
Les spécialistes le disent : réduire la vitesse maximale autorisée (VMA) de 90 à 80 km/heure sur les départementales n'est sans doute pas la panacée. C'est la décision qu'Edouard Philippe devrait cependant prendre officialiser mardi, en Comité interministériel de la Sécurité routière (CISR), avec d'autres annonces sur le contrôle de l'alcoolémie et l'usage du téléphone.
L'estimation de 200 à 400 décès évités par an rend attractive cette mesure qui a les faveurs, à titre personnel, du premier ministre. La route a encore tué 3.469 personnes en 2016. Ce chiffre n'a jamais baissé depuis 2014 et l'objectif fixé en 2012 de le ramener à 2.000 en 2020, s'éloigne. « Je sais que si nous annonçons cette mesure je serai critiqué. Mais je sais qu'elle va sauver des vies. (...) Si pour sauver des vies il faut être impopulaire, j'accepte de l'être », a déclaré Edouard Philippe dans un entretien au «Journal du Dimanche », comme pour préparer le terrain face à une opinion qui ne lui est pas acquise. Début décembre, 56 % des Français s'y disaient défavorables dans un sondage Ifop commandé par le gouvernement.
Une économie de carburant de 120 euros
Cette mesure est censée faire du bien à l'environnement. En levant le pied, les automobilistes empruntant les 380.000 km du réseau secondaire réduiraient jusqu'à 30 % les émissions de polluants. C'est ce qu'indique une note de la Direction de la Sécurité routière récemment adressée aux préfets pour préparer les esprits à cette baisse de régime.
Elle permettrait aussi de réduire la consommation de carburant de l'automobiliste, générant une économie annuelle de 120 euros selon la même note. Celle-ci omet toutefois de pondérer ce gain par la hausse de la fiscalité de l'essence et surtout celle du diesel (10 % cette année), qui vont se poursuivre. Autre assurance donnée, le temps passé au volant variera peu : 45 secondes de plus pour un trajet de 10 kilomètres et 3 minutes pour un trajet de 40 kilomètres.
Les usagers de la route ne partagent pas tous ces arguments, à commencer par les entreprises de transport. « Il pourrait y avoir plus de prises de risques car les dépassements seront plus nombreux », estime Elisabeth Charrier, déléguée générale aux régions à la FNTR (Fédération nationale des transports routiers). S'il n'est pas prévu d'abaisser la limite des 80 km/heure déjà en vigueur pour les poids lourds empruntant ces départementales peu sûres (55 % des accidents), quid de ceux chargés de matières dangereuses (camions-citernes, etc.) ? La réglementation les oblige à rouler 20 km/h sous la vitesse maximale autorisée, ce qui devrait les faire passer à une vitesse autorisée de 60 km/heure.
« Politique du tiroir-caisse »
Les routiers ne voient pas plus où sont les économies. Les moteurs des poids lourds tourneront en dessous de leur rendement optimum, entraînant « une surconsommation de gas-oil », indique Elisabeth Charrier. Elle redoute aussi un allongement des temps de conduite pour un même trajet et donc un surcoût de main-d'oeuvre. Les plus concernés seront surtout les transporteurs locaux.
Plus généralement, les impacts positifs des 80 km/h sont contestés par ses opposants, qui mettent en avant le fait que les résultats de l'expérimentation qui en a été faite sur trois tronçons n'ont jamais été publiés, ce qui alimente les fantasmes. Un argument non recevable aux yeux de la Présidente de la Ligue contre la violence routière, qui a défendu bec et ongles cet abaissement de la VMA. « Aucune mesure n'a été effectuée sur la période qui a précédé cette expérimentation. C'est absurde. On ne peut rien comparer », déplore Chantal Perrichon, qui ne doute pas que cette mesure soit efficace. « Mais elle doit être contrôlée. Il faut déployer des radars mobiles embarqués dans les véhicules banalisés », martèle-t-elle.
Les récentes Assises de la mobilité ont évoqué une approche différente. « La Sécurité routière est trop associée à la politique du tiroir-caisse. Il faut envoyer un autre message », estime Gilles Savary, président du groupe « Mobilités plus sûres » à ces mêmes assises. « Plutôt que d'appliquer partout la même limitation de vitesse, il faut agir de façon différenciée, faire de la maintenance prédictive. Notre réseau routier secondaire est très hétérogène », souligne l'ancien député.
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