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Alstom cherche à revoir le prix de Bombardier - Le Monde

Le PDG d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, au siège de l’entreprise à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), près de Paris, le 7 mai 2019.

Est-ce un premier accroc au projet de rapprochement entre Alstom et Bombardier Transport ou une manière de réviser à la baisse le prix de sa cible ? Vendredi 7 août, le constructeur ferroviaire français a déploré, dans un communiqué, les difficultés « non prévues » auxquelles fait face la branche ferroviaire du groupe canadien qu’il souhaite acheter et annonce vouloir « en tenir compte (…) lors des discussions à venir »

Au deuxième trimestre, le chiffre d’affaires du canadien a reculé de 33 %, et la branche ferroviaire a dû inscrire une charge additionnelle de 435 millions de dollars « liée en grande partie à des coûts additionnels d’ingénierie, de certification et de modifications, associés à un certain nombre de projets en voie d’achèvement, principalement au Royaume-Uni et en Allemagne », a précisé Bombardier, début août.

Alors que le 31 juillet, la Commission européenne avait donné son feu vert à ce rachat pour une somme comprise entre 5,8 et 6,2 milliards d’euros, le français semble renâcler à payer désormais cette somme. Reste qu’il n’entend sans doute pas renoncer à cet achat, car une fois finalisée l’opération, au premier semestre 2021, le groupe français deviendra le numéro deux mondial du secteur, avec 15,5 milliards de chiffre d’affaires, loin derrière le géant China Railroad Rolling Stock Corporation (28 milliards), mais devant l’allemand Siemens Mobility (8 milliards).

Moins de redondances

« Grâce à l’ensemble complet de mesures correctives proposé [par Alstom et Bombardier] pour résoudre les problèmes de concurrence dans les secteurs des trains à très grande vitesse, des trains de grande ligne et de la signalisation des grandes lignes, l’opération a pu être examinée et autorisée rapidement », en cinq mois, se félicitait fin août la vice-présidente de l’exécutif européen, Margrethe Vestager. Celle qui, début 2019, avait fait dérailler le mariage Alstom-Siemens, au nom de la défense des intérêts de leurs clients respectifs et, in fine, des consommateurs : le nouveau groupe aurait été trop dominant dans la grande vitesse et la signalisation.

« Est-ce la conséquence des difficultés du précédent dossier ou pas ? Je n’en sais rien », s’est interrogé Henri Poupart-Lafarge, PDG d’Alstom, en commentant le sens du feu vert donné par la commissaire danoise. Cet accord, qui prévoit notamment la vente de l’usine Alstom de Reichshoffen (Bas-Rhin) d’assemblage des trains Regiolis de la SNCF, montre en tout cas qu’elle a approfondi le dossier du ferroviaire, domaine où l’Europe n’a pas connu de fusions importantes depuis longtemps.

Même s’il y avait moins de redondances que dans le cas Alstom-Siemens, il semble que la Commission a davantage pris conscience qu’il faut désormais appréhender le marché ferroviaire au niveau mondial − et non plus européen. Ce qu’avait en vain réclamé le ministre de l’économie et des finances français, Bruno Le Maire, lors de l’opération Alstom-Siemens. M. Le Maire a logiquement salué la décision bruxelloise comme « une bonne nouvelle pour l’industrie ferroviaire européenne, qui doit rester à la pointe de l’innovation ».

Cette opération va permettre à d’autres constructeurs de se renforcer grâce aux « dépouilles » du nouveau groupe. L’usine de Reichshoffen, qui emploie 780 salariés, fait l’objet de « marques d’intérêt » de repreneurs potentiels, a indiqué M. Poupart-Lafarge. « Nous serons particulièrement vigilants à la situation du site (…) pour y garantir à long terme l’activité et l’emploi », a affirmé la ministre déléguée à l’industrie, Agnès Pannier-Runacher. Car son plan de charge ne va pas au-delà des quatre cents trains qu’il doit livrer d’ici à 2024.

Certains actifs devraient intéresser l’espagnol CAF, le suisse Stadler, Siemens ou le russe Transmashholding. En revanche, CRRC n’est visiblement pas le bienvenu. De son côté, Hitachi reprendra la participation de 50 % de Bombardier dans les trains à grande vitesse Zefiro V300 (les Frecciarossa 1000 circulant en Italie), dont il est déjà partenaire via AnsaldoBreda, racheté par le japonais en 2015. Enfin, la nouvelle entreprise va céder la plate-forme Bombardier Talent 3 (automotrices vendues en Allemagne et en Autriche), ainsi que l’usine allemande d’Hennigsdorf, qui les fabrique.

Urbanisation galopante

Le marché est mondial, surtout depuis l’émergence du géant chinois, en 2015. Il faut y avoir la « taille critique », plaide le PDG d’Alstom. Pour preuve, selon lui, Hitachi s’est intéressé à Bombardier, mais pas CRRC. Désormais, le secteur ne compte plus que trois poids lourds présents à la fois dans le matériel roulant, les infrastructures et la signalisation : CRRC, Alstom et Siemens. Ils devraient se partager une bonne part d’un marché mondial de 160 milliards d’euros, ramené à 110 milliards en raison de la fermeture de la Chine, de la Corée et du Japon aux constructeurs européens.

C’est un marché en croissance, tiré par une urbanisation galopante, le besoin de mobilité et la nécessité de réduire les émissions de CO2 du secteur des transports. En 2018, une étude du cabinet Roland Berger, commandée par l’association européenne du ferroviaire (Unife), prévoyait une croissance annuelle de 2,7 % sur 2021-2023, avec des pointes de l’ordre de 5 % en Amérique latine, au Moyent-Orient et en Afrique. A lui seul, le carnet de commandes du nouvel ensemble Alstom-Bombardier atteint 73 milliards d’euros.

Reste que ces ordres ont été passés avant la pandémie de Covid-19, qui a brutalement freiné trains et métros. Certaines commandes risquent d’être annulées ou étalées dans le temps. Le cas de la SNCF, gros client d’Alsom et de Bombardier, est symptomatique. Le groupe public a accusé une perte nette de 2,4 milliards au premier semestre en raison de la grève contre la réforme des retraites et de la crise sanitaire. Une fragilité qui aura des répercussions sur l’activité des constructeurs, si l’Etat n’éponge pas au moins une partie des 2,6 milliards de pertes d’Ile-de-France Mobilités, le réseau de la banlieue parisienne.

Naïveté passée

« Il va y avoir des investissements massifs sur le ferroviaire », a promis Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, dans le cadre du plan de relance européen. Une partie des 30 milliards obtenus par Paris iront notamment à l’amélioration des transports du quotidien. Ce mode de transport reste attrayant et devrait même gagner des parts de marché sur l’aérien pour les courtes distances, en Europe notamment, assurent les industriels du secteur.

Moins polluant, il est aussi plus rassurant pour les voyageurs. « Les annonces de soutien en faveur du rail de la part des gouvernements partout dans le monde montrent que le train est plus que jamais reconnu comme un instrument de la transition vers une mobilité plus durable », soulignait le patron d’Alstom, mi-juillet.

Outre les besoins des métropoles, le marché du TGV dégagerait un chiffre d’affaires de 11 milliards en 2022, près du double de celui projeté par l’Unife (5,9 milliards), selon une analyse de la banque suisse UBS. Et CRRC, dont l’appétit inquiète le Vieux Continent et les Etats-Unis, n’est pas invincible. Bruxelles prend désormais conscience de sa naïveté passée et devrait exiger plus de réciprocité. Washington a déclaré la guerre et vient d’inscrire le groupe chinois sur la liste noire de vingt entreprises ayant des liens avec l’Armée populaire de libération. Des élus font tout, par exemple, pour empêcher CRRC, qui a déjà décroché des contrats (Boston, Chicago…), d’obtenir la rénovation du métro de New York, financée par les impôts. Restent les marchés émergents, où le dumping chinois est sans scrupule. Et les capacités de riposte des constructeurs européens plus faibles.

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