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Hausse des taux de la BCE : l'Italie, le cauchemar de la zone euro - La Tribune.fr

Depuis mardi, tous les regards sont tournés vers l'Italie. Le taux d'emprunt italien à 10 ans a bondi au-dessus des 4%, une première depuis 2014, traduisant une perte de confiance des marchés quant à la stabilité économique du pays. S'il est ensuite redescendu sous ce seuil, il n'en demeure pas moins que cette envolée soudaine constitue une mauvaise nouvelle pour l'Italie, dont la dette souveraine atteint 151% du PIB, et fait ressurgir le spectre de la crise financière de 2011. Si, à cette époque, le taux italien dépassait les 7%, bien loin de l'actuel, la crainte que le pays se retrouve en difficulté pour lever de l'argent sur les marchés est bien réel. Assez du moins pour faire réagir la Banque centrale européenne (BCE). Après avoir annoncé un resserrement de la politique monétaire dans la zone euro, la semaine passée, l'institution s'est réunie en urgence mercredi. Une session exceptionnelle à l'issue de laquelle elle a promis une nouvelle stratégie pour limiter les écarts de taux entre les pays européens, restant toutefois évasive sur les contours de ce dispositif.

Pourquoi le taux italien s'est-il soudainement envolé ? Quels risques pèsent sur l'économie du pays ? Comment la BCE peut-elle éviter de creuser l'écart entre les pays de la zone euro tout luttant contre l'inflation ? Explications.

Pourquoi le taux italien a-t-il brusquement augmenté ?

Mercredi 15 juin, la BCE a annoncé un resserrement monétaire caractérisé par une hausse de ses taux directeurs de 25 points en juillet suivi d'une nouvelle hausse en septembre. Le Conseil des gouverneurs de la BCE a également déclaré qu'il renoncerait, fin juillet, à son programme d'achats d'actifs classiques (APP) qui permet à l'institution monétaire d'acheter des obligations d'Etat pour faire baisser les coûts de financement de ces derniers et donc stimuler leur économie. L'objectif de ces mesures : lutter contre l'inflation galopante qui sévit dans la zone euro.

Or, si ces annonces étaient attendues, la perspective d'une accélération plus rapide que prévue de la hausse des taux avec une deuxième échéance en septembre a suscité l'inquiétude des marchés. Une crainte redoublée par l'avertissement de la présidente de la BCE, Christine Lagarde, sur un risque de fragmentation du marché européen de la dette souveraine dans la zone euro. Elle faisait ainsi référence à la possibilité que ce resserrement monétaire accentue le spread - c'est-à-dire l'écart - entre le taux à 10 ans d'un pays comme l'Italie et celui de l'Allemagne. Le taux à 10 ans allemand est, en effet, pris comme référence pour calculer cet écart, l'Allemagne étant le pays qui emprunte au taux le plus bas dans la zone euro. Si le spread est trop important, il y a un risque de créer un déséquilibre entre les économies européennes. Et c'est bien ce qui a été constaté s'est passé mardi dernier. L'écart entre le taux allemand et celui italien s'est creusé à 200 points de base. Un chiffre encore loin des 600 points atteints lors de la crise de la zone euro en 2011, mais trop élevé pour la BCE qui fait de la lutte contre la fragmentation du marché européen de la dette souveraine une priorité.

Quelles sont les conséquences d'un taux trop élevé ?

L'Italie est l'un des principaux émetteurs de dette de la zone euro. Depuis des années, elle doit composer avec un niveau de dette très élevé qui s'est encore aggravé avec la crise sanitaire et les mesures prises pour soutenir l'économie du pays. Or, si la hausse des taux directeurs européens ne représente pas de risque à court terme - l'Italie ayant engagé assez de dette avec des taux actuellement bas -, à plus long terme, elle devra emprunter à des taux plus élevés ce qui pèsera sur le coût de sa dette et met en question la soutenabilité budgétaire de l'Italie. Toutefois, « même si les marchés s'en inquiètent actuellement, la question ne se posera pas avant un horizon de deux ou trois ans », nuance Damien Rio, responsable mandats chez le gérant d'actifs Federal Finance Gestion (FFG). Il soulève néanmoins un autre point : « Les hausses de taux constituent toujours un frein très fort à la croissance. Or, dans le cas de l'Italie, le frein induit par la hausse des taux pilotés par la BCE est amplifié par la hausse de l'écart de rendement avec les taux allemands. Les perspectives de croissance s'amenuisent donc d'autant plus ». Il alerte notamment sur les conséquences pour les entreprises et les ménages italiens contraints d'emprunter auprès des banques commerciales à un niveau supérieur à celui auquel l'Etat emprunte.

C'est bien là le risque de la nouvelle politique monétaire européenne. En freinant la consommation par des taux élevés, la BCE tente de lutter contre l'inflation, ce qui pourrait également, en contrepartie, endiguer la croissance. L'institution doit donc trouver un équilibre pour éviter de plonger certains pays comme l'Italie, voire toute la zone euro, en récession.

De quels outils dispose la BCE ?

À l'issue de sa réunion exceptionnelle mercredi, la BCE s'est engagée « à agir contre la résurgence des risques de fragmentation », selon le communiqué diffusé par l'institut monétaire européen, et elle va donc « appliquer une certaine souplesse dans le réinvestissement des remboursements arrivant à échéance dans le portefeuille PEPP en vue de préserver le fonctionnement du mécanisme de transmission de la politique monétaire ». Le PEPP désigne un programme d'urgence d'achat d'actifs déployé dans le cadre de la crise sanitaire afin de faciliter l'accès des particuliers et des entreprises à des financements abordables. Lancé en mars 2020, il complète le programme d'achats d'actifs traditionnels APP (vu plus haut), mais il n'est que temporaire et doit prendre fin à l'horizon 2023. En attendant, la BCE promet de cibler les réinvestissements des remboursements dans le cadre de ce PEPP sur la dette italienne et sur celles d'autres pays qui en ont besoin afin d'éviter de faire grimper leurs taux d'emprunt. Cette annonce a d'ailleurs eu pour effet immédiat de faire repasser le taux italien à 10 ans sous la barre des 4%. Sans pour autant parvenir à réduire l'écart avec le taux allemand.

La BCE a également confirmé son intention de réunir « les comités compétents » de l'Eurosystème pour « accélérer l'achèvement de la conception d'un nouvel instrument "anti-fragmentation" qui sera soumis à l'examen du Conseil des gouverneurs ». Cet outil permettrait, non pas de stabiliser le taux italien, mais de réduire l'écart avec celui allemand. Mais l'institution monétaire est restée très floue quant aux contours que pourrait prendre un tel dispositif. « L'annonce de la BCE sur cet outil a permis de faire baisser le taux italien, ce qui est positif, mais le besoin de financement du pays risque quand même de peser sur l'écart avec l'Allemagne », souligne Damien Rio. Néanmoins, « si le spread se maintient à 150 à 200 points, cela reste raisonnable ».

L'Italie devra-t-elle prendre des mesures pour diminuer sa dette ?

Si la BCE est bien décidée à agir pour éviter à la dette italienne de s'enfoncer, le pays devrait, lui aussi, devoir apporter des réponses en ce sens. Après des mois de dépenses nécessaires pour soutenir l'économie nationale face à la crise sanitaire, Bruxelles pourrait l'inciter à un retour vers la rigueur budgétaire des traités européens si la situation venait à se dégrader davantage. Fin mai, la Commission européenne a toutefois annoncé que ces règles, imposées aux Etats membres de l'UE et qui ne sont plus appliquées depuis mars 2020, resteront suspendues en 2023 en raison du choc économique provoqué par la guerre en Ukraine.

« L'Europe va en effet faire face à de nouveaux défis, pointe Damien Rio. Ce conflit va engendrer de nouvelles dépenses budgétaires, notamment pour la transition énergétique afin de réduire la dépendance de l'Europe aux hydrocarbures, mais aussi pour renforcer la structure militaire européenne. Et ces dépenses concerneront tous les Etats, même ceux du Nord comme l'Allemagne qui prône jusqu'à présent la rigueur budgétaire », explique-t-il. Selon l'expert, l'UE doit donc se doter de nouveaux outils, avançant l'idée d'une mutualisation des taux dans la zone euro dans certains domaines. « On pourrait envisager que ça soit une institution de la zone euro qui emprunterait sur les marchés pour ensuite redistribuer cet argent au même taux pour chaque Etat afin de financer des projets stratégiques pour l'Europe », explique-t-il. Une solution à l'image de ce qu'a entrepris la Commission européenne avec le plan de relance NextGenerationEU en empruntant sur les marchés à des taux plus favorables que ceux dont auraient pu bénéficier de nombreux États membres pour ensuite en redistribuer les montants.

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