La croissance s'enlise et le gouvernement, qui avait beaucoup misé sur un regain de vitalité de l'économie française, avance désormais en sable mouvant. Selon l'Insee, qui a livré ce vendredi son estimation pour le deuxième trimestre, le PIB hexagonal (Produit intérieur brut) n'a progressé que de 0,2% par rapport aux trois premiers mois de l'année. Un chiffre souffreteux, absolument identique à celui mesuré au premier trimestre, après le rebond de 0,7% enregistré entre octobre et décembre 2017, qui laissait espérer au nouveau pouvoir en marche que le moteur de la croissance française n'était pas en train de caler.

Après une progression du PIB de + 2,2% en 2017, plutôt encourageante pour le nouveau pouvoir, le gouvernement misait raisonnablement sur 2% en 2018. Mais sauf miracle de fin d'année, il va sans doute devoir revoir son objectif politique à la baisse. «Ce n'est plus jouable, a confirmé à l'AFP l'économiste de Natixis Philippe Waechter. Pour y parvenir, il faudrait 1% de croissance au troisième et quatrième trimestre». La Banque de France, qui connaît la musique des prévisions statistiques, avertissait d'ailleurs dès le 15 juin que Bercy et Matignon avaient visé trop haut: elle a ramené son augure de croissance pour cette année à 1,8% seulement, tout en qualifiant la dite croissance d'encore «robuste». Car les choses risquent de ne pas s'arranger au pays du PIB: selon l'institution, «elle se réduirait ensuite légèrement à 1,7% en 2019 et 1,6% en 2020». Le gouvernement avait lui anticipé ce ralentissement mais dans des proportions moindres: il tablait donc sur 2% en 2018, 1,9% en 2019 et 1,7% en 2020. Pour le choc de croissance espéré, il faudra repasser. Waechter de Natixis n'exclut d'ailleurs pas que la croissance tombe carrément à 1,5% dès cette année, si la machine ne repart pas dans les mois à venir...

Effet Carburant et CSG

Le fait est que ce tout petit 0,2% enregistré au deuxième trimestre est légèrement inférieur aux attentes de l'Insee, qui tablait encore mi-juin sur un 0,3% au deuxième trimestre qui aurait traduit un léger frémissement par rapport au début de l'année. Ce coup de frein manifeste ne doit rien au hasard: la consommation des ménages a encore molli (-0,1%) au deuxième trimestre, alors qu'elle avait frémi de 0,2% au premier trimestre. Il ne faut pas chercher bien loin l'explication: la hausse des prix du carburant, qui a été accentuée par l'augmentation des taxes sur l'essence, et bien sûr l'augmentation de la CSG ont freiné l'envie de consommer, sans oublier la légère baisse du chômage (-1,3% sur un an pour les demandeurs d'emploi de catégorie A).

En attendant que des mesures fiscales plus favorables (baisse de la taxe d'habitation et des taux de costisation salariale) ne viennent redonner aux ménages l'envie de consommer l'an prochain, le gouvernement place donc tous ses espoirs dans sa politique très favorable aux «premiers de cordée»: les investissements des entreprises ont progressé de 1,1% d'un trimestre sur l'autre. Il faut dire que les dites entreprises bénéficient à la fois du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) inventé sous Hollande et de la baisse des cotisations sociales décidée par Macron. Mais le commerce extérieur reste fragile avec des exportations en hausse de 0,6% seulement (après - 0,4% au premier trimestre) et la bagarre en cours entre l'Union européenne et les Etats-Unis de Trump risque de ne rien arranger. Résultat, l'Insee voit la croissance à 1,7% en 2018 ce qui rend un peu plus caduc l'objectif des 2% que le gouvernement ne s'est encore résolu à abandonner.

Pas gagné pour le déficit

Et pour cause. Sans ces 2% de croissance c'est son autre objectif qui tombe à l'eau: ramener le déficit public à 2,3% cette année conformément aux promesses faites par la France à Bruxelles. Interrogé par l'AFP, Philippe Waechter de Natixis estime ainsi que le déficit restera au tour de 2,6%, comme l'an dernier. Voilà peut-être matière à réflexion pour Emmanuel Macron qui, pour relancer l'économie française, a fixé un cap économique très pro-entreprises et favorable aux plus aisés, en pariant en creux sur un «ruissellement» qui décidement ne vient pas.

Jean-Christophe Féraud