« L’avenir est très enthousiasmant, j’ai hâte de le faire arriver avec vous », a déclaré le nouveau patron jeudi au début d’une réunion en interne, pour les salariés qui n’ont pas été remerciés lors des licenciements massifs il y a une semaine. Mais la menace de la faillite est apparue quand il a ensuite reconnu qu’il ne savait pas à quel point l’entreprise « manquerait de revenus » l’année prochaine.
« Il est possible que nous soyons en flux de trésorerie déficitaire de plusieurs milliards », a-t-il avancé, d’après des messages entre employés. Dans une lettre interne la veille, il leur avait écrit que le chemin allait être « laborieux », et qu’ils devaient désormais « être en personne au bureau au moins 40 heures par semaine ».
Des salariés l’ont aussi interrogé sur les risques liés au déploiement rapide de nouvelles fonctionnalités non rodées, la méthode préférée du patron de Tesla et SpaceX.
Car l’agence américaine de la concurrence (FTC) a émis un rare avertissement contre la plateforme jeudi : « Nous suivons les récents développements chez Twitter avec beaucoup d’inquiétude. Aucun directeur général ou entreprise n’est au-dessus de la loi », a déclaré un porte-parole de la FTC. Il a rappelé que la plateforme risquait des amendes conséquentes si elle ne se conformait pas aux règles d’un accord passé avec l’agence sur la sécurité et la confidentialité des données.
« Pas ennuyeux »
Or de nombreux employés au fait de ces régulations ne sont plus chez Twitter. Le patron de Tesla et SpaceX a licencié la moitié des 7 500 salariés de l’entreprise californienne il y a une semaine, dix jours après l’avoir rachetée et en être devenu le seul maître à bord.
Des centaines de personnes étaient déjà parties cet été, et les démissions de cadres ont continué ces derniers jours. Jeudi, Damien Kieran, responsable de la confidentialité des données, et Lea Kissner, responsable de la sécurité, ont annoncé leur départ.
D’autres directeurs ont aussi décidé de s’effacer, dont Yoel Roth, « ancien responsable de la confiance et de la sûreté » de Twitter, comme l’indique depuis jeudi soir son profil. Il était intervenu à plusieurs reprises ces derniers jours pour clarifier des changements ou garantir que la lutte contre la désinformation restait une « priorité absolue ».
Robin Wheeler, une cadre chargée des solutions pour les clients, dont le départ avait été annoncé par des médias américains, a cependant tweeté jeudi soir : « je suis toujours là ».
Les memes (images humoristiques) en référence au chaos et à la panique se multipliaient sur la plateforme. Elon Musk, lui, répète à l’envi que la modération des contenus, garde-fou contre les abus sur la plateforme, est intacte. Il a affirmé jeudi que l’utilisation de Twitter « continue d’augmenter », ajoutant : « Une chose est sûre : ce n’est pas ennuyeux ».
« Sauver Twitter »
Mais ses décisions mises en place de façon précipitée et ses provocations sur Twitter suscitent des controverses quotidiennes depuis deux semaines, inquiétant de nombreuses autorités, annonceurs, utilisateurs et associations de défense des minorités.
Plusieurs annonceurs ont suspendu leurs dépenses sur le très influent réseau social, dont le modèle économique dépend à 90 % de la pub. Le cabinet Insider Intelligence a revu à la baisse de 39 % ses prévisions pour les recettes publicitaires de Twitter en 2023 et 2024.
Elon Musk veut diversifier les sources de revenus, des abonnements pour les utilisateurs aux outils de création de contenus pour les influenceurs. Mais le lancement cacophonique mercredi de Twitter Blue, la nouvelle formule à 8 dollars par mois pour faire authentifier son compte, s’est traduit par des déclarations officielles contradictoires et l’éruption de faux profils.
« Merci de noter que Twitter va faire beaucoup de choses bêtes dans les mois qui viennent. Nous garderons ce qui marche et changerons ce qui ne marche pas », a tweeté le multimilliardaire. En début de semaine, il a cédé pour près de 4 milliards de dollars de titres de son fleuron Tesla. « Je l’ai fait pour sauver Twitter », a-t-il déclaré aux employés jeudi.
Elon Musk a voulu racheter l’entreprise californienne au printemps, puis il n’en a plus voulu à l’été, et a été forcé de l’acquérir à l’automne pour éviter un procès, en l’endettant lourdement.
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