S’il y a deux mots qu’on aurait jamais imaginé voir accolés ensemble, c’est bien ceux de l’ex-vedette de télé-réalité Nabilla Benattia et de la très sérieuse Autorité des marchés financiers (AMF). Mais depuis mercredi matin, l’avertissement que lui a publiquement lancé le gendarme boursier, après qu’elle a fait la promotion d’une plateforme de conseil pour des investissements en bitcoin sur son compte Snapchat, tourne en boucle sur les réseaux sociaux. Publiée mardi soir sur Twitter, la mise en garde de l’AMF à l’attention de l’auteure du culte «Non mais allô, quoi !» et de tous ceux qui seraient titillés par l’idée de s’ouvrir un portefeuille en bitcoin est croustillante : «#Nabilla Le #Bitcoin c’est très risqué ! On peut perdre toute sa mise. Pas de placement miracle. Restez à l’écart.» Un message abondamment commenté par les internautes.

«De l’argent virtuel»

Le gendarme boursier est pourtant parfaitement dans son rôle de sensibilisation aux risques liés aux placements financiers quand il tance Nabilla pour avoir fait de la publicité au site TraderLeBitcoin, qui a posté sa prestation sur sa chaîne YouTube. Comme le raconte le site du magazine économique Capital, la vidéo intitulée «Bitcoin : si même Nabilla en parle» envoyée par la vedette sur son compte Snapchat fait l’apologie de l’argent facile qu’on peut amasser en investissant dans la crypto-monnaie. En peignoir, Nabilla Benattia y entame sa promotion d’un «les chéris, je sais pas si vous avez déjà entendu parler du bitcoin, cette sorte de nouvelle monnaie virtuelle», avant d’expliquer qu’elle connaît «une des filles qui travaillent avec un trader qui sont à fond dans le bitcoin» (sic) et que la crypto-monnaie est «grave en train de se développer». «C’est vraiment sûr, c’est vraiment cool, si ça vous intéresse, vraiment vous pouvez y aller les yeux fermés», poursuit-elle en livrant ses précieux conseils : «Même si vous y connaissez rien ça vous permet de gagner de l’argent sans investir beaucoup» affirme-t-elle en racontant avoir personnellement misé 1 000 euros et «déjà gagné 800 euros». Et de résumer le tout d’un «après, le bitcoin en fait c’est comme un investissement puisque c’est de l’argent qu’on peut toujours récupérer car c’est de l’argent virtuel».

L’AMF, elle, martèle sur Twitter que «le bitcoin n’est pas régulé. Très forte volatilité. Prudence absolue !» et renvoie vers la page de son site mettant en garde les particuliers contre le caractère hautement spéculatif de la devise. Où il est notamment écrit que «l’achat/vente et l’investissement en bitcoin s’effectuent à ce jour en dehors de tout marché réglementé. Les investisseurs s’exposent par conséquent à des risques de perte très élevés en cas de correction à la baisse et ne bénéficient d’aucune garantie ni protection du capital investi». Mais pour autant, «parce qu’en principe ils ne sont pas considérés en l’état actuel du droit comme des instruments financiers, le bitcoin et les autres "crypto" actifs n’entrent généralement pas dans le périmètre de supervision directe de l’AMF. Ils ne peuvent pas non plus être qualifiés de monnaies ni être considérés comme des moyens de paiement au sens juridique du terme. Par conséquent, ils ne sont donc pas non plus assujettis au cadre réglementaire relatif aux moyens de paiement».

Recadrage

Autrement dit, le bitcoin n’ayant aucune existence légale, la seule arme à disposition de l’AMF consiste à mettre en garde contre les dangers liés à ce type de placements. Contacté par Capital, Romain Bailleul, le fondateur du site TraderLeBitcoin, le sait très bien. Alors que pour n’importe quel autre placement, une publicité de ce genre est interdite par la réglementation avec potentiellement des amendes et condamnations à la clé, dans le cas du bitcoin, Nabilla et le site ne risquent rien d’autre que ce recadrage en règle de l’AMF. Et comme l’accès à TraderLeBitcoin est payant (549 euros pour six mois), Nabilla fait également la pub de son site partenaire Etoro où «c’est gratuit» pour ouvrir un compte, dit-elle. Basé à Chypre, ce site qui se présente comme «le leader mondial des réseaux d’investissement social» et qui dit limiter «votre risque pour que vous ne limitiez pas votre potentiel» bénéficie des renvois de TraderLebitcoin, tout comme L’analyste.com, qui emploie les mêmes traders. Ce dernier appartient à la société Stratton Oakmont SL – le même nom que celle du courtier qui inspira le Loup de WallStreet de Martin Scorsese. Du beau linge.

«Jetons»

Comme nous l’apprend l’AFP, Nabilla n’est cependant pas la première à vanter le bitcoin et d’autres crypto-monnaies sur les réseaux sociaux. L’héritière Paris Hilton ou la star d’Instagram DJ Khaled ont par exemple incité leurs followers à participer à des levées de fonds réalisées en monnaies virtuelles. Très en vogue et tout aussi risquées que l’achat de bitcoin, ces ICO ou «introduction coin offers» sont des méthodes alternatives de financement consistant à émettre des «jetons» auprès d’investisseurs en échange desquels les start-up récupèrent des fonds libellés en crypto-monnaies.

Et au Japon, huit filles d’une équipe baptisée «Kasotsuka Shojo» (littéralement «virtual currency girls»), représentant chacune une crypto-monnaie (bitcoin, Ethereum, Ripple, etc.) organisent des concerts, le plus récent ce vendredi à Tokyo. Des spectacles dont les places sont bien sûr vendues en monnaie virtuelle. «Nous voulons promouvoir de manière ludique l’idée que les monnaies virtuelles ne sont pas simplement un outil de spéculation mais une technologie formidable amenée à façonner l’avenir», explique l’une d’entre elle, Rara Naruse, 18 ans, tout en mettant en garde contre les dérives et fraudes. En décembre, un peu plus de 31% des transactions mondiales du bitcoin ont été libellées en yen, d’après le site nippon jpbitcoin.com. Mais à la différence de la France, la crypto-monnaie y est désormais reconnue comme un moyen de paiement légal.

Christophe Alix