En mai 2023, la phrase avait suscité de vives polémiques : afin de faciliter la digestion des normes écologiques du « Green Deal », ce vaste plan pour le climat présenté par l'exécutif bruxellois fin 2019, Emmanuel Macron avait demandé une « pause réglementaire » pour l'industrie du Vieux continent. Presque un an plus tard et alors que les élections européennes approchent, le sujet revient plus que jamais sur le devant de la scène : face aux puissances américaine et chinoise, les Vingt-Sept doivent « éliminer les charges administratives inutiles », font désormais valoir les trois premières économies de l'UE, l'Allemagne, l'Italie et la France. Et « simplifier » le mille-feuille de réglementations qui s'impose aux entreprises du territoire, en premier lieu les PME.
C'est, en effet, l'un des principaux points qui ressort de la troisième réunion trilatérale organisée depuis juin, qui a eu lieu ce lundi à Meudon entre Bruno Le Maire, ministre français de l'Économie et des Finances, Robert Habeck, son homologue allemand à l'Économie et à la Protection du climat, et Adolfo Urso, ministre italien des Entreprises.
Appel à la Commission
A l'issue de cette rencontre, ceux-ci ont en effet publié un communiqué conjoint actant leur volonté de poursuivre « la simplification et l'accélération des procédures administratives de l'UE », y compris « pour l'octroi de permis et l'accès aux programmes de financement européens et aux aides d'État ». Et ce, en invitant la Commission à « mettre en œuvre un programme de simplification ambitieux » éliminant les « chevauchements de réglementation ». L'idée serait ainsi de « supprimer » les règles « obsolètes ou non pertinentes » et lancer des « tests de réalité » au niveau européen dans des domaines prédéterminés afin « d'identifier » la « bureaucratie superflue ».
Concrètement, il s'agirait par exemple de « réduire les obligations de déclaration » pour les PME. En effet, en mars 2023, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait annoncé une réduction de 25% des obligations de déclaration pour les PME, afin d'alléger les exigences administratives. Mais selon les trois ministres, il faudrait aller « bien au-delà » de ce seuil.
Soulager les PME
Par ailleurs, alors que la définition de l'UE des PME s'arrête à 250 employés, Bruno Le Maire a proposé, aux côtés de ses homologues allemand et italien, une « hausse des seuils de la taille des entreprises pour permettre à nos PME d'être exemptées de ces obligations, de 250 à 500 employés ».
« C'est une véritable décision radicale qui peut simplifier la vie de nos entreprises », a-t-il insisté. Le locataire de Bercy veut mettre en place une « directive omnibus » qui « permettrait de simplifier toutes les normes existantes ».
Interrogé par La Tribune sur les normes qui pourraient s'avérer inutiles, le cabinet de Bruno Le Maire cite l'exemple du reporting, et « généralement, de tout ce qui concerne les obligations de déclaration et de transmission d'information à la Commission par les entreprises » dont il est possible « d'alléger la charge ».
« Nous venons par exemple de supprimer un doublon qui concernait l'obligation pour les entreprises de transmettre un plan de transition écologique et qui était à la fois dans CSRD (reporting extra financier) et dans CSDD (devoir de vigilance) », ajoute-t-on dans son entourage.
Reste à voir où sera placé le curseur afin de déterminer si une norme est utile ou superflue. Une chose est sûre : concilier les impératifs de transition environnementale et de productivité des industries risque de tourner au numéro d'équilibriste.
Préférence européenne ?
Sur cette question de la compétitivité, Bruno Le Maire a d'ailleurs insisté lundi sur l'idée d'une « préférence européenne » dans l'attribution des marchés publics, visant ainsi les produits chinois aux prix tirés vers le bas.
« Le déficit commercial entre la Chine et l'Europe a été multiplié par 3 en 10 ans, en passant de 100 à 300 milliards d'euros, il faut donc, à mon sens, savoir s'il ne faut pas réserver les marchés publics à des produits made in Europe, ou avoir un contenu européen dans les appels d'offres, de 40, 50 ou 60%, ou imposer des normes de qualité ou des normes environnementales les plus strictes sur les produits dans les marchés publics », a-t-il fait savoir.
« Le débat sur la préférence européenne doit être poursuivi. Bruno Le Maire a exprimé le souhait de la voir généralisée dans un certain nombre de secteurs, et qu'elle soit portée comme une référence commune dans l'édification des textes », ajoute-t-on dans son cabinet, admettant que « côté allemand, l'enthousiasme est moins élevé ».
Pour rappel, la Commission européenne a dégainé en mars 2023 un règlement baptisé « Net Zero Industry Act » (NZIA), censé améliorer les conditions d'accès au marché des technologies critiques à la transition énergétique dans l'UE (éoliennes, panneaux solaires, nucléaire, hydrogène...) « en raison du risque de délocalisation ». Adopté il y a quelques semaines, celui-ci propose d'ores et déjà d'intégrer des critères de préférence européenne pour 20% des appels d'offres, avant d'atterrir à 40% en 2030. Par exemple, il ne sera pas possible de candidater à certains d'entre eux si les composants proviennent à plus de 50% de régions en dehors de l'Europe.
Mais Bruno Le Maire souhaite aller plus loin, en visant « d'autres secteurs que ceux du NZIA, comme les biens d'équipement », précise-t-on dans son entourage. Cependant, l'Allemagne reste, traditionnellement, moins favorable à ce type de dispositifs, leur préférant la libre concurrence. Dans le communiqué conjoint publié à la suite de la trilatérale, il n'est d'ailleurs pas encore question de « préférence européenne », mais de « s'attaquer aux problèmes structurels de concurrence dans le contexte mondial ». Si ces derniers mois ont porté un coup au dogme néolibéral, le tabou de la préférence locale n'est pas encore totalement levé.
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