Consulté chaque année depuis 2008 avant chaque revalorisation, ce groupe d'experts s'oppose au coup de pouce annuel du gouvernement et préconise une remise à plat des règles de revalorisation du salaire minimum. Ce dernier a, selon eux, des effets pervers sur l'emploi et la pauvreté.
Le SMIC tel qu'il existe aujourd'hui est-il menacé? Dans un rapport choc rendu public ce lundi, des experts indépendants préconisent non seulement de ne pas lui accorder de coup de pouce au 1er janvier mais aussi de revoir complètement son système de calcul afin de mettre un terme à sa revalorisation automatique. Ces experts ont été missionnés par le gouvernement pour faire des recommandations aux partenaires sociaux en amont de la réunion de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC), le 18 décembre prochain.
Ce groupe d'experts est consulté chaque année depuis 2008 sur la pertinence de donner un coup de pouce au salaire minimum. Renouvelé en août, il se compose notamment des économistes Andrea Garnero (OCDE), Isabelle Méjean (Crest), Marie-Claire Villeval (CNRS) et André Zylberberg (CNRS et Ecole d'économie de Paris). Il est présidé par Gilbert Cette, l'un des économistes ayant participé à l'élaboration du programme économique d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle.
Comme leurs prédécesseurs l'ont fait ces dernières années, ces experts se sont prononcés contre un coup de pouce au SMIC. S'ils constatent une «embellie» de l'économie française, celle-ci est «d'une ampleur moindre que celle observée dans l'environnement économique immédiat de la France». Ils citent notamment la croissance «nettement inférieure à celle de la zone euro», la baisse du chômage également «plus faible en France», ou encore le «déficit de compétitivité» du secteur productif et le taux de marge des entreprises qui «n'a pas encore retrouvé en 2016 son niveau d'avant la crise». Compte tenu de ces «fragilités manifestes», le groupe d'experts recommande de «s'abstenir de tout coup de pouce au 1er janvier 2018», afin de ne pas fragiliser les améliorations en cours. Cet avis devrait être suivi par le gouvernement. L'État n'a de toute façon plus accordé de coup de pouce au Smic depuis juillet 2012, au lendemain de l'élection de François Hollande.
«La rapidité de la croissance du SMIC est coûteu(se) pour les finances publiques»
À défaut de coup de pouce, le Smic bénéficie chaque année d'une hausse mécanique, calculée selon deux critères: l'inflation constatée sur douze mois pour les 20% de ménages aux plus faibles revenus et la moitié de l'évolution annuelle du pouvoir d'achat du salaire horaire de base ouvrier et employé (SHBOE). Lors de la dernière revalorisation, début 2017, le Smic avait ainsi augmenté de 0,93%, atteignant 1480,27 euros brut mensuels (9,76 euros de l'heure) et 1151,50 euros net. C'est à cette revalorisation automatique que les experts s'attaquent aujourd'hui. Ils jugent «nécessaire» de réformer cette formule de calcul en préconisant deux options: indexer le Smic sur l'inflation seulement ou, plus radicalement, «supprimer toute règle d'indexation obligatoire», laissant le gouvernement porter «la totale responsabilité de sa revalorisation».
Quelle que soit l'option choisie, il y a urgence à réformer le salaire minimum français. Selon eux, la formule actuelle a mené en France à un Smic «élevé comparé à ses homologues étrangers» mais «peu efficace pour lutter contre la pauvreté». Les revalorisations ont en effet un impact faible sur le pouvoir d'achat des plus modestes qui voient, en contrepartie de la hausse du Smic, leurs autres prestations diminuer et leur taxe d'habitation augmenter. De plus, le Smic d'aujourd'hui est un frein à l'évolution de l'emploi car «le taux de revalorisation moyen des salaires minima est étroitement lié au taux de revalorisation du Smic». Les experts estiment par ailleurs que «la rapidité de la croissance du Smic» est «coûteu(se) pour les finances publiques», du fait des exonérations de cotisations sociales consenties depuis les années 1990 pour «réduire les effets préjudiciables d'un Smic élevé sur (...) l'emploi des personnes les moins qualifiées». Selon les experts, cet argent serait plus efficacement dépensé pour «des mécanismes ciblés de lutte contre la pauvreté, comme la prime d'activité».
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Ces pistes de réformes avaient déjà été évoquées par Gilbert Cette dans un entretien au Figaro en 2013. À cette époque, ce dernier affirmait que le salaire minimum français avait deux défauts: «il est élevé en comparaison des autres pays, et sa formule de fixation est rigide». Il dénonçait également une formule de revalorisation «contraignante» et proposait, «pour aider les personnes dans le besoin», d'utiliser «d'autres moyens qu'un Smic élevé. Je pense par exemple aux allocations qui complètent le revenu d'activité. Ces allocations, du type RSA-activité, existent déjà. Elles pourraient être améliorées et renforcées. Elles ont un grand mérite par rapport au Smic: elles peuvent varier en fonction de la composition de la famille». Gilbert Cette parlait aussi à l'époque d'instaurer un Smic différent selon les régions. Une idée cette fois écartée par les experts de son groupe, tout comme un Smic modulé selon l'âge.
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