
Demander l'avis à ses salariés. Quoi de mieux pour légitimer une prise de décision ? Sur le papier, l'idée est brillante. Dans la réalité elle est plus que risquée, tant la consultation globale de l'entreprise peut réveiller un sentiment révolutionnaire chez les votants qui souhaiteraient plus couper la tête de l'initiateur du vote que répondre sur le fond de celui-ci. Retour sur les derniers référendums d'entreprise significatifs.
Contrecarrer le discours de Pépy à la SNCF
A l'inverse d'Air France, où c'est la direction qui était à l'initiative du référendum, à la SNCF c'est l'intersyndicale qui l'organise. "Vot'action, faisons-nous entendre", écrit l'intersyndicale dans un tract, où elle appelle les cheminots à "donner (leur) avis" pour "peser dans les décisions à venir". Cette consultation sera organisée "du 14 au 21 mai". La question sera simple : "Etes-vous pour ou contre le pacte ferroviaire porté par le gouvernement ?".
"Notre idée n'est pas d'avoir la tête de (Guillaume) Pepy (le patron de la SNCF), c'est de permettre à tous les cheminots de pouvoir s'exprimer" autrement que par la grève, notamment "l'encadrement", a relevé à l'AFP Bruno Poncet, secrétaire fédéral de SUD-Rail.
L'idée principale des syndicats est de casser " l'idée que 80% des cheminots soutiennent cette réforme " selon Laurent Brun, secrétaire général de la CGT Cheminots, interviewé par l'AFP.
Guillaume Pépy ne lie pas son avenir au résultat de ce referendum non souhaité. Réagissant dès mercredi matin à la possibilité d'une consultation organisée par les syndicats, M. Pepy avait relevé que cette réforme "appartient au peuple français puisqu'il s'agit de mesures décidées par le Parlement et par conséquent, personne, même pas les cheminots (...) ne peut priver l'Assemblée nationale et le Sénat dans quelques jours, du pouvoir de faire la loi".
Dans Le Parisien, le patron de la SNCF enfonce le clou, affirmant que le référendum n'aura " aucune " légitimité. " C'est aussi brutal que ça " ajoute-t-il.
Le pari perdu d’Air France
Alors que le conflit social dure depuis des semaines, avec des syndicats de pilotes refusant la solution proposée par le PDG d'Air France, Jean-Marc Janaillac sort de son chapeau un référendum. Plus que cela, il lie son avenir à son succès ou à son échec. En cas de victoire du non, il devra démissionner.
Le résultat est sans appel : le non l'a emporté à 55,44 % avec une participation de 80,33 %. Le PDG a annoncé sa démission dans la foulée. La grève continuera mais sans lui.
De fait, Jean-Marc Janaillac a échoué là où son lointain prédécesseur Christian Blanc, vingt-quatre ans auparavant, l'avait emporté. Et pour un enjeu bien moins dramatique : pour l'ancien préfet à poigne, il s'agissait de sauver une compagnie au bord de la faillite et non de trancher un simple différend salarial dans une entreprise qui, même si elle souffre d'un sérieux écart de compétitivité par rapport à ses concurrents, a enregistré sa meilleure performance financière en 2017.
Le référendum de Smart sur les 39 heures payés 37
Juridiquement le référendum qui a eu lieu dans l'usine Smart de Hambach (Moselle) n'avait aucune valeur. Le résultat consultatif a eu au contraire une forte valeur symbolique. La direction demandait aux salariés s'ils étaient d'accord de passer de 35 heures à 39 heures payées 37.
Soumise à un référendum consultatif le 11 septembre 2015, la mesure avait été adoptée par 56% des employés, mais rejetée par les syndicats. Pour contourner cette opposition, la direction a alors fait signer ces avenants à chaque employé. La bascule, sans augmentation de salaire, s'est faite officiellement le 1er octobre 2016 à minuit, mais l'ensemble des dispositifs rentreront progressivement en vigueur. Ceux concernant les cadres - une réduction des jours de RTT - seront ainsi mis en place début 2017.
"On risquait le chômage, donc on n'a pas trop eu le choix", avance Thierry Drouin, qui a, comme plus de 95% des employés, signé un avenant à son contrat de travail le faisant passer aux 39h.
Le passage aux 39h - avant un retour progressif aux 35 en 2020, "c'est le seul choix qu'on nous offre. Et je suis content d'avoir un boulot. La région est sinistrée, et il faut faire un effort", ajoute un employé.
Le travail de nuit chez Sephora
"Êtes-vous favorable à l'ouverture de votre magasin après 21 heures dans les conditions de l'accord de soirée signé le 16 septembre et affiché dans le magasin?". Les salariés de Sephora Champs-Elysées (en CDI depuis plus de 3 mois) ont approuvé massivement l'accord à 114 votants sur 124 en octobre 2015.
L'accord, qui portait formellement sur le "travail de soirée", prévoyait notamment une majoration de 100% des heures travaillées entre 21h00 et minuit, sur la base du volontariat. Il avait été signé le 16 septembre en même temps qu'un accord similaire portant sur les autres magasins de la marque situés dans les zones touristiques internationales (ZTI).
Le score "montre que l'accord est légitime", a déclaré à l'AFP le délégué CFE-CGC de Sephora, Stéphane Guillory, ajoutant qu'un huissier était présent lors du dépouillement et que le résultat avait été accueilli avec des "cris de joie". "C'est une gifle aux opposants", a-t-il estimé.
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