Son mari va capter toute la lumière. Une fois de plus. Attirer à lui, tel un aimant, tous les micros et toutes les caméras. Carlos Ghosn, l'ex-grand patron franco-libanais, tient ce mercredi à Beyrouth un point presse mondialement attendu, neuf jours après sa rocambolesque fuite du Japon où il était assigné à résidence dans l'attente de son procès.
Mais ne vous y trompez pas. Depuis son arrestation de le 19 novembre 2018, le rôle de Carole Ghosn, son épouse, a été décisif. Dans l'ombre, elle s'est activée sans relâche. « She has guts » ( NDLR : elle a du cran, des tripes), résume l'une de ses proches, dans ce libanais parlé qui mélange allègrement arabe, français et anglais. C'est un fait : Carole a remué ciel et terre pour venir en aide à son mari. Elle a frappé à toutes les portes, plaidant sa cause auprès de l'ONG Human Rights Watch, des Nations Unies et même du président américain Donald Trump. En France, elle avait lancé un appel à l'aide au président Emmanuel Macron, dénonçant, l'automne dernier, le silence « assourdissant » de l'Elysée.
À la veille de cette conférence de presse, nous la rencontrons dans un hôtel cossu d'Achrafieh, un quartier de l'est de Beyrouth. Elle se présente avec quelques minutes de retard au rendez-vous fixé. La faute à la circulation, exécrable, et plus chaotique encore lorsqu'il pleut des cordes, comme ce mardi. Élégante, un brin méfiante, sa parole se libère au fil de l'entretien. Elle se détend, mais il reste dans son visage quelque chose de fragile, de soucieux et comme un voile dans son regard.
«Une vengeance des procureurs japonais»
48 heures après être arrivé au Liban, Carlos Ghosn avait pris soin de la dédouaner, assurant qu'il avait organisé « seul » son exfiltration. Mais ce mardi, la justice japonaise a émis un mandat d'arrêt à l'encontre de Carole Ghosn, soupçonnée de faux témoignage. « Il s'agit d'une vengeance des procureurs japonais, s'agace-t-elle. Ils l'ont annoncé juste avant la conférence, espérant mettre la pression sur mon mari et me punir une fois de plus. Je trouve ça petit de la part d'une prétendue grande démocratie. J'ai déjà été humiliée au Japon, où j'ai été accusée de fuir la justice alors que c'est absolument faux! J'y suis pourtant retournée de moi-même, en avril dernier, j'ai été entendue 4 heures et je suis sortie libre de toute charge. »
Carlos? Carole « l'aime », ils « ne se lâchent plus la main depuis qu'ils se sont retrouvés! » Le thème de l'amour revient sans cesse, dans les mots de leurs proches, lorsqu'il s'agit d'évoquer leur relation. Comme un écran de fumée pour tenter de faire oublier que son cher et tendre s'est soustrait à la justice d'un pays démocratique? Pas question d'être naïf : l a communication de l'ex-magnat de l'automobile et de ses proches est millimétrée, chaque mouvement est savamment calculé. Mais la sincérité des sentiments de Carole Ghosn n'est pas feinte.
«La cellule de Carlos côtoyait celle de criminels, de terroristes»
Libanaise, résidente américaine, Carole Nahas est devenue la seconde épouse de Carlos Ghosn au printemps 2016. Elle-même avait déjà été mariée. Elle est mère de trois enfants. Ex-créatrice de vêtements, elle a ouvert au patron-star les portes d'un univers qu'il ignorait. Réputé couche-tôt, levé aux aurores, Carlos Ghosn se laisse étourdir, aux côtés de son épouse, par un tourbillon de sorties culturelles. Jusqu'à ce coup de tonnerre : l'arrestation surprise du puissant PDG de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi à Tokyo, à sa descente de l'avion.
VIDÉO. Les premières images de l'arrestation de Carlos Ghosn
Carole n'était pas préparée à l'expérience… des visites en prison. « Ce n'est pas ma vie ! » - la phrase lui échappe presque, comme un gémissement. « La cellule de Carlos côtoyait celle de criminels, de terroristes, d'assassins de masse. Je croisais les Yakuza (NDLR : les membres de la mafia japonaise), terrifiants avec leurs tatouages. »
Mais elle fait front, jusqu'à ce nouveau coup de tonnerre, tout aussi imprévisible que le premier : Carlos est au Liban. « Je n'étais au courant de rien, jure-t-elle. J'étais à Beyrouth avec mes enfants pour fêter Noël, quelqu'un m'a appelée pour me dire : J'ai une surprise pour toi. C'était la plus belle de toute ma vie! Nous nous sommes retrouvés dans l'appartement de mes parents, j'ai serré Carlos très fort dans mes bras, au moins cinq vraies minutes avant de pouvoir faire sortir un son de ma bouche. »
Un retour en France n'est pas exclu
A-t-il pris la bonne décision en s'enfuyant? « Bien sûr! Partir était le seul choix possible, alors qu'il voyait son procès reporté indéfiniment et qu'il était maintenu dans des conditions de privation de liberté visant à le déshumaniser. Carlos n'entendait pas plaider coupable pour des choses qu'il n'a pas faites, mais il faut savoir que dans le système judiciaire japonais, 99,4 % des accusés sont condamnés s'ils ne font pas ce choix. Par ailleurs, la peine préventive effectuée n'est pas déductible! »
Cette fois, elle sourit : « Aujourd'hui, mon mari va pouvoir s'expliquer, se défendre, insiste-t-elle. Il est tendu, c'est normal. C'est la prise de parole la plus importante de toute sa vie! » Elle ne l'a pas lâché d'une semelle, ces derniers jours, alors qu'il préparait son grand oral, retranché dans sa maison de la rue du Liban.
« Il va s'expliquer, faire éclater la vérité. Pas une seconde je n'ai douté de mon mari, victime d'un complot industriel et de la guerre entre Renault et Nissan. » Elle marque un temps, puis poursuit : « Les Libanais ont un grand cœur, ils n'abandonnent pas les leurs ». En creux, difficile de ne pas lire une critique de la France, mais Carole Ghosn n'en dira pas plus. Elle indique même que, Paris n'extradant pas ses ressortissants, il n'est pas exclu que son mari y retourne… un jour. Mais à court terme, aucune chance.
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