Quatre heures trente de réunion, mais une issue sans surprises. Les 17 membres du conseil d’administration de Renault ont décidé de maintenir «le dispositif actuel de gouvernance arrêté le 20 novembre 2018». En clair, le directeur général par intérim, Thierry Bolloré, poursuit sa tâche à la place du PDG «empêché» depuis son arrestation le 19 novembre sur le tarmac de l’aéroport de Tokyo. Soupçonné par la justice japonaise d’avoir dissimulé près de 40 millions d’euros de revenus en tant que patron de Nissan – et débarqué dans la foulée de la présidence du constructeur japonais – Carlos Ghosn conserve, pour le moment, son titre de PDG de Renault, même s’il ne peut plus l’exercer. Tout semble donc montrer que les actionnaires du groupe français, au premier rang desquels l’Etat, ne se hâtent pas de statuer sur le «cas Ghosn».

Mais histoire de bien montrer qu’il ne reste pas les bras ballants devant ce scandale judiciaire, le conseil d’administration de la firme au losange s’est fait communiquer les premiers éléments de l’enquête interne menée sur la rémunération de Carlos Ghosn chez Renault. A priori rien de contestable : ses émoluments seraient conformes à ce qui est prévu. «Ce n’est pas vraiment étonnant, note une syndicaliste, dans la mesure où, en France, le montant des rémunérations est publié et approuvé par l’assemblée générale des actionnaires.» Toutefois, les administrateurs restent un brin circonspects sur le silence de la défense de Carlos Ghosn, qui n’a pas transmis le moindre document. Or, depuis sa détention à Tokyo, le PDG s’est entouré d’un avocat local qui n’est autre qu’un ancien procureur du parquet de Tokyo et de deux conseils américains issus d’un prestigieux cabinet new-yorkais. En revanche, le conseil d’administration a confirmé avoir bien reçu les éléments à charges réunis par Nissan contre Carlos Ghosn.

Offensive japonaise, immobilisme français

Nissan ne ménage visiblement pas ses efforts dans son travail de sape contre Ghosn et en même temps contre le leadership de Renault au sein de l’alliance Renault-Nissan. Chaque jour amène son lot de fuites savamment distillées. Ainsi, l’agence Bloomberg a fait état d’une intention de Nissan de rapatrier 1,1 milliard de dollars de bénéfices générés par sa filiale chinoise. Une manière de se constituer un trésor de guerre pour changer l’équilibre des forces au sein de l’alliance avec Renault. Ce jeudi, France Info évoquait par ailleurs une demande de Nissan en vue de l’ouverture d’une enquête indépendante sur Renault-Nissan BV, la société holding de droit néerlandais qui représente juridiquement l’alliance entre les deux constructeurs. Nissan soupçonnerait cette structure d’être utilisée à des fins d’optimisation fiscale, notamment pour le versement de rémunérations complémentaires à des cadres dirigeants.

Toute la question est maintenant de savoir de quels arguments disposent Renault et l’Etat français pour répondre à cette offensive japonaise, destinée à prendre le pouvoir au sein de l’alliance Renault-Nissan. Jusqu’à présent, la stratégie choisie s’apparente plus à l’immobilisme qu’à la contre-offensive.

Franck Bouaziz