L’incursion « inattendue » de l’Etat néerlandais au sein du capital du groupe aérien Air France-KLM a provoqué la stupéfaction en France. Le président Emmanuel Macron a réclamé à La Haye des clarifications sur cette décision considérée comme « inamicale » à Paris.
Un conseil d’administration exceptionnel du groupe franco-néerlandais s’est réuni mercredi 27 février, et a appelé à la « vigilance » au lendemain de l’annonce par le gouvernement néerlandais d’une prise de participation des Pays-Bas à hauteur de 12,68 % dans Air France-KLM. Afin de renforcer son influence dans le groupe, La Haye a affirmé vouloir obtenir une part équivalente à celle de l’Etat français, qui détient 14,3 % du groupe.
Assurant que Paris « n’a pas été informé de cette décision et de sa mise en œuvre », le président Emmanuel Macron a appelé les Pays-Bas à « clarifier » leurs intentions, estimant que « ce qui importe c’est que l’intérêt de la société soit préservé ». Le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, recevra son homologue néerlandais en fin de semaine, selon Paris.
M. Le Maire a d’ores et déjà critiqué une « décision incompréhensible et inattendue », estimant que « dans un environnement extrêmement concurrentiel », l’objectif devait « rester le même pour les Pays-Bas comme pour la France : le renforcement d’Air France-KLM ». Auparavant, Bercy avait qualifié cette opération d’« inamicale » et « surprenante », estimant que la démarche rappelait des « techniques de trader plutôt que d’un Etat actionnaire ». Selon le quotidien de référence De Volskrant, le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a personnellement averti le président Emmanuel Macron, tandis que le ministre des finances, Wopke Hoekstra, a appelé M. Le Maire, mais une fois l’opération terminée.
« Un coup politique »
« La position de KLM s’est sans cesse érodée ces derniers mois », a déploré le M. Hoekstra en annonçant mardi cette entrée au capital inédite. « Nous avons désormais le pouvoir de vote », a-t-il déclaré M. Hoekstra, promettant une position d’« actionnaire actif ». Pour De Volkskrant, le gouvernement s’est senti contraint d’investir dans Air France-KLM, jugeant son influence insuffisante pour protéger les intérêts nationaux. La Haye craint qu’à terme une grande partie des vols de KLM ne soit transférée à Paris, ce qui ferait perdre à l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol sa fonction de hub, selon la ministre de l’infrastructure néerlandaise, Cora van Nieuwenhuizen.
Selon Bercy, un protocole d’accord portant sur « la préservation de la plateforme de Schiphol » avait été « négocié par Air France-KLM avec les autorités néerlandaises » et était prêt à être signé mardi. « Pour l’instant il va être mis de côté », a ajouté le ministère. Selon M. Hoekstra, cela faisait plusieurs années que l’Etat néerlandais réfléchissait à entrer dans le capital d’Air France-KLM en raison d’importants doutes sur la stratégie de la compagnie. Pour Bernard Garbiso, secrétaire général de la CFE-CGC côté Air France, « la prise de position de l’Etat [néerlandais] montre un certain chauvinisme néerlandais sur KLM. C’est un coup politique ». « Il ne faut pas oublier qu’à une époque, Air France a permis de sauver KLM », a-t-il ajouté.
La question d’une croissance équilibrée des deux compagnies revient souvent sur la table depuis la fusion d’Air France et KLM en 2004, la Néerlandaise progressant sagement, sa sœur française étant secouée régulièrement par des conflits sociaux. L’irruption des Pays-Bas au sein du capital intervient également après une période de fortes tensions autour du renouvellement du mandat de Pieter Elbers, PDG de KLM depuis 2011 et de l’entrée au conseil de surveillance de KLM du nouveau PDG du groupe, le Canadien Benjamin Smith aux commandes depuis septembre.
Les frictions semblaient s’être apaisées le 19 février, M. Elbers ayant reçu confirmation de la reconduction de son mandat. Il avait en outre été nommé directeur général adjoint d’Air France-KLM, tout comme Anne Rigail, patronne d’Air France.
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