
Cette année, le père Noël est passé avec un peu d'avance pour Airbus Defence & Space (Airbus DS). L'opérateur Eutelsat a annoncé le 19 novembre la commande de deux satellites de télécommunications au constructeur européen, confirmant un pré-accord signé en août dernier. Cette commande est d'abord stratégique pour Eutelsat : les deux satellites, très puissants, remplaceront les trois satellites Hotbird actuellement en orbite. Or ceux-ci sont essentiels : ils représentent environ le tiers du chiffre d'affaires du groupe (1,4 milliard d'euros). "Ils diffusent 1.000 chaînes de télévision vers plus de 135 millions de foyers en Europe, Afrique du Nord et au Moyen-Orient, ils figurent donc parmi les joyaux de la société", souligne Rodolphe Belmer, directeur général d'Eutelsat. Les deux nouveaux satellites, de 4,5 tonnes chacun et d'une puissance de 22KW (contre 14,5KW pour la génération précédente), seront lancés en 2021.
Le contrat est tout aussi important pour Airbus. Comme ses grands concurrents, Loral, Thales Alenia Space ou Boeing, le groupe européen, un des principaux fabricants mondiaux de satellites, se débat depuis trois ans sur un marché très dégradé. Les commandes de satellites de télécommunications dédiés à l'orbite géostationnaire (36.000 km) sont ainsi passées de 20-25 par an en moyenne au début des années 2010 à 8 en 2017. Le chiffre devrait être à peu près identique en 2018. La commande de deux satellites d'un coup est donc une sacrée bouffée d'oxygène pour Airbus DS, qui n'avait décroché aucun contrat depuis le début de l'année et va pouvoir ainsi faire tourner ses sites de Toulouse, Stevenage et Portsmouth (Royaume-Uni). Le montant total du contrat n’a pas été dévoilé, mais un satellite télécoms coûte en général entre 100 et 150 millions d’euros. Eutelsat évoque une commande de "plusieurs centaines de millions d’euros".
Contexte déprimé
Avec ce contrat, Airbus DS dépasse ses concurrents sur les prises de commandes 2018. Thales Alenia Space n’a obtenu qu’un contrat, la commande du satellite Konnect VHTS dédié à la lutte contre la fracture numérique en France et à la connectivité dans les avions. L'américain Loral plafonne aussi à un seul contrat. Quant à Boeing, il n'a pour l'instant décroché aucun contrat en 2018. Cette crise commence à faire des dégâts: l'américain Loral, longtemps leader du marché, a été mis en vente par son actionnaire, le canadien Maxar. Son usine de Palo Alto (Californie) est calibrée pour assembler au moins sept satellites par an, mais il n'a décroché que deux commandes en 2017 et une en 2018. La crise du secteur a aussi contribué à affaiblir ArianeGroup, le maître d'œuvre des lanceurs Ariane 5 et Ariane 6, qui a annoncé il y a quelques jours la suppression de 2.300 postes en interne et chez ses sous-traitants.
Comment expliquer cette crise ? Les opérateurs satellites, clients des industriels, sont en phase de transition. D’un côté, leurs activités historiques ralentissent, comme la vidéo (diffusion de chaînes de télévision), de loin leur principal segment. De l’autre, les relais de croissance, notamment les satellites destinés à la connexion Internet haut débit, ne compensent pas -encore ?- la baisse des activités historiques. Certes, quelques satellites très puissants dédiés à la connectivité, dits VHTS, ont déjà été commandés, comme Konnect VHTS (Eutelsat), SES-17 (SES) ou Viasat-3 (Viasat). Mais leur nombre est insuffisant pour remplir les carnets de commandes des industriels. "Les investissements liés à la connectivité vont monter en puissance à partir du début de la prochaine décennie", assure Rodolphe Belmer.
Arrivée des constellations
Un troisième facteur explique le ralentissement des commandes : les opérateurs satellites doivent faire face à l'irruption de projets de constellations de satellites télécoms en orbite basse (moins de 2.000 km). Or celles-ci pourraient concurrencer les activités traditionnelles des opérateurs, basées sur les satellites en orbite géostationnaire (36.000 km). OneWeb doit ainsi lancer une constellation de plus de 900 satellites à partir de début 2019. Quant à SpaceX, il a été autorisé le 15 novembre par la Commission fédérale des communications (FCC) américaine à déployer 7.518 satellites de sa future constellation Starlink, qui s'ajoutent aux 4.425 satellites déjà approuvés. Soit une constellation potentielle de près de 12.000 satellites.
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