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L'idée de Matignon de réformer la rupture conventionnelle ne séduit pas les partenaires sociaux - La Tribune.fr

Ballon d'essai ou véritable mesure à venir ? Voilà comment la plupart des organisations syndicales et patronales ont accueilli l'idée de Matignon de revoir la rupture conventionnelle. Ce dispositif, qu'ils ont eux-mêmes initié en 2008 à l'occasion d'un accord, se trouve aujourd'hui dans le viseur du gouvernement au motif qu'il pèse sur les comptes du régime de l'Assurance chômage. En effet, à la différence d'une démission, cette rupture à l'amiable permet de percevoir des indemnités versées par Pôle emploi. Et alors que le taux de chômage remonte et que l'exécutif cherche à réaliser des économies, le gouvernement entend se pencher dessus, comme l'annonçait la Tribune Dimanche, dans sa dernière édition, ce 26 novembre.

Patronat et syndicats mitigés

Pour la chef de file de la CFDT, Marylise Léon, interrogée par France Télé ce mardi matin, il convient d'être prudent. Alors que le syndicat défend depuis plusieurs années le droit à un emploi de qualité, Marylise Léon assure : « Il faut peut-être plutôt s'interroger pourquoi les salariés ont envie de quitter leur emploi. »

Même vigilance dans les rangs patronaux. A la CPME, on attire l'attention sur le fait que « la rupture conventionnelle fonctionne très bien car elle permet d'éviter les conflits. A un moment, quand chef d'entreprise et salarié n'arrivent plus à fonctionner ensemble, ça permet une porte de sortie sans trop de casse. Sinon, le salarié se met en arrêt maladie ? et on est coincés ...», interroge un membre de la direction.

Tout aussi vigilant, le Medef attend de voir plus précisément ce que le gouvernement veut proposer pour s'exprimer officiellement. « Veut-il lier cette question au sujet de l'emploi seniors pour les maintenir dans l'entreprise ? », note toutefois une source patronale. Et d'ajouter « car on le voit tous dans nos entreprises, oui, la rupture conventionnelle est une manière de négocier avec un salarié usé qui souhaite partir quelque temps avant de faire valoir ses droits à la retraite... »

Le marché du travail a changé

Matignon refuse toutefois d'en dire plus pour le moment, assurant que c'est une simple piste étudiée. Avec cet argument : « Aujourd'hui, plus personne ne démissionne ». Sous-entendu, les salariés souhaitant quitter un employeur viennent lui demander une rupture conventionnelle, afin de percevoir des indemnités chômage. Ce qui serait défavorable à l'emploi.

Pourtant à l'origine, ce dispositif imaginé entre autres par Laurence Parisot alors présidente du Medef visait à flexibiliser le marché du travail. A sécuriser les embauches. En effet, le système permettait de dépasser la peur du conflit, qui empêchait le chef d'entreprise de signer un CDI par peur de ne plus pouvoir licencier et de se retrouver ensuite aux prud'hommes. Selon le gouvernement, cette peur a disparu. Ne serait-ce que parce qu'avec les ordonnances d'Emmanuel Macron en 2018, le barème des prud'hommes a été revu. Sans compter que le monde du travail a changé. Il y a quinze ans, la France sortait de la crise financière et connaissait un chômage de masse, alors qu'aujourd'hui le marché du travail est plus flexible.

500.000 ruptures en 2022

Reste que le système connaît une véritable croissance. Le nombre de ruptures explose. 500.000 l'an dernier selon la Dares, - rattachée au ministère du Travail- contre 395.000 en 2017, et à peine 40.000 en 2008. Tous les secteurs de l'économie y ont recours, et le dispositif est largement utilisé pour les ouvriers, comme pour les cadres. Petites entreprises comme grosses structures l'utilisent.

La hausse est toutefois particulièrement visible dans les services - hébergement, restauration notamment. « Des filières où les pénuries de main-d'œuvre sont importantes », souligne un conseiller ministériel. Autre élément que pointe l'exécutif, ces ruptures concernent peu les milieux de carrière, mais plutôt les actifs de moins de 30 ans, ou encore les salariés qui se rapprochent de la retraite.

Selon la Dares, « une partie de ces ruptures conventionnelles seraient plutôt à l'initiative de l'employeur et se sont probablement substituées à des licenciements, et on estime que trois quarts des ruptures se seraient substituées à des démissions, au moins en début de dispositif. » Autant de grain à moudre pour les services d'Elisabeth Borne qui cherche comment tenir la promesse présidentielle d'atteindre le plein emploi d'ici la fin du quinquennat.

Fanny Guinochet

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