
Vous annoncez ce jeudi un nouveau plan d'économies de 500 millions d'euros et une revue des activités de votre banque de financement et d'investissement (BFI). Qu'est-ce qui justifie ces décisions ?
Un changement d'environnement complet depuis la mi-2018, confirmé par les tensions sur les marchés en fin d'année dernière. En fait, depuis l'été, les inquiétudes sur la trajectoire de l'économie mondiale n'ont fait que se renforcer.
Qu'il s'agisse de l'évolution de l'économie chinoise, des tensions commerciales ou des risques accrus de fragmentation en zone euro ( Brexit , Italie), tout pointe vers une montée des risques et un ralentissement de la croissance en 2019 et surtout en 2020. Dans ces conditions, nous anticipons un ralentissement durable sur certaines activités de marché et la persistance de taux bas. Il fallait réagir et trancher pour nous adapter à ce nouveau cycle.
Faut-il s'attendre à de fortes turbulences dans les banques durant les prochains mois ?
Je ne peux pas répondre pour mes concurrents, mais ce que je constate, c'est que nous avons mieux traversé les derniers mois que nombre d'entre eux. Nous sommes toujours en croissance . Il ne s'agit donc pas d'éviter des pertes, mais d'améliorer la rentabilité de nos fonds propres. Au moment où nous allons devoir répondre à de nouvelles contraintes en capital, c'est indispensable.
C'est la deuxième fois que vous êtes contraint d'ajuster votre plan stratégique, au risque de fâcher les marchés...
Les investisseurs sont attachés avant tout à la rentabilité structurelle et aux capitaux. Ils vont être rassurés de ce point de vue là. Ils verront en outre qu'on prend des mesures fortes pour redresser le cours de Bourse , qui ne reflète absolument pas notre valeur intrinsèque.
Vous avez décidé de verser votre dividende en partie en actions. N'est-ce pas le signe d'une difficulté à générer des fonds propres ?
En 2019, on risquait d'avoir une baisse de notre niveau de capital : la revue des modèles interne de mesures des risques (TRIM) menée par la BCE peut faire baisser nos fonds propres de 30 à 50 points de base. Proposer un dividende en actions nous permet de conserver un bon niveau de fonds propres. Je pense au contraire que cela est important pour donner confiance et nous assurer un meilleur coût de financement sur les marchés.
Tout cela ne vous encourage-t-il pas à rechercher une fusion avec un autre acteur bancaire ?
Je ne vois aucune fusion d'ampleur dans les deux prochaines années. Compte tenu de l'environnement financier que j'évoque, des incertitudes économiques et réglementaires, des problèmes politiques de l'Europe et de l'importance des transformations que nous avons à mener, il n'y aura pas de grands mouvements de consolidation à court terme. Les managements des banques vont être focalisés sur tous ces sujets et vont continuer à travailler dur sur la transformation des business models.
Chez Société Générale, nous avons l'avantage, par rapport à d'autres, d'avoir mis derrière nous les sujets de crise et de litiges. Notre ambition est claire : rendre notre modèle plus simple, préserver notre diversification et accélérer la digitalisation . Le reste n'est que rumeurs de marchés.
Il n'y a donc pas de remise en cause du modèle de la banque...
Non. Nous restons fidèles à notre modèle diversifié . Nous allons poursuivre au même rythme la transformation de la banque de détail en France, continuer à pousser les feux de notre pôle de croissance, la banque de détail à l'international, et donc réajuster les contours de notre BFI.
Notre volonté dans ce domaine est de réduire les capitaux qui y sont alloués, et de nous concentrer sur les activités qui dégagent la plus forte rentabilité. Le coût pour exercer certaines activités devient de plus en plus élevé. Il y a moins de volumes et une pression sur les prix. Il faut qu'on sorte de cet étau.
Précisément, quelles activités souhaitez-vous réduire ou arrêter dans la BFI ?
On veut concentrer l'allocation de nos fonds propres sur les zones de force de Société Générale comme les financements structurés, le financement de projet, le « trade finance ». Dans les dérivés actions et dans les produits structurés, nous voulons également conforter nos positions et rester leader. Dans les métiers de « fixed income » (taux, devises, matières premières), nous allons en revanche refocaliser nos activités. Le trading pour compte propre fait aussi partie des activités que nous mettons sous revue.
On se lance aujourd'hui dans un processus de revue très approfondi de nos activités de marchés, qui va s'étaler sur deux ou trois mois et à l'issue duquel nous prendrons des mesures. Cela nous permettra de réduire la consommation de capital de nos activités de marchés. De plus, nous voulons donc générer 500 millions d'économies supplémentaires dans les activités de banque de grande clientèle et solutions aux investisseurs métiers d'ici à 2020.
Quelles seront les conséquences de cette restructuration sur l'emploi ?
Nous sommes en train d'évaluer les conséquences sociales. Nous en discuterons avec les représentants de nos salariés.
Est-ce que le management de vos activités de marchés va aussi évoluer ?
Nous venons de l'annoncer : Jean-François Grégoire, l'actuel directeur délégué des risques qui a fait la plus grande partie de sa carrière sur les marchés, va remplacer Frank Drouet à la direction de nos activités de marchés. La gestion de ces métiers nécessite un dialogue avec les risques qui ont une compréhension fine des exigences des régulateurs. Stratégiquement, nous voulons anticiper les projets des régulateurs pour allouer au mieux nos fonds propres.
Par ailleurs, j'ai confié à l'actuel directeur de la banque privée et de la gestion d'actifs de Société Générale, Jean-François Mazaud, la mission de piloter le plan d'économies annoncé, ainsi que l'amélioration de l'efficacité de nos fonctions centrales. Avec Séverin Cabannes, ils constitueront une « task force » pour déterminer comment refocaliser nos activités et réaliser de nouvelles économies
Pour vous transformer plus vite, comptez-vous faire des cessions ? Qu'en est-il de Lyxor ?
Lyxor a vocation à rester dans le groupe. Fondamentalement, les ETF auront le vent en poupe dans les prochaines années. Notre revue se concentrera sur nos activités de marchés (« fixed income », actions, etc.). Toutes les activités peu rentables, en particuliers dans la partie « fixed income », sont concernées. Toutes ces mesures nous laisseront la marge de manoeuvre suffisante pour conforter l'atteinte de notre objectif de ratio de fonds propres CET1 à 12 % d'ici à fin 2020.
Les difficultés des BFI européennes ne signent-elles pas la grande victoire des banques américaines sur ces marchés ?
Il est vrai que l'environnement bancaire dont bénéficient actuellement les banques aux Etats-Unis pouvait difficilement être meilleur qu'en 2018. En banque de détail, les taux y sont bien plus favorables qu'en Europe, où le poison des taux négatifs est très puissant. Ils ont une croissance supérieure à la nôtre. Enfin, ils ont un marché consolidé, où les prix sont moins agressifs sur toutes sortes d'opérations de marchés. La réglementation leur est aussi favorable et ils ont bénéficié d'une baisse d'impôt massive qui a dopé leurs profits.
Le contraste est saisissant avec l'Europe. En Europe, la construction de l'Union bancaire et de l'Union des marchés de capitaux met beaucoup plus de temps que prévu à se réaliser. Avec le Brexit, la fragmentation tend à se renforcer. Et les exigences en capital et contribution diverses sont de plus en plus importantes. Chaque début d'année, la Société Générale verse ainsi 12 % à 13 % de son résultat net pour alimenter le fonds de soutien européen aux banques (FRU). On nous demande de payer une taxe d'habitation avant même que la maison commune européenne soit construite, et alors que les architectes ont pris la poudre d'escampette !
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