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Que faut-il retenir du sommet "Tech for good" organisé par Macron?

Cela avait tout l'air d'une opération de charme à destination des grands groupes de tech étranger. A mille lieues de ce que le titre de l'événement, " tech for good " laissait penser. Ce mercredi 23 mai, Emmanuel Macron a invité à déjeuner à l'Elysée une cinquantaine de patrons du web mondial, à la veille du salon VivaTechnology organisé à Paris par Les Echos et à l'avant-veille de l'entrée en vigueur du fameux RGPD sur la protection des données. Avec cet événement, le président de la " start-up nation " voulait surtout donner une image plus moderne et digitale de la France pour attirer les entreprises étrangères. Mais le résultat paraît étrange dans un contexte où la fronde anti-GAFA se revigore après le scandale impliquant Facebook et Cambridge Analytica.

On s'attendait à des annonces du gouvernement concernant l'inclusion numérique ou l'entrepreneuriat, elles ne sont pas venues. Pourtant l'occasion aurait été bonne pour le président Macron, un an après son élection. L'ex-ministre de l'Economie et du numérique, s'était justement fait remarquer pendant la campagne par son engagement pour les entreprises de la tech. Beaucoup d'entrepreneurs s'étaient engagés en sa faveur, espérant un soutien particulier au secteur. Or, depuis l'élection, son gouvernement n'a pris qu'un petit nombre de mesures en direction des acteurs de la tech. " Tech for good est là pour créer un catalyseur. On a appris à fonctionner comme ça avec les entreprises ", explique L'Elysée.

On nous avait promis un discours comme un " appel à l'engagement pour le bien commun " dans un " moment charnière pour la tech ". Macron a reporté son discours au 24 mai à Vivatech et délégué le mot de clôture au Premier ministre Edouard Philippe, bien décidé à faire la danse du paon pour convaincre ces groupes d'investir en France. Cela a plus ou moins bien marché. IBM a annoncé vouloir créer 1 800 emplois dans l'Hexagone dans l'intelligence artificielle (IA), la blockchain et l'internet des objets. Même 400 d'entre eux avaient déjà été évoqués en janvier dernier. Microsoft a annoncé vouloir embaucher une centaine de spécialiste de l'IA en France.

Une tablée pas si tech for good

La tablée d'entrepreneurs composée par l'Elysée était exceptionnelle, tous étaient invités à passer l'après-midi à réfléchir en ateliers sur le futur du travail, l'éducation et la diversité. Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, interrogé hier par les députés au Parlement européen était l'invité d'honneur. Autres acteurs majeurs, Satya Nadella, le patron de Microsoft, a côtoyé la patronne d'IBM Virginia Rometty. Plus étonnant, le patron de l'entreprise de livraison à domicile de repas Deliveroo, Will Shu, fréquemment accusé de dévoyer les conditions de travail de ses livreurs, et celui d'Uber, Dara Khosrowshahi, alors que l'entreprise collectionne les procès en sexisme et discriminations, étaient aussi de la partie. Ce dernier a présidé l'atelier sur le futur du travail avec Muriel Pénicaud et rapporté que " le numérique est plein de challenges et d'opportunités, créateur d'emplois et de PIB (…) et peut aider les plus vulnérables à entrer sur le marché du travail ". Des déclarations ambiguës pour un groupe qui joue sur l'auto-entrepreneuriat et l'indépendance des chauffeurs au risque d'une précarité accrue. Mais qui a profité de l'occasion pour annoncer le renforcement de la couverture d'assurance de ses chauffeurs dans l'Hexagone, en partenariat avec AXA.

La liste d'invités comprenait aussi le PDG de Palantir, une entreprise américaine spécialisée dans le traitement de données, financée par la CIA et fortement critiquée pour son non-respect des données personnelles. Seule une poignée d'invités comme Wikimédia, la fondation Mozilla ou OpenClassroom est réellement organisée en entreprise à lucrativité limitée. Google, représenté par la présidente de la fondation Google.org, a annoncé 100 millions de dollars de dons pour mettre la technologie au service de l'emploi en Europe et Afrique et vouloir former un million de personnes au numérique sur le Vieux continent. Un autre projet déjà un peu ébruité.

Il n'en fallait pas plus pour que des voix d'entrepreneurs sociaux s'élèvent, criant au " social washing ". Ismaël Le Mouël, président de la start-up HelloAsso, a pesté dans une tribune dans Libération contre un " curieux mélange des genres d'associer la notion d'utilité générale à des acteurs qui ne privilégient que le ‘good for me'. (…) ces plateformes portent une vision de l'innovation qui n'a rien à voir avec l'intérêt général ".

L'Elysée promettait " des discussions franches ", les géants du web ont surtout défendu leur propre vision de l'économie. Lors de la restitution des ateliers à Matignon, la patronne d'IBM a prôné " la collaboration des entreprises et de l'Etat dans l'enseignement " afin que " l'offre rejoigne la demande ". Une vision très libérale assumée. Et le patron de SAP, Bill McDermott, en charge du groupe sur la diversité a défendu l'égalité salariale en demandant " plus de transparence et moins d'Etat ". Une vision très américaine du social. Tous ont discrètement prôné le minimum de régulation. Un cadeau que Macron semble prêt à leur faire, sans concession. Le pendant de cette opération de séduction.

La danse du paon d’Edouard Philippe

Edouard Philippe s'est ensuite lancé dans un discours empreint de références littéraires et teinté d'humour pour flatter son audience. Une trentaine de minutes vides de propositions concrètes. " Sénèque a dit ‘de n'importe où on peut s'élancer vers le ciel. Quand il a formulé cette maxime, il pensait à l'économie numérique. On peut incroyablement bien réussir et s'intéresser à la vie de la cité ", a lancé le Premier ministre. Il a vaguement défendu le RGPD. " Ce qui paraissait hier contraire à l'innovation apparaît aujourd'hui comme une norme, utile à l'échelle mondiale ". Puis rappelé que le gouvernement investit dans l'intelligence artificielle et la formation. Sans nouvelle annonce, sans chiffrage. " Nous faisons pivoter la France ", s'est-il amusé. Enfin, il s'est adressé aux entrepreneurs présents. " En France, il y a encore un doute sur les capacités des grandes entreprises à incarner des engagements de progrès. Montrez-leur ce que vous faites ! " Une proposition de communication qui caresse les géants du web dans le sens du poil.

 

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