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Au fond, quel est le problème avec les paradis fiscaux ?

« Les paradis fiscaux, c’est terminé ! » Huit ans après l’annonce tonitruante de Nicolas Sarkozy</a>, les « Paradise Papers » viennent d’apporter une nouvelle fois la preuve que le président français avait parlé un peu trop vite. Car si des progrès déterminants ont été accomplis ces dernières années au rythme des différents scandales financiers, le problème reste entier.

Mais finalement, quel est le problème et de quoi parle-t-on ? La question des paradis fiscaux recouvre en fait deux problématiques : les impôts</a> et l’opacité financière.

1. Les impôts

Pour faire</a> fonctionner leurs institutions et leurs services publics, tous les pays du monde</a> réclament aux particuliers et aux entreprises</a> installées chez eux de contribuer</a> à l’impôt. En taxant les héritages, les revenus ou le patrimoine, la fiscalité assure aussi un rôle de redistribution sociale, pour limiter</a> l’accroissement des inégalités.

Même si tout le monde</a> ne paie pas ses impôts de gaîté de cœur, nos société</a>s ne peuvent fonctionner</a> qu’en acceptant ce contrat donnant-donnant entre l’Etat et les citoyens qu’on appelle le « contrat social</a> ».

Bien sûr, certains refusent le contrat. De nombreux pays du monde proposent une fiscalité avantageuse pour les attirer : c’est ainsi que certains Français décident de s’installer en Suisse</a> pour y devenir</a> résidents fiscaux et que certaines grandes entreprises délocalisent certaines de leurs activités en Irlande</a> ou au Luxembourg</a>, où l’impôt est plus faible. Globalement, toutes ces techniques sont légales : quelqu’un qui n’est pas satisfait du contrat social proposé par son pays a le droit d’en changer</a>, à condition qu’un autre pays accepte de l’accueillir. On appelle « optimisation fiscale » la pratique qui consiste à jouer</a> légalement de cette concurrence fiscale.

Le problème, c’est que certains veulent jouer sur les deux tableaux : c’est le cas des particuliers qui veulent profiter</a> des services publics et du système social de la France sans y payer</a> leurs impôts ; ou des entreprises comme Apple</a> ou Google</a> qui veulent développer</a> leurs activités en France</a> sans se soumettre</a> à la même fiscalité que les entreprises françaises. C’est là qu’on commence à s’approcher de la frontière de la légalité et qu’intervient le deuxième problème posé par les paradis fiscaux.

2. L’opacité financière

Un fraudeur qui décide de cacher</a> tout son argent dans un compte en Suisse pour éviter</a> de payer ses impôts en France ou un footballeur qui se fait verser</a> une partie de son salaire aux Bahamas pour ne pas le déclarer</a> ont une préoccupation commune : que le fisc français ne l'apprenne jamais. Dans le cas contraire, ils pourraient subir</a> un redressement fiscal et payer des amendes en plus de leurs arriérés d’impôts.

C’est pour cette raison qu’ils placent leur argent dans des centres « offshore », des endroits « hors sol » qui sont conçus pour faciliter</a> le transfert des richesses. Ces centres présentent un triple avantage : outre une fiscalité très avantageuse et des réglementations plus souples, ils sont surtout très discrets. Ils permettent souvent aux détenteurs de sociétés et de comptes bancaires de dissimuler</a> leur identité – ce qui les aide</a> à échapper</a> au fisc. Selon les estimations de l’économiste Gabriel Zucman, auteur de La richesse cachée des nations (Seuil, 2017), les 0,01 % les plus riches du monde parviennent ainsi à esquiver</a> 30 % des impôts qu’ils devraient normalement payer.

Le problème est similaire pour les entreprises : les grandes multinationales se retranchent derrière le secret des paradis fiscaux qui leur accordent des régimes fiscaux de faveur. Grâce à l’opacité et au manque de coopération internationale de ces pays d’accueil, ils peuvent y déplacer</a> tous les profits qu’ils génèrent dans le monde entier afin d’être moins taxés – en utilisant parfois des subterfuges pour transférer</a> artificiellement de l’argent à travers les frontières. Gabriel Zucman estime que 40 % des profits des multinationales atterrissent ainsi dans les paradis fiscaux. Et c’est faute de coopération</a> que les Etats dont les recettes</a> fiscales sont grévées peinent à combler</a> les failles juridiques qui facilitent l’évasion fiscale des entreprises.

Mais l’opacité des centres offshore pose un autre problème : avec des réglementations moins exigeantes et des contrôles moins efficaces, ils constituent un havre pour l’argent sale. C’est pourquoi les fonds liés à la corruption, au crime organisé et au terrorisme circulent quasi systématiquement par ces pays peu regardants.

Mais pourquoi les paradis fiscaux existent-ils encore ?

Il ne faut pas minorer</a> les progrès qui ont été accomplis ces dernières années, en particulier depuis que la lutte contre l’évasion fiscale est devenue l’une des priorités de la communauté internationale après la crise financière</a> de 2008, et que les « leaks</a> » et les révélations médiatiques se sont multipliés.

De plus en plus de pays, y compris les paradis fiscaux les plus nocifs, acceptent de bannir</a> les pratiques qui favorisent l’opacité, même si c’est de mauvaise grâce. A compter</a> de 2017-2018, la plupart se sont par exemple engagés à mettre</a> fin au secret bancaire et à coopérer</a> pour faciliter l’identification des fraudeurs fiscaux qui ont des comptes bancaires à l’étranger. De nouvelles règles commencent aussi à se mettre en place pour interdire</a> les pratiques d’optimisation fiscale les plus agressives des multinationales.

Il serait risqué de crier</a> victoire trop vite : comme le rappelle Gabriel Zucman dans son livre, l’histoire</a> a montré que les paradis fiscaux et les banquiers ne sont pas toujours à la hauteur des promesses de transparence qu’ils formulent. Car c’est leur gagne-pain qu’on leur demande de saborder</a>.

En outre, même si certains améliorent leurs pratiques sous la pression de la communauté internationale, le risque est fort que d’autres pays moins contrôlés prennent le relais. On voit d’ailleurs bien dans les différents « leaks » que les fraudeurs n’hésitent pas à opter</a> pour une juridiction offshore plus opaque quand leur premier paradis fiscal montre des signes de faiblesse…

Quant aux multinationales, elles gardent souvent un coup d’avance sur les Etats grâce aux conseils de cabinets spécialisés dans l’optimisation fiscale. Au moment où la faille qu’elles utilisaient dans un pays est comblée, elles ont bien souvent déjà trouvé une solution de remplacement pour continuer</a> à payer moins d’impôts.

Les détracteurs des paradis fiscaux regrettent souvent que toutes ces réformes anti-évasion fiscale, identifiées depuis des années par les chercheurs, les ONG, les médias</a> et les autorités, ne se mettent pas en place plus vite. Cette inertie se nourrit bien sûr que la résistance des paradis fiscaux eux-mêmes, qui ont basé l’essentiel de leur modèle économique sur le dumping fiscal et réglementaire.

Mais comment ces petits trous noirs de l’économie mondiale, qui ne sont que des nains politiques, réussissent-ils à imposer</a> leur loi aux grands pays industrialisés qui cherchent à les neutraliser ? C’est là le paradoxe fondamental de la lutte mondiale contre les paradis fiscaux : la finance offshore est devenue tellement importante dans l’économie mondiale que certains craignent de ne plus pouvoir</a> s’en passer</a>. Ce qui peut expliquer</a> la réticence des Etats-Unis à hausser</a> le ton face aux Bermudes ou aux îles Caïmans, ou du Royaume-Uni</a> à mettre fin aux régimes fiscaux ultra-avantageux de ses dépendances insulaires, comme Jersey, l’île de Man ou les îles Vierges.

Le lexique des Paradise Papers

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http://www.lemonde.fr/paradise-papers/article/2017/11/06/au-fond-quel-est-le-probleme-avec-les-paradis-fiscaux_5210700_5209585.html

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