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Emmanuel Besnier : « La crise va coûter des centaines de millions à Lactalis »

Je m'étais engagé à faire la lumière sur ce qui s'est passé auprès des parents, des consommateurs, de nos collaborateurs et des autorités dès qu'on aurait trouvé l'origine de la contamination aux salmonelles du lait infantile. On sait aujourd'hui que nous avons libéré des salmonelles Agona en réalisant des travaux sur les sols et les cloisons de la tour de séchage numéro 1.

Malgré le confinement des espaces en travaux, elle s'est disséminée dans l'environnement. Elle a contaminé des équipements amovibles qui servent à produire des petites séries de lait infantile. Cela s'est fait par du matériel de nettoyage. Ces équipements ne peuvent pas être nettoyés par les technologies automatisées habituelles. 

Est-ce la bactérie qui a rendu malades 140 bébés en 2005 ? 

C'est l'autre élément que nous venons de découvrir. La bactérie responsable des problèmes est la même que celle de 2005, époque à laquelle nous n'étions pas propriétaire du site. Elle était confinée dans les infrastructures de la tour numéro 1. Avant le 1er décembre nous n'avions pas les éléments nous permettant de dire cela. Pas de problème non plus. Les analyses sur les produits finis étaient conformes aux exigences sanitaires. 

Qui réalise ces analyses ? 

Nous faisons réaliser des analyses systématiques par un laboratoire extérieur de référence. Il ne nous a communiqué aucune alerte sur les produits. En revanche, nous avons eu deux alertes à la salmonelle en août, puis en novembre dans l'environnement. Quand cela arrive, on nettoie jusqu'à ce que tout soit conforme. Et on reprend l'activité. 

Avez-vous trouvé des salmonelles entre 2005 et 2017 ? 

Oui dans l'environnement. On ne peut donc pas exclure que des bébés aient consommé du lait contaminé sur cette période. 

Quels enseignements tirez-vous de cette affaire ? 

Nous nous posons beaucoup de questions sur la sensibilité des analyses faites par ce laboratoire. Nous avons beaucoup de mal à comprendre comment 16.000 analyses réalisées en 2017 ont pu ne rien révéler. Nous avons des doutes sur la sensibilité des tests. Ce n'est pas possible qu'il y ait eu zéro test positif. 

Quelles mesures allez-vous prendre à présent ? 

J'ai pris la décision de fermer définitivement la tour de séchage numéro 1. C'est une décision difficile mais indispensable. Il existe des solutions de rénovation pour cette tour, mais si nous suivions cette voie, nous aurions toujours la crainte d'une possible résurgence compte tenu des alertes en 2005 et 2017, à douze ans d'intervalle.

La fermeture va nous permettre de repartir sur des bases saines avec la deuxième tour toute récente. Ce plan a été présenté mercredi soir aux représentants du personnel, en leur assurant de notre volonté qu'il n'y ait aucune suppression de poste. Nous nous engageons à offrir un programme de mobilité aux salariés concernés par la fermeture de la tour numéro 1. Nous avons la chance d'avoir sept sites dans un rayon de 50 kilomètres de l'usine de Craon. 

Allez-vous changer de laboratoire ? 

Nous allons fortement renforcer nos programmes de contrôle sur le lait infantile. Les tests seront sécurisés par un deuxième laboratoire. 

Que vont devenir les marques Picot et Milumel ? 

Nous allons les relancer. Cela prendra du temps mais nous ne pensons pas qu'elles soient irrémédiablement affectées. Ce n'est pas dans nos habitudes de renoncer, d'autant que le marché du lait infantile est en croissance à l'international. 

A combien estimez-vous le coût de la crise pour Lactalis ? 

On ne peut pas le dire de façon définitive mais ce sera très lourd. Plusieurs centaines de millions d'euros. Cette affaire peut aussi nous coûter l'agrément à l'exportation sur une période qu'on ne peut pas estimer.

C'est la plus grande crise que j'ai eue à affronter dans ma vie de manager. Notre première responsabilité est de mettre sur le marché des produits sûrs à 100%. La qualité sanitaire mobilise 600 salariés en France. C'est le contrat de base de notre métier. 

Combien de plaintes y a-t-il à ce jour contre le groupe ? 

Il y en a plusieurs mais on ne sait pas encore exactement combien. 

Sur les douze millions de produits concernés par les rappels en France, combien ont été consommés ? Combien ont été détruits ? 

Nous n'avons pas les chiffres définitifs. Mais une partie importante a été consommée. Les retours devraient représenter moins de 50 % des volumes. 

Quand espérez-vous redémarrer la tour deux de l'usine ? 

Au premier semestre mais nous n'avons pas de date précise. La fromagerie du site a, elle, toujours continué à fonctionner. 

Les erreurs lors des phases de retraits ont choqué beaucoup de consommateurs... 

Nous avons été très surpris par ces erreurs, qui sont des erreurs humaines. Nous avons fait 11.000 visites dans les pharmacies, les crèches pour accompagner les retraits et 13.000 en GMS avec les commerciaux des différentes divisions du groupe. Mais on ne pensait pas qu'il pourrait y avoir un problème. Normalement ces procédures sont maîtrisées. 

Est-ce que cette crise va vous amener à prendre la parole plus souvent ? 

Je prendrai la parole chaque fois que nécessaire, et le groupe le fait très régulièrement. Vous savez, nous avons beaucoup de choses à dire sur certains sujets mais on n'a pas toujours l'impression d'être écouté. 

Que voulez-vous dire par là ? 

Sur les problèmes de la filière laitière par exemple, il faut aussi parler du marché et pas uniquement des prix, même si c'est un élément très important. La France est très excédentaire en lait. On ne peut pas déconnecter le prix des volumes. Il y a toujours des comparaisons qui sont faites entre le prix du lait payé par une entreprise qui collecte quelques millions de litres et celui de groupes qui collectent les excédents de production de la filière. Cela n'a rien à voir.

Qu'est-ce qu'on veut demain pour la filière laitière ? C'est la question qu'il faut se poser. Est-ce qu'on veut uniquement répondre aux besoins des consommateurs français, et dans ce cas, avoir une valorisation plus importante du lait, ou bien est-ce qu'on veut vendre beaucoup, et aussi à l'export ? Il faut bien comprendre qu'on ne peut pas se replier uniquement sur la France parce que ce serait dramatique en termes d'emplois et de producteurs. 

Que vont changer de ce point de vue les Etats généraux de l'alimentation (EGA) ? 

Les préconisations des EGA ne permettront pas de se déconnecter totalement du marché. Mais en assurant une meilleure valorisation des produits vendus en grande consommation, nous espérons qu'ils permettront de réduire la volatilité des prix. Nous avons passé des tarifs pour 2018 qui tiennent compte aussi du fait que les prix à la collecte ont augmenté en moyenne de 15 % en France l'an dernier. 

Que pensez-vous du projet de loi dans son ensemble ? 

Je pense qu'il y a de bonnes choses. Cela peut permettre d'arrêter cette guerre des prix qui détruit la filière. Tout le monde a été dans une démarche positive lors de la préparation de la charte. Après, il faudra voir comment c'est mis en place. 

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