
Nous avons surmonté une période difficile qui nous a obligés, avec des prix bas sur le marché de gros de l'électricité, à mettre en place des mesures exceptionnelles, en particulier la cession de 10 milliards d'euros d'actifs et le renforcement de nos fonds propres à hauteur de 8 milliards d'euros. Nous sommes aujourd'hui dans une meilleure période, mais avec des investissements encore très importants devant nous. Nous avons donc la nécessité de poursuivre notre programme de cessions (2 à 3 milliards d'ici 2020, NDLR), et l'Etat nous soutient à nouveau en prenant son dividende sous forme d'actions nouvelles jusqu'en 2020. C'est une immense marque de confiance, concomitante avec la décision sur mon deuxième mandat.
En prenant le solde de son dividende en titres pour l'exercice 2018, l'Etat renonce à 400 millions d'euros de cash. Personne ne connaît aujourd'hui le montant des dividendes 2019 et 2020, mais cela représente au final des montants importants. En soutenant ainsi l'entreprise, l'Etat montre aussi qu'il confie à EDF le rôle de leader de la transition énergétique.
La transformation de l'entreprise est en cours mais elle est loin d'être achevée. Comme c'est souvent le cas pour des organisations de cette taille, la nôtre manque encore d'agilité et reste trop hiérarchique. Les modes d'expression doivent s'ouvrir davantage. Sur le plan industriel, nous devons faire la démonstration que l'EPR de Flamanville 3 fonctionne , comme c'est le cas de l'EPR en Chine. A nous de prouver que notre savoir-faire, reconnu depuis longtemps dans le monde, est intact pour construire des centrales nucléaires. Il faut être lucide avec soi-même. Tous nos publics sont dans l'expectative.
Nous n'avons jamais dit que le calendrier serait respecté quels que soient les imprévus. Nous maintenons l'objectif d'un chargement du combustible en fin d'année 2019 et les équipes sont entièrement mobilisées pour cela. Nous saurons en mai comment l'Autorité de sûreté nucléaire juge notre programme de travail.
Etre lucide sur un problème, c'est déjà en partie le résoudre. La filière nucléaire est moins attractive mais chez EDF nous arrivons à recruter parce que les candidats sont attirés par la carrière et parce qu'il y a beaucoup de perspectives et de moyens. Néanmoins nous manquons de personnels qualifiés dans l'industrie en général. Nous y travaillons avec nos partenaires, en identifiant notamment les salariés qualifiés qui ont travaillé à Flamanville, pour les fidéliser sur d'autres chantiers.
Notre objectif d'Ebitda pour 2019 est plus élevé que ce que nous avons réalisé en 2018 (15,3 à 16 à milliards d'euros contre 15,3 milliards réalisés l'an dernier, NDLR). Mais nous avons vendu des actifs dont nous ne retrouverons pas les résultats courants. Sur la production nucléaire, notre objectif il y a quelques années était de 420 térawattheures or nous ne ferons ces prochaines années pas plus de 405 TWh, à cause de la programmation des arrêts de tranche. La croissance du résultat sera donc limitée tant que le dispositif de l'Arenh reste inchangé (le prix auquel EDF doit vendre un quart de sa production à ses concurrents, NDLR). Nous nous réjouissons que ce dossier soit ouvert .
Le prix auquel nous sommes tenus de vendre notre électricité à nos concurrents n'a pas évolué depuis huit ans. Il permet de couvrir les coûts courants mais pas de réaliser nos investissements. Et il est asymétrique : nos concurrents se fournissent sur le marché quand les prix sont plus bas que l'Arenh, et à l'Arenh quand les prix remontent, nous privant de la hausse. Aujourd'hui, nos concurrents profitent d'une rente injustifiée. Auparavant on pouvait comprendre ce dispositif pour créer de la concurrence, mais aujourd'hui c'est de la captation de richesse par des intérêts privés. Il faut que cette injustice s'arrête. Nos concurrents ont bien prospéré, avec à 20 à 50 % du marché selon les segments. Ils n'ont construit aucun moyen de production, ils se contentent qu'on leur livre notre électricité, produite à la sueur de notre front.
Il faut rehausser le niveau actuel de l'Arenh, et rendre le système symétrique, avec un prix plancher qui permette à EDF d'assurer la rentabilité de ses investissements, et un prix plafond qui protège le consommateur quand il y a de trop de volatilité.
Il faut du temps pour le préparer et le voter mais cela peut nous amener bien avant 2025.
C'est un débat que certains ont voulu ouvrir mais la question de l'acceptabilité sociale du prix de l'électricité n'est pas de notre ressort. C'est à l'Etat de se prononcer et à chaque citoyen. Nous sommes l'une des rares entreprises qui ne fixe pas le prix de son principal produit.
On voit bien que le financement des nouveaux réacteurs nucléaires sera difficile. EDF est déjà très endetté et le gouvernement se préoccupe du fait qu'il n'aura pratiquement pas reçu de dividende en cash depuis 2016. Bien que nos bons résultats de 2018 renforcent notre crédibilité auprès des investisseurs, nous avons été dégradés par les agences de notation financière et nous sommes toujours en perspective négative. Le gouvernement me demande donc des scénarios pour optimiser les investissements tout en restant une entreprise intégrée. Nous y travaillons.
Aujourd'hui, tout remonte sur le bilan d'EDF. Doit-il y avoir un bilan destiné à financer les investissements de très long terme et un autre dédié aux investissements à moins long terme ? Savoir s'il faut une détention à 100 % publique, c'est à l'Etat de le dire. Mais le pourcentage de détention par l'Etat ne joue pas sur la capacité d'investissement. Notre note en tant qu'émetteur, A-, est trois niveaux plus élevée du fait de notre actionnariat public et du caractère stratégique d'EDF.
Pour les semaines ou les mois qui viennent, nous avons prévu tous les scénarios. Pour les réacteurs que nous prévoyons de construire à Sizewell après Hinkley Point, nous ne sommes pas à la veille de décider, ce sera en 2021
Nous avons anticipé cette situation mais nous ne serons véritablement fixés que dans quelques années car nous aurons besoin de compétences fortes durant toute la durée du chantier et de la mise en service.
EDF apporte une opinion mais n'essaye pas de se substituer à l'Etat pour planifier. Il faudra voir aussi quel sera le rythme réellement observé de développement des énergies renouvelables en France.
L'EPR de Taishan est actuellement rémunéré avec des prix provisoires. La rentabilité est positive mais elle n'est pas suffisante. Taishan, comme Flamanville, c'est le monde d'avant, quand les décisions d'investissement étaient fondées sur la base d'hypothèses de prix de marché. Désormais le nucléaire doit être construit dans un monde régulé.
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