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Edouard Philippe est-il vraiment surpris par la situation budgétaire ?

Les gouvernements se suivent et se ressemblent. Ce vendredi, dans un entretien accordé au Parisien, Edouard Philippe, le Premier ministre avoue : "Je ne pensais pas que la situation budgétaire serait aussi mauvaise."

Cette déclaration peut surprendre. Feint-il l'étonnement ? Prépare-t-il l'opinion publique avant de présenter d'éventuelles mesures de rigueur qui seraient contenues dans le projet de loi de finances 2018 ?

C'est à se demander que faisait et où était Edouard Philippe entre 2012 et 2017. Parce qu'il était député "Les Républicains" entre 2012 et 2017, maire du Havre depuis 2010, président de la communauté de l'agglomération havraise ..., le Premier ministre d'Emmanuel Macron ne pouvait pas ne pas être au courant de la situation de l'économie française. Sauf s'il n'a pas lu la presse, ou consulter les très nombreux rapports d'économistes ou de la Cour des comptes sur le sujet. On ne l'imagine pas.

Edouard Philippe est-il donc définitivement de mauvaise foi, portant la responsabilité de la situation économique et budgétaire de la France sur ses prédécesseurs ? Ce ne serait pas la première fois que l'exécutif agit ainsi. Depuis la crise de 1974, chaque nouvel arrivant à l'Elysée, à Matignon ou au ministère de l'Economie et des Finances accuse l'ancienne équipe au pouvoir d'avoir menti sur les chiffres, d'avoir mené une mauvaise politique économique ou d'avoir caché de la poussière sous le tapis. Il y a peut-être un peu de vrai. On imagine mal un gouvernement sur le départ refuser d'enjoliver son bilan. Sans parler de tromperie, on peut comprendre une certaine rouerie statistique et comptable. Il faut bien préparer l'avenir et se donner quelques chances de revenir un jour au pouvoir.

Un accès délicat aux données publiques

S'il n'est pas de mauvaise foi, comment expliquer cette erreur de diagnostic ? Une réponse peut être avancée : toutes les statistiques ne sont pas publiques. Seul le gouvernement peut accéder aux données des services statistiques de l'Etat.

De son côté, l'opposition n'y pas accès, ou de façon très parcellaire. C'est ce qui explique les écarts entre les intentions contenues dans les programmes électoraux et la mise en action, une fois le pouvoir conquis. En clair, les chiffrages des programmes de la plupart des candidats sont bien souvent truffés d'erreurs involontaires qui rendent leurs mesures irréalistes sur le plan budgétaire. Ces programmes ont été construits au doigt mouillé ? Peut-être pas. Mais une chose est certaine, les résultats des études d'impact des mesures proposées sont pour la plupart fantaisistes. Fin 2012, François Hollande n'avait-il pas admis une erreur de diagnostic sur la situation de l'économie tricolore, expliquant ainsi l'incapacité de son gouvernement à réduire le nombre de demandeurs d'emplois et à atteindre l'objectif de de réduction du déficit public fixé lors de la campagne présidentielle ?

Ce n'est pas parce qu'Emmanuel Macron fut un temps ministre de l'Economie qu'il a pu avoir un accès privilégié aux statistiques publiques. Compte tenu des relations qu'il entretenait avec Michel Sapin, alors ministre des Finances, et de la solide amitié qui lie celui-ci à François Hollande, on l'imagine mal aider le candidat Macron à concocter un programme économique et budgétaire crédible.

De fait, lorsqu'Edouard Philippe indique que l'état de la situation budgétaire est plus dégradée que prévu, il ne feint pas l'innocence. Certes, il attaque l'exécutif précédent. Mais, il pointe un défaut de transparence. Faut-il lever le secret statistique, défini dans la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 ? Bien entendu, il ne s'agit pas de communiquer publiquement les données ayant trait à la vie personnelle et familiale, et plus globalement les faits et comportements d'ordre privé recueillies au moyen d'une enquête statistique. Mais l'accès aux données économiques et financières pourrait être facilité, pour améliorer le processus démocratique.

Actuellement, comme le précise l'Insee, les renseignements d'ordre économique ou financier ne peuvent être communiqués à quiconque pendant une durée de vingt-cinq ans, sauf dérogation faite après avis du Comité du secret statistique pour une finalité interdisant toute utilisation de ces informations à des fins de contrôle fiscal ou de répression économique. Si l'accès aux statistiques publiques était ouvert à tous, il y a fort à parier que les débats entourant la politique économique du gouvernement seraient plus riches et mieux construits.

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http://www.latribune.fr/economie/france/edouard-philippe-est-il-vraiment-surpris-par-la-situation-budgetaire-743187.html

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