
D'après une enquête e la Direction de la répression de fraudes, révélée ce lundi par Le Parisien, plusieurs millions de bouteilles de vin rosé espagnol ont été « maquillées » pour être vendues comme du vin français.
Une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) montre que des millions de litres de rosé espagnol ont été vendus pour du vin français, révèle Le Parisien du lundi 9 juillet. Après avoir reçu des alertes fin 2015 sur la francisation de vins espagnols, la DGCCRF a lancé une enquête en 2016 et 2017.
Alexandre Chevallier, le directeur de cabinet adjoint de la DGCCRF explique au quotidien que « ces cas de francisation concernent plus de 70 000 hectolitres de vin ». Soit l'équivalent de 10 millions de bouteilles de rosé.
Selon les établissements, les quantités de vin présentées frauduleusement vont de 2 000 à 34 500 hectolitres. « Des vins espagnols étaient ainsi revendus en vrac en tant que « vin de France » voire en usurpant un nom d'IGP française », indique la DGCCRF dans son rapport d'enquête consulté lundi.
Des anomalies d'étiquetage
Au total, 743 établissements ont été contrôlés en deux ans: « 22% des établissements visités en 2016 et 15% des établissements visités en 2017 faisaient l'objet de non-conformités allant de la présentation confusionnelle à la francisation », précise-t-elle.
Une fleur de lys, une cocarde française, les mentions « Produced in France » ou encore « Embouteillé en France » étaient mises en avant alors que la mention d'origine « Vin d'Espagne » ou « Vin de la communauté européenne » figurait au dos de la bouteille et de façon peu lisible. Le Parisien rappelle quelles sont les mentions obligatoires à surveiller : le pays d'origine doit obligatoirement être indiqué sur la bouteille, l'indication géographique, le nom de l'exploitation et les caractéristiques du vin.
L'enquête de la répression des fraudes a été « étendue aux cafés, hôtels et restaurants pour vérifier notamment l'origine des vins vendus au pichet ou au verre » : 2 414 établissements ont été ainsi contrôlés. Les enquêteurs ont constaté parmi les manquements « l'absence de mention d'origine du vin sur la carte des vins alors que la confusion est entretenue par l'utilisation de dénominations commerciales à consonance française », mais aussi « des francisations volontaires de l'origine », alors qu'il s'agissait de vin d'Espagne.
« Une question de prix »
La raison de cette fraude? « C'est une question de prix », répond à l'AFP Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA et viticulteur dans l'Hérault. « Le rosé en vrac espagnol se vendait en 2016 autour de 0,35 euro le litre, au niveau français on était en moyenne à 0,85 euro le litre, ça allait du simple au double ! », rappelle-t-il. Une distorsion de concurrence due en grande partie à d'importants excédents de production en Espagne en 2016, qui se sont traduits par des baisses de prix.
La situation s'est toutefois rétablie à la récolte 2017, très petite dans toute l'Union européenne, note M. Despey, pour qui ces contrôles vont « dans le bon sens »: « Il faut continuer à avoir une pression des contrôles pour que des choses pareilles ne puissent plus se reproduire », a-t-il demandé, appelant également le gouvernement à mettre en place « un étiquetage plus clair sur l'origine des produits ».
Contrôles réguliers
« J'ai demandé à la DGCCRF (..) de poursuivre ses contrôles dans le secteur de manière régulière », a assuré Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'Etat à l'Economie, rappelant que la France est le deuxième producteur mondial de vin.
Cette guerre entre viticulteurs du sud de la France et espagnols s'était traduite par des tensions très fortes en 2017 : les actions de viticulteurs pour protester contre ces importations s'étaient multipliées dans le Gard, l'Hérault, l'Aude et les Pyrénées-Orientales.
Les ministres de l'Agriculture français et espagnol s'étaient rencontrés il y a presque un an jour pour jour à Paris, pour tenter d'enterrer la hache de guerre. Cette rencontre a permis, depuis, la mise en place d'outils pour limiter la volatilité des prix, selon M. Despey.
Dans le cas des fraudeurs dépistés, des injonctions de mises en conformité, des procès-verbaux et des procédures pénales pour tromperie ont été lancés par la DGCCRF, qui précise que si « des manquements graves » ont été relevés, « pouvant porter sur de grands volumes », « les contrôles ont montré que la réglementation était correctement appliquée dans la majorité des cas ».
Les peines encourues pour pratique commerciale trompeuse sont de deux ans de prison et 300 000 € d'amende, montant pouvant être porté à 10% du chiffre d'affaires moyen annuel, rappelle la répression des fraudes.
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