Bonjour Hervé Gattegno. Ce matin, le JDD consacre sa une à la visite de Barack Obama à Paris – et pourtant, j’ai l’impression que cet événement ne vous a pas mis de très bonne humeur. Qu’est-ce qui vous a fâché?
Pas la présence d’Obama, évidemment, et pas non plus sa conférence qui avait l’air de bonne tenue – et dans laquelle il a dit des choses très positives sur les relations franco-américaines (plus bien sûr quelques piques à Donald Trump, qui sont toujours bienvenues). Non, ce que j’ai trouvé déplaisant, dérangeant, incompréhensible en fait, c’est cette obsession du secret et cette mise à distance de la presse pour un événement comme celui-ci, qui tend à devenir systématique de la part de l’Elysée depuis qu’Emmanuel Macron est là. Qu’on ne nous relate pas la teneur de leur conversation, on peut le comprendre. Mais que les photographes soient interdits, qu’on les enferme dans une salle ou qu’on leur interdise de se poster en face de l’Elysée, là je crois qu’il y a vraiment une forme de dérive qui n’est pas justifiable.
L’Elysée a fait valoir que c’était une rencontre purement privée, puisqu’Obama n’est plus en fonction. Ça ne vous paraît pas un argument recevable?
Drôle d’événement privé, puisque l’invitation a été confirmée par la Présidence et que la garde républicaine rend les honneurs au visiteur quand il traverse la cour – alors qu’il faut savoir que même les chefs d’Etat en exercice n’ont pas tous droit à cet hommage. Ensuite, c’est vrai que le déjeuner n’était pas inscrit à l’agenda du Président mais enfin, je ne vois pas au nom de quoi l’Elysée s’arroge le droit d’interdire toute photo, toute image. Et en effet, il faut rapprocher cette volonté d’occulter un événement, de la volonté de mettre en scène le plus systématiquement possible les images présidentielles – ce qui ne lui réussit pas toujours d’ailleurs, puisqu’il arrive qu’il y ait des bugs ; on se souvient de sa phrase malheureuse sur "ceux qui foutent le bordel". A force de mettre tout sous contrôle, il avait oublié que cette fois-là, il y avait un micro qui traînait. Enfin, le résultat, c’est que la France entière aura vu Obama avec Anne Hidalgo, puis Obama avec François Hollande – puisque là, il y a eu des photos. Mais pas avec Emmanuel Macron – alors que je voudrais rappeler que le lorsque le Président invite un hôte aussi prestigieux, c’est en notre nom à nous, citoyens français.
Mais alors, si ce n’est pas le vrai argument, à votre avis, qu’est-ce qui explique cette manie du secret chez Emmanuel Macron?
D’abord, il veut faire le contraire de François Hollande – et sur ce point, on ne peut lui donner tort. Avec Hollande, l’Elysée ressemblait à un hall de gare pour les journalistes ; c’était très excessif. Ensuite, il y a chez lui une conviction que le pouvoir impose le secret, et que le secret renforce le pouvoir – il le vit comme un attribut de sa puissance. Il est capable de taire ce que tout le monde voudrait savoir, c’est une démonstration de force (rappelez-vous la nomination de son Premier ministre, ou tout récemment le remaniement). Ce qui est plus critiquable, c’est ce qui relève de la vindicte, comme s’il voulait punir la presse qui n’a pas assez cru en lui avant son élection – en tout cas, c’est ce qu’il a ressenti. Et il n’a pas digéré non plus les critiques contre sa soirée du premier tour avec des people. Il trouve les journalistes trop suivistes, il leur reproche de manquer de hauteur de vue, de culture – il n’a pas toujours tort. Mais Barack Obama aurait dû lui dire qu’aux Etats-Unis, la presse a toujours le droit de faire son métier, même quand elle est en guerre ouverte avec le président. Même Donald Trump s’oblige à répondre aux journalistes – à sa façon, mais il répond, parce qu’il sait que ça fait partie du jeu démocratique. De ce point de vue-là, entre la France et les Etats-Unis, si j’ose dire, il n’y a pas photo.
Bagikan Berita Ini
0 Response to "EDITO. L'incompréhensible obsession du secret de Macron"
Post a Comment