Souffler sur les braises. C'est indirectement ce qu'est en train de faire Carlos Ghosn, en criant à la trahison. Ayant choisi la thèse du complot comme ligne de défense, l'ex-triple-PDG s'en prend directement à Nissan et à ses dirigeants, au moment même où il s'agit pour Renault de renouer les liens avec le partenaire japonais.
C'est la mission explicite de Jean-Dominique Senard , le nouveau président du Losange. Eviter la guerre ouverte et l'explosion en vol de l'Alliance est vital pour chacune des deux entreprises : défaire les liens opérationnels parfois étroits dans certains domaines, revenir au « chacun chez soi », serait si coûteux que certains analystes ont qualifié ce scénario de « presque suicidaire » .
En chiens de faïence
Mais l'émotion s'oppose souvent à la raison. Beaucoup de dirigeants actuels de Renault ne peuvent pas croire à la culpabilité de leur patron. Présomption d'innocence et loyauté obligent, « ils ont du mal à faire leur deuil », notait il y a quelques jours une source gouvernementale. Au delà-même de la direction, les accusations publiques de l'ex-PDG de Renault risquent de conforter le corps social dans son sentiment « anti-Nissan » même si les preuves formelles d'un complot manquent pour l'instant. « Le lien est abîmé, les Renault et les Nissan se regardent en chien de faïence », racontent les opérationnels, loin des discours officiels. Rien depuis deux mois n'a réellement changé sur ce plan .
Carlos Ghosn n'accuse certes pas l'ensemble de l'entreprise de trahison. « J'aime le Japon. J'aime Nissan. Je n'ai rien contre le groupe », insiste-t-il, rappelant les années passées « à en faire une entreprise puissante ». Il laisse toutefois planer le doute sur les responsables du complot, donne à entendre qu'ils sont toujours en poste, sans nommer, mais sans innocenter non plus son directeur général, Hiroto Saikawa. « C'est compliqué de travailler avec ceux qui ont trahi », confirme un proche de la direction du Losange. « Mais Renault a jusqu'à présent préféré ne pas monter au créneau, précisément pour ne pas jeter de l'huile sur le feu ».
Intégrité et légitimité
Côté Nissan l'atmosphère n'est guère plus sereine. Hiroto Saikawa, dans nos colonnes mais aussi en interne, ne cesse de plaider sa bonne foi. Comment dans ces conditions, la direction de Nissan peut-elle ne pas se sentir blessée de constater qu'à Boulogne Billancourt, on ne la croit pas ? Pourquoi les dirigeants de Renault ont-ils refusé de prendre directement connaissance du dossier d'accusation constitué par Nissan, se contentant d'envoyer des avocats ? Vu de la fenêtre Nissan, c'est incompréhensible. Au fil des semaines, la défiance a fini par s'installer aussi à Yokohama.
En nommant Jean-Dominique Senard, le conseil d'administration de Renault sous l'impulsion par l'Etat (qui détient 15 % du Losange) a précisément voulu dépassionner les relations entre les partenaires, afin de renouer les liens. Le président de Michelin est connu pour son intégrité, une qualité qui le rend légitime aux yeux de tous . Reste que la tâche est immense. Il faudra sans doute plus que des discours pour rétablir une confiance durable.
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