L'employeur ne peut pas fouiller dans la messagerie d'un salarié et le licencier parce qu'il l'a utilisée à des fins personnelles. Cela constitue une atteinte à sa vie privée.
Les salariés utilisant leur messagerie personnelle vont se sentir soulagés. Les juges de la Grande Chambre, l'instance suprême de la Cour européenne des droits de l'Homme, se sont prononcés, mardi 5 septembre, sur une épineuse question: un salarié peut-il être licencié s'il utilise la messagerie électronique de son entreprise à des fins personnelles? Et les magistrats ont estimé que non. Pour eux, la surveillance des mails privés d'un salarié par employeur et son licenciement ont porté atteinte à sa vie privée. Cette décision fera jurisprudence.
Plus largement, la Cour a précisé que le "respect de la vie privée et la confidentialité des communications" s'imposaient en milieu professionnel, même si des limitations sont parfois nécessaires.
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La Cour, saisie par un salarié roumain, avait rendu un premier arrêt dans cette affaire en janvier 2016 et l'a débouté. Le plaignant a fait appel et la Cour a accepté un réexamen de sa décision. Bogdan Mihai Barbulescu, est un ingénieur roumain de 38 ans. Son employeur l'avait licencié en 2007, après avoir surveillé ses communications électroniques, constatant que son employé avait utilisé la messagerie de la société à des fins personnelles, en infraction du règlement intérieur.
Le gouvernement français entendu
Le salarié, qui conteste la méthode, avait dénoncé l'espionnage de ses communications par son employeur, en violation du droit au respect de la vie privée et de la correspondance protégés par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme. Dans un premier temps, les tribunaux roumains ont estimé que la conduite de l'employeur avait été raisonnable, et que la surveillance des communications de Bogdan Mihai Barbulescu avait constitué le seul moyen d'établir qu'il y avait infraction disciplinaire.
Le salarié roumain avait ensuite saisi la CEDH, qui l'a débouté en janvier 2016: la Cour a confirmé la possibilité pour un employeur de surveiller l'usage de l'internet de la société dans le cadre d'une procédure disciplinaire. Cette fois, les 17 juges vont devoir se prononcer après une audience qui a eu lieu le 30 novembre 2016. Le gouvernement français et la Confédération européenne des syndicats (CES) avaient été entendus à leur demande en tant que tiers intervenants.
La CNIL impose déjà une consultation
La nouvelle réflexion des juges de la CEDH concerne la marge de manoeuvre de l'employeur dans la surveillance de l'utilisation de l'internet par ses salariés. La connexion de l'entreprise est mise à la disposition des salariés pour leurs activités professionnelles et la surveillance permet à l'employeur de protéger son entreprise contre le piratage de données, les virus informatiques et les utilisations interdites.
Selon le positionnement de la France, il existe une nécessité d'encadrer cette surveillance et d'en informer les salariés. La CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) impose déjà une consultation et une information des salariés sur les dispositifs mis en place, les modalités du contrôle et la durée de conservation des données de connexion.
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Elle oblige en outre l'employeur à respecter le secret des correspondances électroniques privées. L'employeur ne peut accéder aux dossiers identifiés comme personnels hors présence du salarié. Il doit s'appuyer sur une décision de justice pour établir la preuve de la faute et la violation du secret de ces correspondances est considérée comme une infraction pénalement sanctionnée.
Un avertissement verbal plutôt qu'un licenciement immédiat
La Confédération européenne des syndicats s'est pour sa part inquiétée de la validation du licenciement de Bogdan MihaiBarbulescu par l'arrêt de janvier 2016, jugeant cette mesure disproportionnée. Les syndicats réclament une graduation: un avertissement verbal devrait être la première mesure contre le salarié et le licenciement être la sanction pour les infractions répétées ou les violations graves de l'utilisation de l'internet professionnel.
"Si un salarié utilise une enveloppe et un timbre pris dans son entreprise pour envoyer une lettre privée à une personne privée, est-ce que son employeur serait autorisé à ouvrir cette lettre sans en informer le salarié et sans avoir son consentement?", a demandé la CES dans son argumentaire. "La même chose devrait valoir pour les messages électroniques", a-t-elle conclu.
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