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Pourquoi Bruno Le Maire dit non au rachat de Carrefour - Le Parisien

Le canadien Couche-Tard agite le monde de la grande distribution depuis plus de 24 heures. Dans la nuit de mardi à mercredi, ce groupe inconnu en France, mais roi des supérettes de dépannage, avec vente d'essence, au Canada et aux Etats-Unis, a confirmé une information de l'agence Bloomberg, selon laquelle il étudierait un « rapprochement » avec le géant français et mondial de la distribution, le groupe Carrefour. Le Français, présidé depuis 2017 par Alexandre Bompard, a confirmé cette démarche, tout en précisant bien qu'elle était « amicale », et qu'il s'agissait de « discussions préliminaires ».

Les mots ont un sens. Un rapprochement amical signifie que si les deux groupes décidaient de ne pas aller plus loin, le processus s'arrêterait juste au milieu du gué, sans conséquence fâcheuse comme une OPA (offre publique d'achat) hostile, donc. Sollicités, les uns et les autres ne voulaient pas en dire plus, ce mercredi. Tout juste, dans l'entourage d'Alexandre Bompard, se félicitait-on de cette démarche qui prouve que la mariée est belle : engagé dans un vaste plan de transformation depuis trois ans, avec réorganisation des — désormais trop — lourds hypermarchés et conquête tout feu tout flamme d'e-commerce et des drives, le groupe a affiché au 3e trimestre 2020 une croissance de 8,4 % de son chiffre d'affaires (80,7 milliards d'euros au 31 décembre 2019), une progression record depuis des années.

Mais, cruelle ironie de l'histoire, il aura fallu attendre l'annonce de ce possible rapprochement pour que le cours de l'action flambe enfin — jusqu'à 15 % de hausse dans la journée de mercredi, pour frôler les 18 euros. Dans un deuxième communiqué, ce mercredi, Alimentation Couche-Tard faisait savoir que son offre était de 20 par action.

Le Canadien emploie 130 000 personnes dans le monde

Mais qui est donc ce Canadien prêt à avaler un fleuron tricolore, dont le nom était inconnu à ce jour ? Fondé dans les années 1980 par Alain Bouchard, d'abord implanté au Québec, puis au Canada et aux Etats-Unis, Alimentation Couche-Tard s'est spécialisée dans l'exploitation de ces supérettes dans lesquelles on trouve café chaud, brosses à dents, épicerie et bien sûr essence, 24 heures sur 24. Il en exploite quelque 14 000 à ce jour.

Depuis 40 ans, il n'a cessé de s'agrandir grâce à des dizaines d'acquisitions, dont celle en 2012 du norvégien Statoil — qui lui assure depuis une implantation en Scandinavie, en Pologne et en Russie —, mais aussi fin 2020 du grand acteur hongkongais, Convenience Retail Asia.

Le petit dépanneur salarie désormais 130 000 personnes (contre 320 000 pour Carrefour dans le monde), et en 2019 encore, la chaîne annonçait son intention de doubler d'ici fin 2023. De fait, celle dont la capitalisation boursière avoisine 30 milliards d'euros (contre 12,6 milliards d'euros pour Carrefour ce mardi soir) est désormais en lice pour la plus grande acquisition de son histoire…

Certains actionnaires de Carrefour soulagés de « sortir »

Si l'on comprend bien l'intérêt du Canadien dans ce mariage (dont les termes restent à définir), car Alimentation Couche-Tard — déjà présent comme Carrefour dans une trentaine de pays (mais pas les mêmes) — prendrait pied non seulement en France, mais également dans toutes les places fortes de Carrefour dans le monde (Brésil, Chine, etc.), l'intérêt du géant français de la grande distribution saute moins immédiatement aux yeux. « Il pourrait y avoir des synergies entre les deux groupes sur des centrales d'achat, sur le digital, voire sur de la logistique », avance un expert, prudemment anonyme tant qu'il ne sait pas s'il s'agit d'un rachat majoritaire ou non.

Plus important : Carrefour pourrait gagner dans ce rapprochement l'arrivée d'argent frais, qui viendrait financer de nécessaires investissements. Interrogés, plusieurs experts écartent, en tout cas pour l'heure, un risque sur l'emploi, tant les champs d'action de ces deux-là sont géographiquement éloignés. Ce mercredi matin, selon nos informations, Alexandre Bompard a néanmoins tenu à rassurer lui-même les syndicats du groupe, notamment sur cette question sensible.

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Dernier intérêt de cette opération, enfin : avec l'arrivée d'un nouvel actionnaire, certains des actionnaires actuels de Carrefour pourraient y voir une opportunité historique de « sortir », qu'il s'agisse, par ordre d'importance au capital, de la famille Moulin (propriétaire par ailleurs des Galeries Lafayette), du Brésilien Abilio Diniz, spécialiste affûté du secteur, ou du groupe LVMH de Bernard Arnault (notamment propriétaire du Parisien-Aujourd'hui en France). Les trois ont acquis une partie de leurs actions bien au-dessus du cours actuel.

Bercy pourrait faire jouer son veto

Bref, moult questions restent encore sans réponse. Quelles synergies possibles entre un grand « pro » de la proximité et notre leader français, dont le cœur de métier historique reste les hypermarchés ? Quelle partie du capital, surtout, serait rachetée ? S'il s'agit d'un rachat majoritaire, alors, un fleuron français passerait sous contrôle canadien, un vrai coup de tonnerre… Les conséquences concrètes, elles, dépendront en grande partie de la configuration de ce Monopoly planétaire.

Une chose est claire, en revanche. L'opération n'a pas l'aval du ministère de l'Économie. Invité sur le plateau de C à vous, sur France 5, ce mercredi soir, à l'occasion de la sortie de son livre « L'Ange et la bête » (Ed. Gallimard), Bruno Le Maire n'a en effet pas caché l'hostilité de Bercy à un tel rachat. « D'abord, je me méfie toujours du terme « amical », il faut toujours se demander ce qu'il y a derrière », a-t-il déclaré en préambule, avant de rappeler que Carrefour, « c'est le premier employeur privé de France, et un chaînon essentiel dans la sécurité d'approvisionnement des Français. Ce qui est en jeu, c'est bien cette sécurité alimentaire », a-t-il insisté, avant de souligner qu'il ne serait donc « pas favorable » en cas de « rachat ( NDLR : de Carrefour ) par un concurrent étranger ».

Mais comment empêcher deux entreprises privées de s'allier ? Non seulement, a poursuivi Bruno Le Maire, « un décret sur le contrôle des investissements étrangers en France nous permet de donner notre accord, ou non », mais « ce décret a été complété dans la loi Pacte, et la distribution alimentaire » est désormais « soumise à accord préalable lorsqu'il y a une opération de ce type ». Le ministre a été clair : une prise de contrôle majoritaire de carrefour n'aura pas le feu vert du gouvernement.

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