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Jan-Philipp Albrecht, père du RGPD: «Facebook devrait être très prudent»

INTERVIEW - L'élu allemand était rapporteur du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) au Parlement européen et l'un des acteurs les plus déterminés à le voir aboutir.

Il ne faut pas se fier à l'air timide de Jan Philipp Albrecht. Plusieurs lobbyistes de Bruxelles s'y sont déjà cassé les dents. L'eurodéputé allemand (Alliance 90/Les Verts) est l'un des principaux artisans du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), voué à redistribuer les cartes de l'économie numérique à compter de son entrée en application ce 25 mai. Rapporteur du texte, le trentenaire était aussi l'un des protagonistes au coeur du documentaire du réalisateur suisse David Bernet sur la fabrique difficile de la loi, Democracy. On y voyait un jeune homme au teint blafard, épuisé par les corruptions des lobbies et les fâcheries de Bruxelles, tentant de trouver avec son équipe un compromis acceptable entre les 4000 propositions d'amendements du RGPD et les jeux de pression du parlement. Au total, ce travail aura mis quatre ans à aboutir, laissant ensuite deux ans aux entreprises et aux États membres pour se mettre en conformité.

Alors que l'heure de la consécration est arrivée, Jan Philipp Albrecht s'apprête à tirer sa révérence du Parlement européen, pour retourner à la vie politique allemande en tant que ministre de l'agriculture et de l'environnement du Land du Schleswig-Holstein. L'occasion de jeter un dernier regard sur le résultat de son travail.

LE FIGARO. - Comment vous êtes-vous retrouvé à travailler sur le RGPD?

Jan-Philipp ALBRECHT. - Quand la proposition d'élaborer un nouveau cadre a été introduite, j'ai été choisi comme rapporteur du Parlement européen car j'étais déjà impliqué sur les questions de protection des données. Depuis que j'ai intégré le parlement en 2009, j'avais pris position contre l'ACTA [un projet d'accord commercial anti-contrefaçon, jugé dangereux pour la vie privée des Européens, ndlr] et l'accord entre l'Europe et la Suisse sur les transferts de données de paiement. J'ai aussi une spécialisation en droit de l'informatique, dans ma carrière d'avocat. Alors que la révision du RGPD était discutée depuis 2009 et traînait en longueur, à cause de la réticence de certains États (comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni), l'affaire Snowden a accéléré la procédure et contribué à lever les dernières barrières. Beaucoup d'entreprises sont aussi venues à Bruxelles pour demander un meilleur cadre européen sur la protection des données.

On dit du RGPD qu'il s'agit du texte ayant fait l'objet du plus intense lobbying de l'histoire de l'Union Européenne, comment l'avez-vous vécu?

Il y avait énormément d'associations professionnelles, de groupes d'intérêts et de travail d'influence à Bruxelles donc je ne pense pas que l'affirmation soit usurpée. Notre travail a été très difficile, en raison des amendements et des procédures administratives que certains groupes ont essayé de mettre en place pour retarder le projet. Mais je crois que nous avons réussi à parvenir à un accord, notamment car chacun convenait qu'il était indispensable d'harmoniser et de renforcer les lois sur la protection des données en Europe.

Pensez-vous être allé aussi loin que vous le souhaitiez dans la démarche de redonner le contrôle aux citoyens européens?

En tant que défenseur du droit fondamental à la vie privée, je pourrais bien sûr imaginer des propositions encore plus protectrices. Mais le haut niveau de protection actuel va tout de même largement bénéficier aux consommateurs européens. Nous ne revenons pas en arrière par rapport aux principes actuels, ni ne créons de futurs standards contraignants. Nous nous efforçons d'harmoniser le droit et de renforcer son effectivité, par plus de coopération entre les autorités de contrôle et une plus grande possibilité de sanction.

Pensez-vous que les entreprises vont respecter les principes du texte?

Il y aura toujours des entreprises pour tenter de contourner la loi, mais je pense qu'il sera très difficile de ne pas se mettre en conformité avec le RGPD. Les sanctions sont très fortes et les régulateurs observent de près les pratiques.

Vous faisiez partie des parlementaires présents à l'audition de Mark Zuckerberg à Bruxelles le 22 mai dernier, qu'avez-vous pensé de cette audition et du comportement de l'entreprise ces dernières semaines au sujet des données personnelles?

C'était un excellent signe de voir Mark Zuckerberg venir en Europe, mais j'ai été très déçu de cette rencontre. Il n'a pas du tout répondu aux questions concrètes des parlementaires et ne se montre pas volontaire pour restaurer la confiance des utilisateurs, au-delà de la communication. J'ai quelques points d'interrogation au sujet de la manière dont Facebook force les utilisateurs à leur confier leurs données, alors que ce n'est pas nécessaire, ainsi que sur le partage des données avec Whatsapp, qui est illégal [et pour lequel Facebook a déjà fait l'objet d'au moins huit condamnations en Europe et payé plus de 110 millions d'euros d'amende, ndlr] . Facebook devrait être prudent, ou ils feront partie des premiers sanctionnés.

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