"Vous avez sûrement vos numéros de téléphone respectifs, non ?", interroge une journaliste en commentaire d'un échange public -et lunaire !- entre le directeur général de Twitter Parag Agrawal et Elon Musk, futur propriétaire du réseau social. Lundi 16 mai au soir, en réponse à une série de 13 tweets du dirigeant de Twitter qui détaillent la méthode d'évaluation du nombre de faux comptes réalisée par l'entreprise, le milliardaire a publié un émoji (ces petites images utilisées dans un message électronique pour exprimer une émotion, représenter un personnage, ou une action) pour le moins particulier : un "emoji caca", dont le nom est suffisamment explicite pour traduire la réponse d'Elon Musk.
Depuis vendredi dernier, l'homme d'affaires accuse le réseau social de ne pas évaluer correctement le nombre de faux utilisateurs, estimé depuis 2019 à moins de 5%. Il a donc annoncé qu'il "suspendait" son rachat de l'entreprise pour 44 milliards de dollars. Cette "suspension" -sans aucune valeur juridique, le contrat n'étant pas résilié- a tiré le prix de l'action à la baisse, et pourrait lui permettre de renégocier le prix de l'acquisition, fixé à 54,20 dollars par action.
[Capture d'écran La Tribune]
Guerre de chiffres
D'après sa méthode d'évaluation très contestable -une enquête sur un échantillon de 100 abonnés du compte @twitter, choisis au hasard-, Elon Musk a affirmé à l'occasion de la conférence "All In" à Miami, qu'il pensait que la plateforme compte plus de 20% de faux comptes. Lors de sa prise de parole -qui a duré plus de 2 heures- il a également confirmé qu'il envisageait une négociation à la baisse de l'opération de rachat. Dans un tweet publié ce 17 mai, il a surenchéri, affirmant que ce chiffre pourrait même être "bien supérieur" :
"Mon offre était basée sur le fait que les déclarations de Twitter à la SEC [le gendarme des marchés américains, ndlr] étaient correctes. Hier, le directeur général de Twitter a publiquement refusé de montrer des preuves que le chiffre est inférieur à 5%. L'opération ne peut pas avancer tant qu'il ne le fait pas", a-t-il déclaré.
Dans son fil de tweets attaqué par Elon Musk, Parag Agrawal précisait pourtant que l'estimation réalisée par Twitter se base sur des "évaluations humaines de milliers de comptes, choisis de façon aléatoire, de façon consistante sur la durée, parmi les comptes comptés comme mDAUs [utilisateurs quotidiens actifs monétisables, la mesure avancée par Twitter auprès des annonceurs publicitaires, ndlr]". Il ajoute avoir partagé une présentation du processus d'estimation avec Elon Musk la semaine précédente, et que les 5% sont une estimation haute du nombre de faux comptes.
Elon Musk tire le levier de la transparence
"Malheureusement, nous ne pensons pas que l'estimation que nous réalisons puisse être effectuée extérieurement, étant donné le besoin critique d'utiliser à la fois des données publiques et des données privées (que nous ne pouvons pas partager)", regrette le dirigeant de Twitter.
C'est sur ce point que Elon Musk trouve son angle d'attaque : il demande la transparence la plus complète de la part du réseau social... alors que lui-même avance des chiffres tirés de son chapeau. "Comment les annonceurs peuvent-ils savoir qu'est-ce qu'ils reçoivent pour leur argent ? Ce point est essentiel à la santé financière de Twitter", répond-t-il à Parag Agrawal, avant d'ajouter plus tard "il semblerait que Twitter doive accepter une validation extérieure si leurs propos sont vrais".
Avec cette communication agressive, amplifiée par ses nombreux soutiens, le milliardaire coince les dirigeants de l'entreprise dans une position d'inconfort. Elon Musk joue avec le feu : il accuse carrément Twitter de mentir aux régulateurs, ce qui constitue un délit passible de poursuites judiciaires et d'amendes élevées. Face à cet énième assaut, le conseil d'administration de Twitter peut accepter de se rasseoir à la table des négociations pour revoir le prix à la baisse avant que Elon Musk ne sabote encore plus sa réputation. Ou alors, il peut décider d'aller à la confrontation : le milliardaire est lié par le contrat, et ne peut en sortir qu'un cas de fraude vérifiée de la part de Twitter. S'il ne parvient pas à démontrer ce dernier point, il pourrait tout de même être contraint d'aller au bout de l'opération. Et dans ce cas, sa manœuvre de dépréciation de la valeur de l'entreprise lui reviendrait en pleine figure.
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