
Ils ont dégainé l'un et l'autre. Arnaud Montebourg, dans une tribune " Il n'est pas trop tard pour nationaliser Alstom ", parue hier dans Le Monde. Et aujourd'hui, c'est l'ex-patron d'Alstom qui répond à l'ex-ministre par le même canal, sous ce titre : " Je ne peux laisser à Montebourg le droit de m'insulter en reconstruisant l'histoire. "
C'est bien sûr la phrase assassine d'Arnaud Montebourg (" la trahison d'Alstom-Energie vendue par ses dirigeants corrompus à General Electric ") qui a provoqué la réaction de Patrick Kron. L'ancien dirigeant d'Alstom n'accepte évidemment pas d'être assimilé aux affaires de corruption qui ont entaché Alstom depuis des années, mais qui sont antérieures à sa prise de fonction, a-t-il toujours plaidé. Car, derrière la phrase de Montebourg, transparait un double discours, développé par l'ancien ministre : c'est parce que Patrick Kron était menacé de ne plus pouvoir se rendre aux Etats-Unis qu'il a été enclin à privilégier une cession avec les Américains ; et, comme d'habitude avec les Américains, ceux-ci emploient l'arme judiciaire pour faire triompher leur impérialisme économique et rafler les fleurons tricolores.
Au-delà de cette controverse, c'est à celle sur l'occasion manquée entre Alstom et Siemens en 2014 qu'il faut revenir. Et donc sur les conditions de la cession d'Alstom-Power, et les raisons pour laquelle l'offre de GE (General Electric) avait été alors choisie, et celle de Siemens écartée. Patrick Kron a raison de souligner que " le conseil d'administration a, conformément aux meilleurs standards de gouvernance, examinés l'ensemble des projets présentés ". Face à la chute des commandes d'Alstom Power, le patron d'Alstom avait mouillé sa chemise dans le monde entier pour tenter de trouver une solution : ni une alliance avec les Japonais, ni une ébauche de rapprochement avec Siemens – que le PDG d'Alstom ne favorisait pas, ni d'autres schémas avec des acteurs français, n'avaient prospéré jusqu'à ce que Kron présente à son conseil, à la hussarde, la solution GE.
"Le business modèle des nationalisations"
C’est à ce moment-là que Montebourg, ministre de l’Industrie furieux d’avoir été mis devant le fait accompli, est intervenu, imposant de ramener Siemens dans la négociation. Gérard Hauser, administrateur d’Alstom, et membre du comité ad hoc d’évaluation, se souvient : « Les Japonais de Mitsubishi, appelés en renfort de Siemens, ne savaient pas bien ce qu’ils faisaient dans cette équipe. Les propositions des Allemands étaient 1 à 2 milliards d’euros en dessous de celle de GE. Et surtout quand j’ai demandé à Joe Kaeser [le patron de Siemens] s’il était prêt à donner à Alstom la branche Signalisation de Siemens en plus des Transport, en échange de Power, il m’a dit ‘No way’. Siemens était dès lors éliminé. » Et, tant pour le conseil d’administration que pour les actionnaires d’Alstom , le chèque de 12,4 milliards de GE, à toucher cash, avait bien des vertus, avec la perspective d’un dividende exceptionnel.
Si Arnaud Montebourg raconte donc à sa façon « la trahison d’Alstom-Energie », et sans beaucoup de respect de la gouvernance d’une entreprise privée, il émet par contre une critique qui mérite d’être relevée sur le schéma finalement choisi cette semaine pour le rapprochement Siemens-Alstom : pourquoi l’Etat n’a-t-il pas cherché à rester au capital, ne serait-ce que dans une position minoritaire – il avait en main les 20 % des actions que Bouygues lui avait prêtées – pour peser face aux 50 % de Siemens ? C’est avec un ticket de cette importance (14 %) que la puissance publique a joué un rôle déterminant dans le sauvetage de PSA, face aux Chinois. L’ancien ministre-alumni de l’Insead appelle cela « le nouveau business modèle des nationalisations ». Une notion qui a fait un tabac quand il en a fait une étude de cas sur le campus de Fontainebleau !
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