte inflationniste où le signal-prix joue un rôle considérable.
L'offre Tempo perd en attractivité
Même dans le détail de leurs répercussions, ces relèvements de taxes se traduisent par des aberrations. "Non seulement la taxe sur le gaz fossile est moins élevée mais elle a augmenté sur tous les gaz dont les gaz verts, bien qu'ils soient minoritaires", constate Nicolas Goldberg.
Par ailleurs, l'expert regrette que la hausse de l'accise sur l'électricité réduise l'avantage incitatif que présentent des offres d'effacement comme Tempo ou les tarifs heures pleines/heures creuses qui représentent selon lui "l'avenir" en matière de consommation électrique. Bien que le prix du kWh des tarifs heures pleines/heures creuses reste plus compétitif que pour les tarifs base, à 27 centimes contre 31, la hausse de l'accise au 1er février se traduit par une augmentation de tarif plus significative dans leur cas: +9,8% au lieu de +8,6%.
L'augmentation est même de 10,1% pour les 400.000 abonnés particuliers ayant souscrit une option dite "effacement jour de pointe". Pour rappel, ces derniers paient un tarif plus avantageux mais s'engagent en échange à réduire leur consommation les jours (20 par an dans le cadre de l'offre Tempo d'EDF par exemple) où la consommation nationale est très importante, par jours de grand froid par exemple.
"Le gestionnaire du réseau de transport RTE dit qu'on a besoin de plus de flexibilité à l'avenir et l'offre Tempo en fait partie car elle permet d'économiser l'équivalent d'une demi-centrale à gaz les jours de pointe, rappelle Nicolas Goldberg. Tempo envoyait une vraie incitation et ça va forcément attirer moins de gens désormais alors qu'on a bien senti la baisse de chauffage lors des derniers jours où il a fait très froid en janvier."
"Ces tarifs-là rendent un énorme service au réseau avec les pointes mobiles car ils évitent de démarrer des centrales à gaz ou au fioul."
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