
Le lanceur européen a cessé d'émettre après l'allumage des moteurs de son deuxième étage, cette nuit dans le ciel de Kourou. Les deux satellites sont en orbite, mais pas à la bonne altitude. Un loupé qui tombe mal, en pleine bataille commerciale avec Space X.
Il était 19h20 au centre spatial guyanais de Kourou (soit 23h20 à Paris) quand Ariane 5 a décollé, emportant dans sa coiffe deux satellites de communications. Une fois tout son carburant brûlé, le premier étage de la fusée avec ses deux boosters latéraux est retombé dans l’atmosphère, comme prévu. Le deuxième étage a alors allumé son propre moteur pour continuer le voyage jusqu’à la mise en orbite des satellites…
Mais quelques secondes plus tard, silence radio. La station de télémétrie située à Natal au Brésil, chargée de suivre la trajectoire des lanceurs de Kourou en écoutant leurs signaux, n’a rien entendu. C’est en général très mauvais signe. La fusée a-t-elle explosé ?
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On a dû se ronger quelques ongles chez Arianespace, qui n’a connu aucun échec en 82 vols d’Ariane 5 depuis décembre 2002… Mais on a heureusement fini par avoir des nouvelles des deux satellites, qui, selon le communiqué d’Arianespace publié cette nuit, ont envoyé leurs propres messages pour signaler qu’ils se sont correctement séparés de la fusée et qu'«ils sont en orbite. SES-14 et Al Yah-3 communiquent avec leurs centres de contrôle respectifs. Les deux missions continuent.» Ouf. Tout ceci n’était peut-être qu’un problème de communication… Mais Arianespace ne précise pas si les satellites sont sur la bonne orbite, et il s'avère que ce n'est pas le cas.
VA241 update: lack of telemetry after ignition of the upper stage lasted the rest of powered flight. Both satellites confirmed separated, acquired, on orbit. SES-14 and Al Yah 3 communicating with their respective control centers. Both missions continuing https://t.co/1XIJ8dsnTm
— Stéphane Israël (@arianespaceceo) 26 janvier 2018
SES est un satellite luxembourgeois, tandis qu’Al Yah-3 vient des Emirats Arabes Unis. Ils devaient tous deux rejoindre une altitude d’environ 36 000 kilomètres – mais cette orbite géostationnaire sera difficile à atteindre par leurs propres moyens si le deuxième étage de la fusée ne les y a pas lancés comme il aurait dû.
#Ariane5#VA241 Les deux satellites de télécommunications ont été mis en orbite, mais pas au bon endroit… @Arianespace espère toutefois un futur "repositionnement des satellites au bon endroit grâce à leur système de propulsion". pic.twitter.com/j0nxvdyIEU
— Wakka (@wakka44) 26 janvier 2018
Le constructeur du satellite luxembourgeois a confirmé ce vendredi matin qu'effectivement, SES-14 devrait se débrouiller par ses propres moyens (un système de propulsion électrique) pour atteindre l'orbite initialement prévue : «il atteindra son orbite géostationnaire seulement quatre semaines plus tard que prévu.» Il devait être opérationnel en juillet, il le sera en août. Les dégâts sont limités. On n'a pas encore de nouvelles du côté Al Yah-3, mais son système de propulsion est différent, et la perspective d'une correction de trajectoire est bien plus compromise.
Une enquête a été ouverte pour déterminer les causes de la perte de télémétrie et éviter qu’elle se reproduise dans le futur (Ariane 5 devant assurer six autres vols en 2018).
A lireGuerre des fusées : Ariane satellisée par SpaceX
Ce lancement problématique tombe en tous cas plutôt mal pour Arianespace, en pleine guerre commerciale avec SpaceX. En 2017, la firme d’Elon Musk, qui opère la fusée Falcon 9, a surclassé, pour la première fois, la grande dame de l’Europe spatiale avec 18 tirs réussis contre 11 (6 Ariane 5, 2 Soyouz et 3 petites Vega, lancées elles aussi depuis Kourou). Mieux, SpaceX a récupéré quatorze étages de sa fusée, démontrant ainsi sa maîtrise technologique exclusive du toss back («récupérabilité»), là où Ariane 5 - ni même Ariane 6, le futur lanceur européen qui décollera en 2020 - ne sont réutilisables. Et, après un test moteur réussi le 24 janvier, Elon Musk s’apprête à lancer Falcon Heavy: la plus grosse fusée (60 tonnes de charge utile contre 11 tonnes pour Ariane 5) que l’on ait connu depuis la Saturn V, utilisée par la Nasa entre 1967 et 1973 pour aller sur la Lune...
Space X aussi a eu des soucis
Mais avec ses 82 lancements réussis, Ariane 5 s’est avéré le plus fiable des lanceurs du marché jusqu’ici. Et SpaceX, qui prend bien plus de risques dans sa course à l’espace, a connu aussi quelques échecs retentissants. Le 1er septembre 2016, un Falcon 9 a explosé au décollage, détruisant carrément son pas de tir et un satellite à 200 millions de dollars. Et début janvier, Zuma, un satellite-espion américain top secret, dont le lancement avait été confié à SpaceX par l’US Air Force, a été perdu corps et bien dans l’espace sans que l’on sache précisément à ce jour ce qui s’est passé. Le tir s’est bien déroulé, mais ensuite Zuma n’a plus donné signe de vie, enfin d’après ce que l’on sait...
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