Il y a ce qu’on dit et ce qu’on fait. Rien de tel qu’une plongée dans nos courses pour observer les grandes tendances de consommation. La hausse brutale du coût de l’énergie rebat les cartes. Le bio est à la peine.
Le local rassure mais sans qu’on sache si cette tendance sera durable ou non. Système U, qui a conquis 200 000 nouveaux clients l’an dernier, veut rester attentif au prix. Entretien avec son président, Dominique Schelcher, qui vient de signer un livre, Le bonheur est dans le près, aux éditions de l’Archipel.
Les courses, un « reflet de notre société »
Quelles sont les répercussions de la crise énergétique sur les achats ?
Le panier du consommateur est toujours le reflet de notre société. Il y a actuellement une vraie tension liée au pouvoir d’achat qui est la résultante du prix de l’énergie et de la facture de chauffage. Je vois la France coupée en deux. La moitié des Français sont à l’aise. Ils peuvent faire le choix du bio et commencent à consommer différemment. Mais 40 % sont à l’euro près à la fin du mois selon une étude récente d’Elabe.
À quels arbitrages procède le consommateur ?
On va à l’essentiel. On délaisse le superflu. Le textile neuf est moins prioritaire. A contrario, il peut y avoir des vêtements d’occasion. C’est quelque chose qui est en fort développement au sein de l’enseigne. Parmi les autres signes, on achète un peu moins de viande et de poisson.
Le local souffre-t-il ?
Toutes les études, y compris les plus récentes continuent à montrer que le critère local est devenu le premier devant les produits bios et Label rouge. Sera-t-il détrôné ? Ce n’est pas exclu car il n’était pas en tête il y a trois ans. Je pense cependant qu’il conserve des atouts. Le local a une dimension rassurante. C’est moins d’impact carbone, de l’emploi dans les régions, de la tradition.
Rémunérer les agriculteurs à un juste prix
Comment soutenir le monde agricole ?
50 % des agriculteurs vont prendre leur retraite dans les dix ans qui viennent. Si nous ne payons pas l’alimentation au juste prix, nous risquons de vivre une « désagriculturisation » comme il y a eu une désindustrialisation. Système U se bat pour changer la donne. À Cléry (Meuse), nous avons même contribué à sauver une usine. Nous avons soutenu plusieurs coopératives laitières en grande difficulté en signant des contrats sur cinq ans et le lait livré est labellisé bleu blanc cœur.
Un type de contractualisation tripartite avec les agriculteurs, l’industriel et le distributeur que nous essayons de pousser dans toute la France. Pour la marque U, 80 % des produits sont fabriqués en France et un tiers de notre activité produits U est réalisée avec des contrats longue durée.
La France « ne manquera pas » de blé
Quel est l’effet de la guerre en Ukraine sur vos chaînes d’approvisionnement ?
L’Ukraine et la Russie réalisent 76 % des échanges mondiaux d’huile de tournesol. Dans nos magasins, les rayons se vident du fait d’achats de précaution. Deuxième exemple, l’Ukraine est un grand producteur de blé.
On n’en manquera pas en France. Mais les conséquences de la guerre vont en revanche entraîner un renchérissement des produits à base de blé. Au-delà de ces deux produits agricoles, l’aluminium, le verre, certains emballages fabriqués en Ukraine font l’objet de ruptures d’approvisionnement.
Où en êtes-vous dans l’e-commerce ?
La crise sanitaire a été un formidable accélérateur pour le numérique. Sur ce créneau, Système U a fait 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires sur un total de 23 milliards d’euros l’an dernier. Pour nos meilleurs magasins, cela représente déjà 10 % du chiffre d’affaires.
Dans cinq ans, cela représentera pour ces derniers 20 % de l’activité. À l’échelle du groupe, notre objectif est de doubler notre chiffre d’affaires dans le numérique à cinq ans. Nous investissons dans la technologie sur les smartphones pour faciliter la commande des clients. C’est un bouleversement profond qui suppose des investissements lourds.
C’est rentable ?
Quand vous commencez à faire 10 % du chiffre d’affaires, c’est rentable. Et puis, nous n’avons pas le choix. Si nous ne proposons pas ce service, nous perdons des clients.
Équité fiscale entre commerce digital et physique
Le « quick commerce » (livraison instantanée) vous inquiète-t-il ?
Quel est le sens de livrer dix produits dans un délai de 10 minutes, alors qu’on appelle à consommer de façon plus responsable ? Ces produits sont par ailleurs livrés, le plus souvent, par des cyclistes qui travaillent dans des conditions sociales peu reluisantes. Et je ne crois pas à la pertinence économique de ce modèle, alors qu’avec des paniers à 80 € pour le drive, la rentabilité est déjà difficile.
Dans ce domaine, vous dénoncez un rapport inégal avec les grandes plateformes numériques. Que demandez-vous ?
Je plaide pour une équité fiscale entre le commerce digital et le commerce physique. Les deux activités devraient être imposées de la même manière. Aujourd’hui, les grands entrepôts logistiques sont exonérés d’un certain nombre de taxes que nous payons. C’est le cas par exemple de la Tascom (Taxe sur les surfaces commerciales).
Des difficultés à recruter palpables
Est-ce que vous trouvez les compétences dont vous avez besoin ?
Il y a deux difficultés. Nous peinons à trouver certaines compétences sur le marché du travail. C’est la raison pour laquelle nous avons créé un CFA (Centre de formation des apprentis) avec une promo d’une cinquantaine de personnes chaque année. Ce sont des personnes qui ont déjà un diplôme et se réorientent.
D’autre part, il y a un défaut de mobilité lié notamment à la difficulté à se loger en France. Nous faisons la proposition d’un donnant-donnant : une baisse de charges avec en contrepartie un engagement d’accompagnement y compris sur le logement pour des personnes qui hésiteraient à accepter les offres qu’elles voient dans d’autres régions.
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