La voiture électrique est-elle si écologique qu’on le dit ? L’Europe et la France peuvent-elles lutter contre les Chinois qui ont pris une longueur d’avance ?
La voiture électrique est-elle un miracle ou un mirage ? Permettra-t-elle à l’Europe d’atteindre son objectif de neutralité carbone en 2050 ou va-t-elle mettre toute son industrie automobile sous la coupe de la Chine, leader mondial des batteries ? Et, au final, pour les automobilistes, la voiture électrique sera-t-elle moins chère que la traditionnelle voiture thermique ? Alors que vient de s’ouvrir le Mondial de l’Auto, à Paris ce lundi, ces questions se bousculent dans la tête des responsables politiques, des constructeurs et des clients à l’heure où la guerre en Ukraine a fait bondir le prix de l’électricité.
Et un doute affleure chez certains : et si on avait tout faux en misant sur la voiture électrique et en y allant si rapidement, puisque l’Union européenne a acté la fin de la vente de voitures thermiques en 2035, sans que l’industrie et les infrastructures ne soient totalement prêtes.
Une forte volonté politique
Il y a là un vrai pari, industriel, écologique, politique et sociétal. En votant en juin dernier en faveur de l’interdiction, à partir de 2035, de la vente de véhicules neufs à moteur essence ou diesel, le Parlement européen a soutenu la Commission européenne dont l’objectif est, d’ici à 2030, de réduire les émissions de CO2 de 55 % par rapport à 1990, puis de viser la neutralité climatique en 2050, comme le prévoit le Plan vert pour l’Europe.
Cette bascule est soutenue par les pays membres qui ont mis en place des aides financières pour permettre l’acquisition de véhicules électriques, dont le coût d’achat est 40 à 50 % supérieur à leurs versions thermiques. En France, où de nombreuses aides ont déjà été mises en place par le passé, le bonus écologique va être porté de 6000 à 7000 euros pour la moitié des ménages les plus modestes achetant une voiture électrique, a annoncé Emmanuel Macron lundi. « Parce que nous voulons rendre la voiture électrique accessible à tous », martèle le président de la République, qui prévoit d’autres dispositifs. La location de voitures à 100 euros par mois, toujours pour les foyers les plus modestes, devrait être lancée au deuxième semestre 2023. Et le bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie va par ailleurs être étendu aux recharges sur les bornes électriques.
Les ventes progressent fortement
Ces mesures vont permettre d’accompagner un marché florissant puisqu’il s’est vendu près de 174 000 véhicules légers 100 % électriques en 2021 contre 28 300 en 2016. Le parc électrique en juillet 2022 était estimé à 620 000 véhicules.
Pour les partisans de l’auto électrique, il faut lever les freins qui empêchent l’adoption massive de l’électrique. Outre le coût des véhicules qu’il faut faire baisser, il faut développer le réseau de bornes de recharge. Alors que l’Europe préconise une borne tous les 60 kilomètres, le réseau français ne comptait au 1er septembre dernier que 69 428 points de recharges ouverts au public (soit 1 pour 1000 habitants ou 1 pour 14 véhicules selon l’Ademe. Et 91 % de ces points de recharge, dont les deux tiers sont sur la voirie ou en parking public, sont de puissance inférieure à 22 kW…
« Même si ce réseau présente un taux de croissance important (+49 % en un an), le manque perçu de bornes de recharge sur le territoire reste un frein majeur au déploiement de l’électromobilité », explique l’Ademe. Enfin la question de l’autonomie des véhicules électrique par rapport à leurs homologues thermiques est centrale car entre l’estimation annoncée et la réalité, il y a parfois un gouffre…
Inquiétude face aux ambitions de la Chine
Mais ce tableau idyllique est contesté par ceux qui estiment que la bascule vers le tout électrique est trop rapide, mal préparée compte tenu des défis à relever, aura de lourdes conséquences économiques sur la filière et place la France - et l’Europe - dans une situtation de dépendance vis-à-vis de la Chine.
« L’Union européenne a déroulé un tapis rouge devant les constructeurs chinois », a dénoncé mardi sur Franceinfo le directeur général de Stellantis Carlos Tavares. Il accuse l’UE d’avoir offert « aux constructeurs chinois des conditions de mise en concurrence bien plus favorables en Europe qu’elles ne sont favorables pour les constructeurs occidentaux sur le marché chinois : 10 % [de taxe] pour rentrer en Europe et 25 % pour rentrer sur le marché chinois ». « Les Chinois n’ont pas encore dévoilé la totalité de leurs intentions en matière de prix, mais on peut s’attendre à ce qu’ils soient relativement agressifs. Il va falloir se battre sur la dimension abordable des produits », craint M. Tavares. Et le combat sera rude.
Dans cette guerre des prix, les Chinois ont évidemment un atout : leur expertise sur les batteries, qui représentent la moitié du prix des voitures, et les matériaux pour les produire (lithium, terres rares, etc.) dont l’exploitation peut niure à l’environnement.
Les constructeurs européens tentent de rattraper leur retard en investissements dans des usines de production de batteries avec des stratégies diverses : Stellantis mise sur une indépendance européenne, Renault s’oriente davantage sur une technologie chinoise. « La France se retrouve ainsi face à un mur infranchissable : un parc à renouveler sans les capacités industrielles nécessaires, une couverture nationale de bornes de recharge ridiculement insuffisante, un marché livré pieds et poings liés aux Chinois, une casse sociale massive, un clivage sans précédent entre les nantis et les Français les plus modestes… », estime le journaliste François-Xavier Pietri dans un livre accusateur qui montre que le passage à l’électrique ne sera pas un long fleuve tranquille…
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