
La Cour des comptes fustige le budget initial du projet et ses délais intenables, plaçant l’Etat face à ses responsabilités.
C’est l’une de ces sévères admonestations dont la Cour des comptes a le secret. Dans le rapport qu’elle a consacré au projet du Grand Paris Express, elle dénonce des coûts prévisionnels sous-estimés par la Société du Grand Paris (SGP), l’organisme d’Etat chargé de construire le réseau. Et estime que le projet ne pourra pas tenir ses délais en vue des JO de 2024.
Côté dépenses, la dernière évaluation de la SGP, qui a refait ses calculs à l’été 2017, arrive à 35,08 milliards d’euros. A cette somme, la cour ajoute 3,4 milliards de «contributions financières». Tout mis bout à bout, les coûts prévisionnels s’élèveraient à 38,48 milliards d’euros. Mais pas seulement pour le nouveau métro. Les «contributions financières», ce sont ces fonds prélevés dans la cassette de la SGP pour financer d’autres projets de transports que le métro du Grand Paris (Eole, modernisation des RER…). Et même pour renflouer l’Agence nationale pour le renouvellement urbain.
Venu présenter son rapport à la commission des finances de l’Assemblée nationale ce mercredi, le premier président de la Cour, Didier Migaud, a sorti sa calculette et traduit ce coût prévisionnel en tableau d’amortissement des emprunts. Passer de 35 à 38 milliards d’euros de prêts entraînerait «un quadruplement du niveau des intérêts». Il existe un risque, a-t-il poursuivi, «que la Société du Grand Paris ne soit jamais en mesure de rembourser». Une «dette perpétuelle», comme celle de la SNCF. En gros, la formule de financement qui pouvait fonctionner pour un projet de 25,5 milliards en 2013 ne tient plus s’il passe à plus de 38 milliards en 2018.
Génie civil. Didier Migaud reconnaît que «dans tous les grands projets, les premières évaluations de coûts sont fondées sur des études sommaires», mais il estime que les montants prévus pour les provisions étaient insuffisants dès le début. Il dénonce «un suivi de l’exécution des marchés insuffisamment rigoureux», fustige les «dépenses complémentaires appelées par l’Etat et le Stif». Quant à la réduction des délais pour les JO, il y voit «un facteur d’augmentation des coûts». Il ajoute en outre que, «confrontée à ces dérapages, la Société du Grand Paris n’a pas fait preuve d’une grande transparence sur la réalité des coûts».
Il reconnaît toutefois à la SGP le mérite d’avoir su «obtenir l’adhésion des élus, pari qui n’était pas gagné d’avance». Et souligne «l’évidente faiblesse de ses effectifs» qui lui a imposé des recours considérables à des prestataires extérieurs. La SGP, qui doit quémander l’autorisation de sa tutelle pour recruter, stagne à 200 personnes faute de la recevoir. Elle a par ailleurs été promenée entre quatre tutelles successives. Pas terrible pour le plus gros projet de génie civil d’Europe. A ces «sombres perspectives», Didier Migaud ajoute ses préconisations, qui ne s’embarrassent pas de précautions oratoires. Rappelant que le préfet d’Ile-de-France, chargé d’une mission par le gouvernement, a recommandé un «report» dans la réalisation d’une partie du projet, le premier président envoie valser cette hypothèse.
Autour de la table, il y a quand même quelques élus de la région parisienne qui tiquent. Et en particulier Amélie de Montchalin, députée LREM de l’Essonne, circonscription incluant la zone de Saclay. «Vous parlez de redimensionner ou de phaser, dit-elle, mais pouvez-vous nous dire combien ça va coûter d’aménager les transports existants, de refaire la ligne B, de tirer une télécabine pour monter sur le plateau de Saclay en attendant qu’on ait une ligne du Grand Paris Express ?» Elle souligne qu’entre les investissements de l’Etat dans les structures universitaires du plateau et un «redimensionnement» de la desserte, il y a un «problème de cohérence».
«Colossal». Face au généraliste de la Cour des comptes, il y a aussi de féroces spécialistes du sujet. Dont Gilles Carrez, député LR du Val-de-Marne, et «inventeur» du système de financement du Grand Paris Express. C’est lui qui a commandé le rapport de la cour. Le voilà qui remet les pendules à l’heure. En 2009, «j’avais proposé que les ressources fiscales soient exclusivement prélevées en Ile-de-France. Nous avons mis en place une taxe sur les bureaux, une taxe spéciale d’équipement prélevées auprès des ménages et l’Ifer, l’indemnité forfaitaire sur les entreprises de réseaux. Tout ça représentait 550 millions par an et c’était à peu près compatible [pour garantir les emprunts, ndlr] avec un projet de 22 milliards». Carrez demande donc : «A combien faudrait-il passer cette contribution ? A 700 millions à mon avis…» Ce n’est pas la mer à boire, ramené à ce «projet colossal», dont«le premier tunnelier arrive la semaine prochaine. Le gouvernement va être obligé de prendre des décisions». Enfin, le parlementaire a expliqué à la commission pourquoi la SGP avait une équipe si réduite. «C’est un effet pervers du système, soupire-t-il. L’Etat accepte l’augmentation des effectifs à condition qu’ils soient mis sur le compte du ministère de tutelle. Depuis deux ans, le ministère des Transports [pas très chaud pour augmenter les effectifs] est le meilleur allié de Bercy.»
Bagikan Berita Ini
0 Response to "Mauvais coût pour le Grand Paris Express"
Post a Comment