
Jean-Marc Janaillac n'a certainement pas oublié cet épisode clé pour son groupe puisqu'à l'époque, en plus de ses fonctions à la tête de la structure de promotion Maison de la France, il était également... administrateur d'Air France.
En ce printemps 1994, Air France est cliniquement mort, avec 12 milliards de francs de pertes cumulées sur trois ans, un endettement record et des pertes récurrentes de parts de marché. le dépôt de bilan plane. Le gouvernement Balladur est disposé à procéder à une recapitalisation record (20 milliards de francs, soir 3 milliards d'euros) pour sauver le groupe issu de la fusion avec Air Inter et UTA, mais pas sans contreparties sur le plan social. Les salaires sont payés via un prêt consenti par la Caisse des Dépôts, la productivité est notoirement insuffisante et le gouvernement se souvient de la manière dont l'ex symbole absolu Pan Am vient de disparaître du ciel américain.
Remède de cheval
Nommé quelques mois plus tôt, Christian Blanc, qui a beaucoup consulté ses troupes, propose un plan de redressement, un véritable remède de cheval : 5.000 suppressions d'emplois sans licenciements, gel des salaires pour 3 ans, allongement de la durée du travail y compris pour les pilotes (nous sommes avant les lois Aubry sur les 35 heures), blocage des avancements, mise au rancart de 17 avions, etc.
Seulement six syndicats de l'entreprise approuvent le plan, et huit autres le rejettent, la coalition du refus alliant la CGT et CFDT au SNPL (pilotes) et SNPNC (hôtesses et stewards). Face à cette impasse, Christian Blanc dégaine alors l'arme absolue : le recours au peuple. Une première en France pour une entreprise de cette taille. Les 40.000 salariés de l'entreprise devront donc se prononcer directement sur le projet d'entreprise « Reconstruire Air France », exposé dans un document de 47 pages reçu dans leur boîte aux lettres. Une formule soufflée au PDG par l'influent leader d'alors de FO dans la maison, Robert Genovès.
Démission dans la balance
« La réponse doit être claire et massive », insiste dans des accents gaulliens Christian Blanc dans un courrier adressé aux salariés. Pas question de chercher une victoire à l'arraché, le patron qui met sa démission dans la balance (déjà) cherche un clair soutien à son plan de vol. Et sait qu'une bonne partie des salariés est prête à bouger pour sauver le groupe.
le suffrage de 1994
L'opération tourne au plébiscite. Et même dépourvue, en tant que telle, de valeur juridique, elle assied la légitimité du dirigeant connu pour ses célèbres cigares, fumés sous le nez des mécanos avec un air bravache. Non seulement le taux de réponse est énorme (83,6 % de participation), mais le « oui » triomphe avec 81,3 % des voix. L'ancien patron de la RATP, qui avait claqué la porte quand le gouvernement lui avait refusé l'instauration d'un service minimum, a remporté un blanc-seing maximum.
Une arme peu utilisée
Depuis, la formule du référendum d'entreprise, honnie par les syndicats, a été assez peu utilisée. Le constructeur de voitures Smart, basé en Lorraine mais détenu par Daimler, s'en est servi en 2015 pour remonter le temps de travail . Autres exemples, chez Novo Nordisk (fabricant d'insuline) et RTE, le réseau de transport d'électricité. Et sur des bases plus réduites que l'ensemble du personnel, les pilotes d'Air France ont voté au début 2017 en faveur du projet Boost d'externalisation d'une partie de la flotte dans une nouvelle structure. Pas tout à fait une première donc dans le groupe déjà dirigé par Jean-Marc Janaillac.
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