Muriel Pénicaud a annoncé lundi que chaque salarié disposerait de 500 euros par an pour se former, à la place de l'actuel compte en heures, et que la collecte des fonds serait dorénavant assurée par les Urssaf, un "big bang", qui risque de fâcher les partenaires sociaux.
"Une bataille mondiale de la compétence est engagée" et il ne faut pas "réformer à la marge", a déclaré la ministre lors de la présentation de la réforme sur la formation professionnelle devant la presse.
Elle s'inscrit dans un projet de loi, contenant aussi des volets "apprentissage" et "assurance chômage", qui doit être présenté en conseil des ministres mi-avril.
Le volet "formation professionnelle" s'appuie "largement" sur l'accord conclu le 22 février par les syndicats et le patronat, que la ministre du Travail a salué.
Ce texte, âprement négocié pendant trois mois, contient, entre autres, un renforcement du compte personnel de formation (CPF). Les partenaires sociaux avaient décidé une augmentation des heures, le gouvernement a retenu l'idée d'augmenter les droits à la formation mais a apporté une modification importante: le CPF va passer en euros.
"Les euros sont beaucoup plus concrets et lisibles pour chacun", a expliqué Mme Pénicaud, au grand dam des syndicats et du patronat, pour qui une comptabilisation en euros entraînera une inflation des coûts de formation et une baisse des droits.
Avec la réforme, les salariés disposeront sur leur compte de 500 euros par an, plafonnés à 5.000 euros. Les personnes sans qualification auront 800 euros, avec un plafonnement à 8.000. "Pour les salariés en CDD, le compte sera crédité au prorata temporis", a ajouté Mme Pénicaud.
'Le réel des gens'
Autre changement de taille: les sommes destinées à la formation seront collectées par les Urssaf. Il s'agit d'une contribution totale de 1% pour les entreprises de plus de 11 salariés et de 0,55% pour celles de moins de 10. Les Urssaf transfèreront ces sommes à la Caisse des dépôts. Actuellement, la collecte est réalisée par les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca).
Ces derniers seront transformés en "Opérateurs de compétences", des structures qui seront chargées, notamment, de financer les centres de formation d'apprentis (CFA). Dans leur accord, syndicats et patronat souhaitaient que les Opca continuent de collecter les fonds, dans un souci "d'efficacité et de visibilité".
Dimanche dans une tribune au JDD, le président du Medef Pierre Gattaz avait jugé nécessaire de "réformer" les Opca et de les "pousser à être plus efficaces" mais en s'opposant à l'idée de "les supprimer".
En outre, une agence nationale, baptisée "France compétences", sera créée et gérée par l'Etat, les organisations patronales et syndicales, et les Régions. Parmi ses missions, la régulation des prix des formations, afin que les coûts "ne dérivent pas".
La ministre du Travail avait salué dans l'accord du 22 février une "très grande avancée pour développer les droits individuels des salariés et demandeurs d'emploi".
Mais pour la ministre, le compte n'y était pas sur la remise à plat du système, d'une "complexité inouïe". Elle avait promis de s'attaquer à la "tuyauterie" et ni plus ni moins qu'un "big bang".
Cette annonce choc a braqué syndicats et patronat. "Mme la ministre devrait faire attention que son +big bang+ ne lui revienne pas comme un boomerang", a prévenu Michel Beaugas (FO).
"Attention" à ne pas se mettre "davantage à travailler sur la tuyauterie que sur le réel des gens", a mis en garde samedi Laurent Berger (CFDT).
La formation professionnelle coûte chaque année environ 25 milliards d'euros. Les entreprises, dont les dépenses directes ne sont pas prises en compte dans ce total, en sont, malgré tout, les premiers financeurs.
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