Retraites : pourquoi Macron veut « accélérer » la réforme malgré une année 2022 dans le vert - Ouest-France

Emmanuel Macron a confié lundi 12 septembre 2022 sa « volonté d’accélérer » la réforme du système des retraites – une de ses promesses de campagne. La mesure avait été mise en pause depuis la pandémie de Covid-19.

Le chef de l’État a tenu ces propos devant des journalistes le jour où le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR) a été rendu public par plusieurs médias. Le système des retraites devrait être à nouveau excédentaire de plus de 3 milliards d’euros en 2022.

Alors l’accélération de la réforme des retraites est-elle réellement nécessaire ? On fait le tour des arguments avancés.

Que dit précisément le rapport du COR ?

Le Conseil d’orientation des retraites (COR) s’est penché sur le fonctionnement du système des retraites pour l’année 2022. Et le constat est plutôt bon. Il indique que le système des retraites a « enregistré des excédents en 2021 et 2022 ».

Mais le COR souligne aussi que « le système de retraite serait déficitaire en moyenne sur les vingt-cinq prochaines années ». D’après lui, le déficit pourrait grimper entre 0,5 et 0,8 point de PIB d’ici à 2032, « en fonction de la convention et du scénario retenu ».

Dans le meilleur des cas, le système reviendrait à l’équilibre dans les années 2030. Mais sans réforme, le déficit pourrait durer jusqu’au « milieu des années 2050 », selon le rapport.

Le COR met en garde contre « une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite » et note que le rythme de croissance des dépenses des retraites « ne semble pas compatible » avec les objectifs budgétaires.

Le Conseil ne donne pas son avis sur une potentielle réforme du système des retraites, laissant à l’exécutif le choix politique.

Des prévisions revues à la hausse

L’an dernier, le COR prévoyait que le système des retraites serait déficitaire. Pourtant, le bilan est bien meilleur cette année qu’espéré, grâce au rebond de l’activité économique et des créations d’emplois salariés. Faut-il réellement se baser sur les projections actuelles pour justifier la réforme ?

« Il est toujours plus facile de réformer quand la situation économique n’est pas encore trop mauvaise », a justifié un conseiller d’Emmanuel Macron cité par La Tribune .

Pour « évaluer la soutenabilité financière » du système des retraites, le COR se penche sur la part des dépenses de retraite dans le produit intérieur brut (PIB). En 2021, elle s’élevait à environ 13,8 %, selon la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), soit un point de moins qu’en 2020.

Pour certains spécialistes, la réforme n’est pas nécessaire au vu de cette lente diminution de cette part dans le PIB. « On sait que les réformes qui ont déjà été faites entraînent une baisse de la part des retraites dans le PIB. Économiquement, la réforme n’est pas nécessaire, puisque la part des retraites va se rapprocher de 12 % du PIB », avançait l’économiste Daniel Cohen sur BFMTV en mai dernier.

Mais pour d’autres économistes, elle reste nécessaire. « Le mode de calcul du COR sous-évalue les déficits. » Interrogé par Ouest-France en mars, Nicolas Marques, directeur général de l’Institut économique Molinari, juge que « les retraites de l’État sont équilibrées grâce à des surcotisations des employeurs publics ».

Une réforme « nécessaire » pour atteindre « l’équilibre financier »

C’est sur l’avis du COR que s’appuient les dernières déclarations gouvernementales.

« La réforme des retraites est nécessaire » car « le système de retraite n’est pas équilibré financièrement », a affirmé le ministre du Travail, Olivier Dussopt dans une interview au Point publiée lundi .

Lundi, Emmanuel Macron a donc évoqué une accélération du changement de système de retraites, tout en rappelant d’autres réformes à venir : l’école, la santé, la transition écologique… Tous ces chantiers nécessiteront des investissements, qui pourraient être financés par les économies réalisées par le biais de la réforme des retraites. L’objectif n’est pas de « mettre le pays en banqueroute », insiste un proche du Président auprès du quotidien.

La ministre déléguée chargée des personnes handicapées, Geneviève Darrieussecq, n’a pas exclu ce mardi 13 septembre que la réforme des retraites soit votée rapidement via le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, affirmant que « visiblement on est dans un mur budgétaire ».

Levée de boucliers des syndicats

Les représentants des syndicats ont rencontré le ministre du Travail Olivier Dussopt lundi 12 septembre. Ils en ont profité pour avertir le gouvernement : hors de question d’accepter le fait de repousser l’âge de départ à la retraite ou une hausse de la durée de cotisation à l’occasion du projet de loi.

« Il y a beaucoup de sujets sur lesquels la CFDT est prête à s’engager, comme l’accompagnement des bénéficiaires du RSA ou des demandeurs d’emploi longue durée, mais la sérénité ne sera pas de mise si l’automne est perturbé par une mesure brutale », a ainsi menacé Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT.

Le Medef, également, craint qu’une telle réforme n’attise les tensions sociales.

« Nous avons mis en garde sur le fait qu’il serait dangereux de prendre de telles mesures pour le gouvernement car nous appellerions immédiatement à une mobilisation des salariés », a renchéri Michel Beaugas, secrétaire confédéral de Force ouvrière.

Les syndicats souhaiteraient plutôt engager des discussions sur la réforme de l’assurance chômage avec le gouvernement avant d’aborder la question des retraites.

Les partenaires sociaux doivent échanger sur le rapport du COR le 19 septembre prochain.

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