
" L'Alliance est-elle pérenne indépendamment des hommes qui la constituent ? Pour moi, la question ne se pose pas ", martèle Carlos Ghosn. Mais, " je ne suis pas éternel. Et je comprends que d'autres se posent la question. Il faut y répondre pour rassurer les entreprises, les principaux actionnaires et les marchés ", ajoutait ce vendredi le PDG, dont le mandat vient d'être renouvelé pour quatre ans par le conseil d'administration de Renault (actionnaire de Challenges). " Il faut réfléchir au type d'organisation et j'ai accepté d'apporter une réponse. Cela fait partie de la feuille de route de mon prochain mandat ", a-t-il précisé, en réponse à des questions lors de la conférence de presse sur les résultats financiers 2017 de l'entreprise.
Feuille de route sur l’avenir de l’Alliance
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a clairement demandé à Carlos Ghosn une "feuille de route" en vue "d'une intégration plus forte entre Renault et Nissan", lors de son entretien téléphonique avec Carlos Ghosn vendredi 9 février, assure une source de Bercy. Au menu de leur conversation: la nomination d'un bras droit du PDG chez Renault, mais aussi et surtout l'avenir de l'Alliance.
" Nous souhaitons un engagement de Carlos Ghosn à nous présenter un plan stratégique à l'Assemblée des actionnaires (de Renault) mi-juin 2018 ", souligne le gouvernement. Le PDG a toutefois répliqué ce vendredi qu'il n'y avait " pas d'échéance précise ". L'Alliance franco-japonaise repose aujourd'hui "sur le charisme de Carlos Ghosn", précise-t-on à Bercy qui s'en inquiète. Il faut que cette Alliance "lui survive". Rarement l'Etat aura été aussi pressant. Même si celle-ci n'est pas encore à l'ordre du jour, le gouvernement se place déjà dans l'optique de la succession du PDG, qui aura 64 ans en mars.
Au terme de l'Alliance nouée en mars 1999 par la prise de contrôle de Nissan par Renault, ce dernier détient actuellement 43,4% de son partenaire nippon. Celui-ci a en échange 15% du Français, mais sans droits de vote. Nissan a par ailleurs pris 34% de son compatriote Mitsubishi Motors en 2016. L'Etat est pour sa part l'actionnaire de référence de Renault avec 15% des actions et 22% des droits de vote. Renault, Nissan - et aussi Mitsubishi Motors - fonctionnent toutefois depuis dix-neuf ans comme des entreprises entièrement indépendantes.
Une question très délicate
Le seul fédérateur est en fait ... Carlos Ghosn, PDG de Renault et président de Nissan comme de Mitsubishi Motors. A ses débuts, le fédérateur de l'Alliance était un duo : Louis Schweitzer, PDG de Renault, et son bras droit… Carlos Ghosn, directeur général puis PDG de Nissan. Carlos Ghosn avait été dépêché au Japon par Louis Schweitzer lui-même.
La question de l'évolution de la structure de l'Alliance est délicate. On l'a vu en 2015, quand l'Etat avait décidé d'accroître brusquement sa participation dans Renault pour faire passer la " Loi Florange " sur les droits de vote doubles, contre le vœu du conseil d'administration de Renault. Nissan avait aussitôt réagi. Au terme d'un long bras de fer entre Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, et Carlos Ghosn, un compromis laborieux avait permis de cantonner ces droits de vote doubles aux questions stratégiques. Ce n'est qu'en novembre dernier que l'Etat a revendu ses 4,7% d'actions supplémentaires, revenant aux 15% antérieurs. L'alchimie est délicate.
Pour modifier la structure de l'Alliance, " il faut le concours de Renault, de Nissan, de Mitsubishi Motors et des deux Etats, français et japonais. N'importe quelle évolution sans l'accord des deux Etats serait mort-née ", précise ce vendredi Carlos Ghosn. Un beau casse -tête à l'horizon. Car, logiquement, Bercy promet de rester " très vigilant " sur la sauvegarde des intérêts français
Un nouveau numéro deux opérationnel
En attendant, Carlos Ghosn sera à présent assisté d'un véritable numéro deux, un " COO " chargé des questions opérationnelles. " Je l'ai souhaité, proposé et défini l'ampleur (du poste) ", indique le patron. Une révolution pour une entreprise que le PDG pilotait seul depuis 2013. Le Conseil a nommé jeudi Thierry Bolloré, 54 ans, directeur général adjoint du groupe à partir du 19 février prochain. L'homme est actuellement directeur délégué à la compétitivité de Renault.
Cet ancien de Michelin et de Faurecia, qui a travaillé au Japon – une expérience indispensable dans le cadre de l'Alliance – puis en Chine, a pour lui d'être déjà le responsable de l'ingénierie, de l'industriel, du design, du produit ainsi que de la voiture connectée et autonome. " En plus, il s'entend bien avec Carlos Ghosn ", estime un proche. Jugé affable, posé, exigeant, il est par ailleurs membre du directoire de l'Alliance. Seuls lui échappaient jusqu'à présent le commerce, à la charge de Thierry Koskas, 53 ans, et les régions, dans les mains de Stefan Mueller, mis en orbite en 2016 par Carlos Ghosn en vue d'une compétition interne mais qui vient de quitter la société. Les ressources humaines et les finances lui " seront rattachées " également, indique Carlos Ghosn.
Thierry Bolloré sera-t-il le successeur de Carlos Ghosn à la tête de Renault, voire de l'Alliance ? " Ce sera un candidat potentiel, parmi d'autres ", tempère un proche du PDG. Un administrateur porte un regard plus cynique : " on verra s'il ne se laisse pas manger par les petites souris… ". Le gouvernement est plus catégorique : le prochain directeur adjoint a " logiquement vocation à être le remplaçant de Carlos Ghosn ", du moins chez Renault, affirmait-on la semaine dernière à Bercy.
A condition… que le PDG " promette de le laisser travailler ". Car ce poste n'a pas porté chance à ses précédents titulaires. Patrick Pélata, directeur général délégué entre 2008 et 2011, a été sacrifié sur l'autel de la fausse affaire d'espionnage. Et Carlos Tavares, a chuté à l'été 2013, après avoir affirmé à la presse qu'il se verrait bien patron d'un groupe comme GM.
Résultats financiers record
Indépendamment de ces questions structurelles et managériales, Renault a publié ce vendredi un bénéfice net 2017 record, en hausse de 50% à 5,1 milliards d'euros. Avec des ventes historiques de 3,76 millions de véhicules l'an dernier (+8,5%, +7,6% à périmètre égal), la firme automobile affiche une marge opérationnelle également record de 3,9 milliards d'euros (+16%), qui représente 6,6% du chiffre d'affaires (58,8 milliards d'euros, +14,7%). Hors le russe Avtovaz, intégré pour la première fois dans les comptes, elle s'élève même à 6,8% du chiffre d'affaires, contre 6,4% en 2016. La marge opérationnelle automobile (toujours hors Avtovaz) atteint 2,8 milliard (+15%), soit 5,1% (4,9% en 2016).
Une marge honorable pour un constructeur généraliste européen. La contribution aux résultats du partenaire japonais Nissan dans Renault a toutefois été, comme toujours, très importante. Elle représente la bagatelle de… 2,8 milliards. Le flux de trésorerie opérationnel est positif pour près d'un milliard d'euros. Au moins Renault aborde-t-il la question du futur de l'Alliance en forme !
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