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Plus d'essence à Paris en 2030: comment, Madame Hidalgo?

Anne Hidalgo avait déjà annoncé son ambition de bouter les véhicules Diesel hors des murs de Paris à l'horizon 2024. La voici qui l'étend aux véhicules à moteur à essence, cette fois à partir de 2030.

Sauf que non. La Mairie de Paris croit nécessaire de préciser, dans un communiqué diffusé tôt ce matin, que l'objectif "n'est en aucun cas formulé dans le plan climat comme une interdiction à l'horizon 2030, mais bien comme une trajectoire qui semble à la fois crédible et soutenable".

La nuance est d'importance, pour qui croit que la politique d'élus municipaux — qui ne seront peut-être plus aux commandes en 2030 — peut avoir une influence sur le cours de l'évolution de l'industrie automobile. Les autres savent que les capitaines de ces lourds et lents navires qu'on appelle les constructeurs automobiles ont déjà engagés les investissements colossaux qui les mèneront irrémédiablement vers la propulsion électrique. Qu'elle soit pure, à 100 %, ou bien partielle, associée dans le cas des hybrides à un petit moteur thermique.

Objectif non coercitif

On a beaucoup glosé sur ces maires des grandes villes européennes qui pèsent sur la politique de leur pays en matière de transports. Sur le thème du volontarisme local qui prend le pas sur l'immobilisme national, avec une prise de conscience chez le citoyen de l'urgence environnementale et sanitaire, bien avant qu'elle ne se concrétise chez le politique.

Le problème est que ces élus locaux aux ambitions parfois démesurées jouent volontiers de l'effet d'annonce, sans se soucier sérieusement de mesurer l'impact économique, social ou même environnemental de leurs vœux.

Ouvrons donc une fois la boîte de Pandorre et laissons s'échapper les arguments des pros et des antis tout-électrique.

Oui, la propulsion électrique permet d'éradiquer les émissions de gaz polluants. Mais seulement au cul du véhicule, pas au sommet des cheminées des centrales thermiques. Et puis demeure une source non négligeable d'émission de particules, du fait de l'usure des pneumatiques et des plaquettes de frein. Ce problème-là appellent le développement d'autres solutions techniques.

15 centrales nucléaires de plus...

Oui, la propulsion électrique permet de diminuer la dépendance de notre pays aux hydrocarbures. Parce que nous avons la chance de compter de nombreuses centrales hydro-électriques et nucléaires, encore que celles-ci soulèvent d'autres problèmes. Il faudra sans doute investir encore beaucoup et longtemps pour capter le vent et la force des marées, afin de produire le courant nécessaire à l'alimentation d'un parc de plusieurs dizaines de millions de voitures et de camions électriques.

On lit, ici et là, que la France aurait besoin de quinze centrales nucléaires supplémentaires ; que l'Allemagne et la Chine ne pourraient faire autrement que de redémarrer ou d'ouvrir de nouvelles centrales électriques au charbon.

Combien ? Personne ne le sait précisément. Car les architectes du futur électrique affirment qu'à partir d'un certain nombre, les véhicules à piles rendront pour bonne part le courant qu'ils emmagasinent. C'est le concept du réseau électrique intelligent, où les véhicules qui se branchent en fin de journée vident leur batterie pour alimenter le logis. Une fois le pic de consommation passé, le réseau autorise la charge durant le restant de la nuit. Malin.

...Et une surexploitation des terres rares

Rêver d'une ville sans moteur thermique à l'horizon 2030 implique l'existence d'une provision suffisante de voitures électriques de seconde main, fiables et bon marché. Si l'on en croit les estimations de Bloomberg New Energy Finance, le prix de revient des batteries au lithium-ion sera passé de 1.000 dollars le kWh en 2010 à 120 dollars à l'horizon 2030. Il pourrait même baisser plus rapidement encore, sous la concurrence de nouvelles chimies de batteries.

Reste la vaste question de l'impact sur l'environnement de l'extraction des terres rares et des métaux précieux requis pour la fabrication des batteries et des piles à combustibles. Les rapports s'accumulent pour dénoncer l'exploitation outrancière des sols et des hommes dans les mines de lithium.

La question du recyclage des batteries au lithium-ion est habilement repoussée par la perspective d'une seconde carrière qui s'ouvre pour les accumulateurs. Après 7 à 10 ans passés dans le plancher d'une voiture, ils seront entassés dans le garage des maisons ou bien d'immenses entrepôts. Leur mission ? Emmagasiner ce courant renouvelable que produisent les éoliennes et les panneaux photovoltaïques. La perte progressive de capacité des batteries serait compensée par leur accumulation en grand nombre et le pilotage précis de leur taux de charge optimal.

Comme si ces enjeux ne suffisaient pas à vous faire douter d'un virage voulu trop rapide vers le tout-électrique, il existe la question épineuse du coût astronomique de l'installation de chargeurs rapides, disséminés dans nos villes et nos résidences. Il y a le coût des travaux de terrassement mais aussi celui, largement sous-estimé, du cuivre dans les câbles conducteurs. Leur diamètre augmente avec la puissance de charge.

Pour terminer, on pourrait évoquer les risques pour la santé de l'exposition à des champs électromagnétiques émis par le câblage des chargeurs. Sans parler de ceux auxquels s'exposent les passagers des voitures électriques.

A l'occasion du Salon de l'Automobile de Francfort, en septembre dernier, le patron du Groupe PSA, Carlos Tavares s'inquiétait de savoir si nous ne nous préparons pas des lendemains qui déchantent : "Si les pouvoirs publics imposent le passage à la propulsion électrique, ils devraient endosser la responsabilité scientifique de ce choix et assumer les conséquences qui pourraient en découler à l'avenir. Nous sommes dans un tel emballement qu'il ne faudra pas s'étonner dans quelques années qu'on vienne à découvrir des choses qui ne sont pas aussi sympathiques qu'elles en avaient l'air. Je crains que, dans vingt ans, on se dise au sujet de la voiture électrique ce qu'on se dit aujourd'hui au sujet du Diesel."

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