
Le PDG de la marque au losange a annoncé un plan ambitieux visant à lancer toute une gamme de véhicules 100% électriques ou hybrides. Il prend acte de la fin programmée du diesel et du scandale qui a rattrapé le groupe.
Pris la main dans le pot d’échappement par la répression des fraudes, comme son concurrent PSA, et menacé d’une amende de 3,5 milliards d’euros pour avoir «trompé les consommateurs» sur la réalité des émissions polluantes de ses moteurs diesel, Renault cherche à reverdir son image. Et c’est bien sûr son tout-puissant patron, Carlos Ghosn, qui s’y colle en annonçant un ambitieux programme d’électrification de sa gamme dans le cadre d’un plan sur six ans baptisé «Drive the Future», présenté ce vendredi devant un parterre d’analystes et de journalistes à la Défense.
Le même Ghosn, qui regardait de haut il y a dix ans le lancement de la Prius à moteur hybride par Toyota, celui qui a fait du gazole le moteur central de sa stratégie pendant toutes ces années, celui dont la responsabilité est pointée par les enquêteurs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans le «dieselgate» maison, effectue aujourd’hui un virage au frein à main : exit le diesel, cap sur les voitures électriques et à moteurs essence hybrides rechargeables, les voitures connectées et autonomes aussi… «Nous serons les leaders de la mobilité de demain», a assené avec assurance le PDG de Renault, qui est aussi patron de «l’Alliance» Renault-Nissan-Mitsubishi.
Huit véhicules 100% électriques
De fait, le constructeur au losange, dont la gamme électrique se limitait jusqu’ici à la petite Twizy, à la Zoé et à quelques Kangoo, prévoit de déployer huit véhicules 100% électriques sur les 21 nouveaux modèles qui seront lancés par la marque d’ici 2022. Douze de ces modèles seront aussi disponibles à cette date en version hybride, roulant alternativement à l’essence et à l’électricité. Soit ce que proposent Toyota et d’autres constructeurs depuis des années. A lui seul, le géant japonais a déjà vendu plus de 10 millions de voitures hybrides dans le monde. Pendant ce temps-là, Renault a lui écoulé 10 millions de Logan et autres voitures low-cost dieselisées, c’était un choix... Aujourd’hui, le losange part de quasi-zéro dans l'hybride, qui truste l'essentiel des ventes de voitures "propres". Mais il est en tête des ventes de véhicules 100 % électrique en Europe avec sa Zoé (un peu plus de 17000 exemplaires vendus au premier semestre 2017). Encore une niche à l'échelle du marché automobile, mais appelée à se développer fortement. Pour attaquer le reste du monde, Renault peut aussi compter sur son allié Nissan qui se présente désormais comme "le leader mondial de la voiture électrique" fort des 250.000 ventes de son modèle "Leaf".
Le défi sera considérable dans les voitures 100% électriques face à l’américain Tesla, qui s'est fait connaître avec sa coûteuse Model S (80 000 euros au bas mot) mais s’apprête à attaquer le marché grand public avec la Model 3 (qui sera commercialisée en 2018 en Europe à partir de 35 000 euros). Renault «a l’ambition d’être le premier constructeur de véhicules électriques abordables grâce à une plateforme commune» qui permettra des «synergies», a assuré le PDG. Ça sent la casse pour le diesel roi, qui représentait jusqu’à une période récente plus de 60% des ventes du constructeur français : la marque va diminuer en conséquence de moitié son offre de voitures carburant au gazole d’ici 2022, et privilégiera l’essence jusqu’à l’arrivée de sa nouvelle gamme électrifiée.
Haro sur le diesel
Après des années d’entêtement «dieselo-maniaque», Carlos Ghosn tire ainsi les conséquences du haro sur le diesel lancé par la plupart des gouvernements en Europe depuis le scandale «Vokswagengate». Ce grand virage stratégique était bien le minimum que l’on pouvait attendre de l’un des dirigeants les mieux payés du CAC40 (15,6 millions d’euros entre Renault et Nissan), dont le mégasalaire choque jusqu’à l’Etat actionnaire… Car malgré ses résultats financiers canons (3,5 milliards d’euros de bénéfices en 2016), Renault, comme les autres grands constructeurs, joue sa survie dans les années à venir. Les grandes métropoles ne veulent plus de ces diesels polluants qui émettent des oxydes d’azote (NOx) et des particules fines nocives pour la santé en plus du CO2 responsable du réchauffement climatique. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a ainsi annoncé son intention de bannir le diesel dans Paris intra-muros d’ici 2025.
Et à terme, c’est le moteur à explosion lui-même qui semble condamné : le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, s’est fixé pour objectif l’interdiction de la vente de voiture diesel ET essence d’ici 2040. Il vient d’annoncer en contrepartie dans Libération une extension de la prime à la casse pour les ménages modestes qui rachèteraient un véhicule moins polluant (doublée à 2000 euros). Et une prime à la conversion électrique de 2 500 euros qui s’ajoutera au bonus actuel de 6 000 euros…
Bref, le vent a tourné et Renault met le turbo. Le constructeur français prévoit d’investir 18 milliards d’euros dans ce tournant vers la voiture électrique et autonome sur la période, mais il entend aussi bénéficier des 50 milliards investis dans ces technologies à l’échelle de l’Alliance. De quoi «considérer les ruptures technologiques de notre industrie comme des opportunités plutôt que comme des menaces», affirme Carlos Ghosn. Le patron de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, qui s’est hissée au rang de numéro 1 mondial de l’automobile avec 5,7 millions de véhicules vendus par les trois marques au premier semestre 2017, peut miser sur cette force de frappe mondiale pour atteindre ses objectifs. En ce qui concerne Renault, il a mis la barre haut : à lui seul, le groupe Renault (avec Dacia et la marque russe Lada) vise 5 millions de véhicules vendus en 2022, contre 3,2 millions 2016, en mettant le cap sur les pays émergents, Chine et Inde en tête. Le losange vise ainsi un chiffre d’affaires de 70 milliards d’euros à l’issue de son plan «Drive the Future», contre 51,2 milliards en 2016.
Des voitures autonomes
Et comme l’avenir se conjugue aussi avec voiture autonome, Ghosn a aussi promis «quinze véhicules Renault avec divers degrés d’autonomie», dont certains seront totalement «hands off, eyes off». «Renault est prêt pour cette révolution», a-t-il martelé. Nul ne sait si ces voitures roulant sans les mains sur le volant se généraliseront en dehors des autoroutes, compte tenu des contraintes réglementaires et des sauts technologiques qui restent à franchir pour gérer un trafic de voitures autonome en toute sécurité. Tous les constructeurs rivalisent d’annonces en la matière, à commencer par les grands concurrents allemands. Et puis cela ne coûte rien de promettre : à la tête de Renault depuis 2005, Carlos Ghosn, sur qui pèse la menace de l’enquête judiciaire ouverte en janvier par le parquet de Paris pour «tromperie» sur les tests anti-pollution, ne sera sans doute plus aux commandes du groupe en 2022. Mais il entend bien laisser derrière lui un géant automobile en ordre de bataille pour le futur.
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