Pour Nicolas Hulot, l’année sera «dense» et «lourde». A tel point qu’il n’aura «pas le temps» de s’occuper «d’animaux dont paraît-il [il fait] de l’élevage, les fameuses couleuvres qu’[il avalerait] régulièrement», a-t-il ironisé ce lundi lors de ses vœux à la presse. «Autant je suis à l’aise avec les grands mammifères, autant j’ai une totale répugnance pour les reptiles.» Un petit trait d’humour qui aura été quasiment le seul de son discours fleuve de plus d’une heure. Et de réfuter une autre «petite musique» médiatique qu’il n’a «pas réussi à contrer» : non, il ne veut pas démissionner chaque matin.

Même s’il confesse avoir eu des «déconvenues» et «parfois des colères», le ministre de la Transition écologique et solidaire jure que jusqu’ici, depuis qu’il a intégré le gouvernement Macron, «il n’y a pas eu de renoncement» de sa part. Oui, il est «inquiet», comme l’a dit le Président. Mais inquiet car l’humanité est «sur un chemin de crête» et que «la fenêtre d’opportunités se réduit de jour en jour». Hulot l’assure, même si les convictions écolos de ses collègues de l’exécutif «ne sont pas encore synchronisées», «cela ne se passe pas trop mal» pour lui au gouvernement. Car il bénéficie «d’énormément d’écoute, peut-être plus que n’importe quel ministre de l’Ecologie n’en a jamais eu».

Patience et concertation

Une fois ces points mis sur les «i», Nicolas Hulot a pris le temps d’expliquer sa méthode. Patience malgré l’urgence écologique : «Les choses ne vont jamais assez vite. Mais parfois, patienter permet de gagner du temps en aval. […] Je préfère la pédagogie à la démagogie. Cela ne mène nulle part de porter frontalement des oppositions.» Concertation, dialogue et «écoute véritable», aussi. Pour Hulot, s’il y a «un enseignement» à tirer du conflit qui s’est enkysté au fil des années autour du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes abandonné la semaine dernière par l’exécutif, c’est que «souvent, la consultation citoyenne qui précède les décisions sur ce type de grands projets [ressemble] plutôt à des séances d’information que des vraies consultations». Le ministre, un opposant historique au projet, a confié aux journalistes que dans ce dossier, il y a eu «tant de bonne foi des deux côtés», chez les pro comme chez les anti-NDDL, qu’au cours de l’instruction, «comme le Premier ministre, il [lui] est arrivé de douter».

«Si le monde loupe sa transition écologique, et notamment la bataille climatique, il est condamné au déclin», a-t-il martelé, la mine grave. Avant de déplorer qu’en 2017, les émissions mondiales de CO2 soient reparties à la hausse. De déplorer, aussi, que celles de la France soient reparties à la hausse en 2015 et 2016. Et de rappeler qu’en novembre, plus de 15 000 scientifiques ont lancé un «ultime cri d’alarme» dans une tribune publiée par le Monde. Mais Hulot voit des signes d’espoir, «même aux Etats-Unis», et n’exclut pas «un sursaut de l’administration Trump». Lui qui a gardé son ancienne habitude de «voir toujours le verre à moitié vide» veut (se) convaincre qu’il «ne faut pas céder à la fatalité, qui est au fond la loi du plus fort. Donc la seule alternative, c’est l’action».

«Oui, ça frotte un peu» avec Stéphane Travert

A ce propos, le ministre veut «créer les conditions d’une transition irréversible» dans «trois ou quatre domaines qui [lui] semblent cruciaux». La transition énergétique, d’abord, «qui peut avoir un impact très positif sur l’économie». Promis, le gouvernement sera «très précis sur les réacteurs qu’il faudra fermer, et [le fera] sur un certain nombre de critères économiques, sociaux [et de] sûreté, mais pas sur des critères symboliques» dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Attendue pour la fin de l’année, celle-ci met en musique les objectifs de la loi de 2015, et Hulot a réaffirmé que ceux-ci seront bien «tenus», y compris les 50% de nucléaire dans le mix électrique, mais d’ici à 2025 comme le ministre l’avait déjà annoncé.

Le ministère prépare aussi un «plan hydrogène». Quant au «plan de libération des énergies renouvelables», qui aura notamment pour objectif de simplifier les procédures pour l’éolien ou le solaire, il sera finalisé début mars.

Sur l’agriculture, ensuite. «Oui, ça frotte un peu» avec son collègue de l’Agriculture, Stéphane Travert. Mais sur les états généraux de l’alimentation, qui avaient laissé Hulot sur sa faim au point de boycotter leur clôture en décembre, les deux ministres vont «revenir à l’ouvrage d’ici le Salon de l’agriculture», le 24 février. Le ministre écologiste a qualifié de «geste d’intelligence et de bonne volonté énorme pour ce syndicat» l’annonce, la semaine dernière, par la très agro-industrielle FNSEA, qu’elle présentera des alternatives au glyphosate lors du Salon. «Si vous voulez me mettre de mauvaise humeur, dites-moi "On ne peut pas faire autrement"», a-t-il confié, estimant que «les verrous contre lesquels [il] doit le plus batailler sont des verrous culturels».

Réflexion sur la condition animale

Alors que, selon lui, «jamais un ministre de l’Ecologie n’avait autant travaillé avec les autres ministres», Hulot a ajouté qu’il planche avec Bruno Le Maire sur l’économie sociale et solidaire, avec Agnès Buzyn sur les questions de santé environnementale ou encore avec Jacques Mézard sur la rénovation thermique des bâtiments. Il a salué l’action de la ministre des Transports, Elisabeth Borne, avec laquelle il dit travailler dans une «complicité absolue» et dont il partage la vision sur le développement des «mobilités douces et du quotidien». Idem pour ses secrétaires d’Etat Brune Poirson et Sébastien Lecornu, qui se concentrent respectivement sur une feuille de route sur l’économie circulaire «qui sera mise sur la table en mars» et la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.

Il a aussi «décidé de réfléchir cette année à un sujet qu’on reporte régulièrement au prétexte qu’il est un peu touchy, celui de la condition animale, qui est un sujet de civilisation». Et le ministre de convier à cette réflexion la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, ainsi que les chasseurs. Parmi les autres sujets sur lesquels planchera son ministère «vaste et complexe», les assises de l’eau («Les remontées sur le stress hydrique que j’ai des préfets ne sont pas à prendre à la légère.») et la biodiversité («Il faudra remettre sa visibilité au même niveau que l’enjeu climatique.») Mais Hulot souhaite aussi «repartir sur une réflexion» sur la taxe sur les transactions financières et «revenir sur la ratification ou pas» du Ceta, le traité de libre-échange avec le Canada. Le ministre a enfin annoncé pour «fin 2018-début 2019» un «sommet des peuples premiers, ou plutôt des peuples racines» qui sera organisé à Paris avec l’Unesco, pendant une «semaine des consciences». Histoire, espère-t-il, de «s’assurer que les grands de ce monde soient à l’écoute des peuples indigènes».

Coralie Schaub