Jerome Powell lors de sa conférence de presse à Washington le 14 décembre 2022 ( AFP / Nicholas Kamm )
La deuxième phase de la lutte contre l'inflation est lancée aux Etats-Unis, où la banque centrale, après avoir relevé ses taux très fort depuis le printemps, ralentit désormais le rythme et a réduit drastiquement sa prévision de croissance pour 2023.
La banque centrale américaine (Fed) a relevé mercredi son principal taux directeur d'un demi-point de pourcentage. Celui-ci se situe désormais dans une fourchette de 4,25 à 4,50%, a annoncé la Fed dans un communiqué publié à l'issue de sa réunion, précisant que la décision a été prise à l'unanimité.
Il s'agit du niveau le plus élevé depuis 2007. Et la Fed a prévenu qu'il n'était pas encore temps de s'arrêter: de nouvelles hausses "seront appropriées", a précisé l'institution.
Ses responsables prévoient même de les faire grimper au-delà des 5,00%, alors qu'ils le voyaient culminer à 4,6%, lors des précédentes prévisions, publiées en septembre. Et ils devraient rester élevés pendant un moment.
Car la hausse des prix a, certes, montré un "ralentissement bienvenu", a souligné le président de la Fed Jerome Powell, lors d'une conférence de presse à l'issue de cette réunion.
Mais il estime qu'"il faudra nettement plus de preuves pour être confiants dans le fait que l'inflation est bien sur une tendance à l'apaisement".
Ce virage, cependant, marque le début d'une nouvelle étape dans la lutte contre l'inflation, priorité de la Fed.
Face à une hausse des prix au plus haut depuis plus de 40 ans, la Fed avait sorti l'artillerie lourde, relevant, à quatre reprises, ses taux de trois-quarts de point, un niveau de hausse auquel elle n'avait pas eu recours depuis 1994.
Mais les effets de ses décisions mettent des mois à se faire sentir. Et c'est désormais la récession qui menace.
La Bourse de New York a terminé dans le rouge mercredi, après le ton plus strict qu'attendu de la Fed.
- Lente décrue -
La Fed se montre un peu moins optimiste qu'en septembre sur la trajectoire de l'inflation, et la voit désormais ralentir à 3,1% seulement en 2023, alors qu'elle tablait sur 2,8% auparavant, selon l'indice PCE qu'elle privilégie et veut ramener autour de 2%.
Pour 2022, elle table sur 5,6%, contre 5,4% il y a trois mois.
Evolution de l'indice des prix à la consommation aux Etats-Unis depuis 1948 ( AFP / )
Elle a par ailleurs drastiquement réduit sa prévision de croissance pour 2023, tablant désormais sur 0,5% contre 1,2% auparavant. Elle l'a cependant un peu relevée pour cette année, à 0,5% également, contre 0,2% auparavant.
L'institution n'évoque pas de récession pour l'année prochaine, malgré les risques provoqués par sa lutte contre l'inflation, qui pourrait trop freiner l'activité économique.
"Je ne pense pas que quelqu'un sache s'il y aura ou non une récession" aux Etats-Unis, a souligné Jerome Powell.
Le taux directeur de la Fed était, jusqu'en mars, situé entre 0 et 0,25%, un niveau plancher destiné à soutenir l'économie pendant la crise du Covid en stimulant la consommation.
Celle-ci avait également été poussée par le niveau d'épargne particulièrement élevé des Américains, au moment même où de nombreux biens devenaient plus difficiles à obtenir à cause des difficultés mondiales d'approvisionnement et de la pénurie de main d'oeuvre. Résultat: les prix avaient flambé.
- "Pénurie de main d'oeuvre structurelle" -
Si la décrue est entamée, elle reste lente.
L'inflation a fortement ralenti en novembre, à 7,1% contre 7,7% en octobre, selon l'indice CPI.
Quant au taux de chômage, actuellement de 3,7%, la Fed le voit monter à 4,6% en 2023 et 2024, un peu plus haut que les 4,4% qu'elle prévoyait auparavant, ce qui "reste très solide", a encore commenté le président de la Fed.
La bâtiment de la Fed, le 18 août 2022 à Washington ( AFP / MANDEL NGAN )
Les employeurs devraient peiner encore dans un proche avenir à embaucher, car le pays fait face selon lui à une "pénurie de main d'oeuvre structurelle", avec "4 millions de personnes qui manquent", en raison, a-t-il expliqué, de départs en retraite anticipée, du million et demi de morts du Covid, et d'une immigration insuffisante.
Cela contraint les entreprises à augmenter les salaires pour attirer les candidats et retenir leur personnel.
"Je ne pense pas que nous soyons dans une spirale prix-salaires", avait cependant dit la semaine dernière à des journalistes la secrétaire au Trésor, Janet Yellen.
La Banque centrale européenne (BCE), qui se réunit jeudi, pourrait elle aussi ralentir le rythme, après avoir opéré depuis juillet un tour de vis monétaire sans précédent dans son histoire.
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