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Interview Carlos Tavares, CEO de Stellantis (ex-PSA & Fiat): « Les politiques n’écoutent pas l’industrie… - 20 Minutes

De nouveaux constructeurs arrivent sur le marché. Nous l’observons d’ailleurs au Mondial de Paris avec beaucoup de marques chinoises. Comment le vivez-vous ?

De notre côté, il n’y a pas de surprise. L’offensive chinoise était attendue. L’Europe a provoqué cette situation. Ça va être une rude bataille car ils proposent des modèles à des prix très compétitifs. Pour y répondre, nous devons également être compétitifs, connectés et encore plus efficaces. Mais nous sommes prêts car nous investissons dans l’électrification depuis 2014. Néanmoins, nous devons continuer à pousser pour produire et développer les batteries ainsi que les matières premières pour les concevoir en Europe. L’Europe doit, comme les USA, poser un cadre attrayant pour naviguer dans cette direction.

Parlez-nous de votre mouvement créé après avoir quitté l’association des constructeurs automobiles européens (ACEA)…

Nous avons quitté l’ACEA et créé Freedom of Mobility Forum car nous avons constaté que les décideurs politiques n’écoutent pas l’industrie automobile (voir encadré, NDLR). Nous allons donc nous adresser à l’opinion publique. L’accès à la mobilité a reculé ces derniers temps. Il y a de moins en moins cette liberté de mobilité car la classe moyenne n’a pas les moyens de se payer un véhicule électrique. Et ce, même dans des pays démocratiques dans lesquels la liberté prime… Il faut donc se poser les bonnes questions et ouvrir un débat public. Voulons-nous vraiment rendre la mobilité accessible à la classe moyenne, aux familles ? Ou pas ? Voulons-nous mettre la liberté de mobilité entre les mains des constructeurs chinois qui vendent des véhicules électriques à des prix très bas ? Les politiques doivent se positionner clairement par rapport à ces questions fondamentales ! Il faut arrêter de restreindre l’usage de la voiture, soit devenue trop chère, soit rendue inutilisable à cause de nouvelles législations, car cela fait plonger le marché et de nombreux emplois.

Carlos Tavares devant le Président Macron: "L'Europe fait tout à l'envers"
Carlos Tavares devant le Président Macron: "L'Europe fait tout à l'envers" - DR

Concrètement, quelles solutions proposez-vous ?

Si l’Europe ne veut pas que son industrie automobile disparaisse d’ici 2035, il faut la protéger. Il faudrait fixer des droits d’importation sur les véhicules chinois jusqu’en 2035 car ils ont 10 ans d’avance sur nous. Ensuite, ces barrières doivent tomber car les constructeurs européens doivent trouver des solutions pour être compétitifs dans le monde entier. Nous ne refusons pas la compétition. Nous voulons uniquement des conditions équitables pour se battre face aux constructeurs chinois. Ensuite, il faut trouver des solutions pour augmenter les volumes de vente et éviter d’agrandir la fracture sociale. Il faut que la classe moyenne puisse acheter une voiture plus propre, plus sûre. Selon moi, cette solution est déjà sur le marché : c’est l’hybridation légère. Avec un véhicule à hybridation légère récent, les émissions de CO2 sont sous les 100 g/km alors qu’un véhicule de 12 ans (soit la moyenne d’âge des véhicules en circulation en Europe) rejette en moyenne le double : environ 200 g/km de CO2. En résumé, il est déjà possible de réduire les émissions de 50% tout en permettant à la classe moyenne d’acheter des véhicules abordables, dont le prix se situe entre 15 et 20.000 € pour une citadine. 

"L’Europe a tout fait à l’envers"

"Il faut 20 ans pour passer d’une production d’électricité basée à 80% sur des énergies fossiles à 80% d’électricité produite par de l’énergie renouvelable. Pour construire un réseau de recharge correct, il faut 10 ans. Combien de temps a-t-il fallu pour créer des véhicules électriques ? 5 ans. Il aurait donc d’abord fallu travailler sur la production verte d’électricité, ensuite sur le réseau et puis seulement sur les véhicules totalement électriques. Car où est l’énergie renouvelable ? Où est l’infrastructure de recharge efficace ? Pourtant, les véhicules électriques sont déjà au point. L’Europe a tout fait à l’envers en imposant à l’industrie automobile de produire des véhicules électriques si rapidement."

"L’Europe doit protéger son industrie automobile"

"Si l’Europe ne protège pas ses constructeurs et continue à prendre autant de risques en laissant son marché complètement ouvert, notamment aux constructeurs chinois, nous allons vivre la même chose que le secteur aérien. Car il y a 15 ans, nous étions tous très heureux de profiter de vols low-cost. C’était super de faire un city trip en Europe avec un vol aller-retour pour 150 à 200 €. Problème ? Les compagnies low-cost ont tué les compagnies traditionnelles. Et aujourd’hui, ces compagnies traditionnelles proposent des vols à des prix bien plus élevés car ils n’ont pas le choix. Si on veut éviter ce scénario dans le secteur automobile européen, il faut agir très rapidement en protégeant les constructeurs européens jusqu’en 2035, année du basculement vers le 100% électrique." 

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