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Air France-KLM confie les rênes à un Canadien, l'intersyndicale sort les dents

Près de trois mois quasiment jour pour jour après la démission de Jean-Marc Janaillac du poste de PDG d'Air France à la suite d'un référendum perdu sur sa proposition salariale, le groupe aérien français s'apprête à nommer enfin un successeur. Selon nos informations confirmant celles de Libération, un conseil d'administration se tiendra ce jeudi 16 août pour entériner le nom de Benjamin Smith, numéro 2 d'Air Canada, au poste, non pas de PDG comme l'était Jean-Marc Janaillac, mais de directeur général d'Air France-KLM. Il devrait également faire partie du conseil d'administration d'Air France et de KLM. Nommée présidente non exécutive au moment du départ de Jean-Marc Janaillac le 15 mai, Anne-Marie Couderc, par ailleurs présidente du comité de nomination, devrait prolonger l'intérim.

Anglophone mais maîtrisant la langue française, Benjamin Smith est actuellement directeur de l'exploitation d'Air Canada, où il est entré en 2002, et membre du comité exécutif depuis 2007.

L'intersyndicale vent debout

Evoquée dès le 13 juillet par La Tribune, la piste canadienne a été confirmée par Le Monde le 8 août au lendemain d'un tweet du président du SNPL d'Air France, Philippe Evain, dévoilant le nom de Benjamin Smith. Ce choix constitue une révolution pour le groupe français. Depuis sa création en 2004, il a toujours été dirigé par un Français. Le choix de Benjamin Smith n'est, en revanche, pas du goût de l'intersyndicale, dont le leadership est tenu par le puissant syndicat des pilotes SNPL, vent debout contre la nomination d'un "candidat étranger dont la candidature serait poussée par un groupe industriel concurrent, Delta", est-il écrit dans un communiqué. Partenaire depuis près de 20 ans d'Air France puis d'Air France-KLM quand le groupe a été créé en 2004, Delta est actionnaire à hauteur de 9% d'Air France-KLM depuis un an.

Selon plusieurs sources en effet, le SNPL défendait la candidature de Thierry Antinori, 56 ans, un Français très connu à Air France pour y avoir fait un passage remarqué entre 1986 et 1997 avant d'être débauché par Lufthansa, où il grimpa tous les échelons pour arriver au conseil d'administration avant de partir en 2010 chez Emirates, où il est aujourd'hui le numéro 2 et potentiel futur numéro 1. Avant Thierry Antinori, qui n'avait pas demandé un tel soutien, le SNPL poussait la candidature de Pascal de Izaguirre, un ancien d'Air France également, aujourd'hui à la tête du groupe TUI en France et de sa filiale Corsair.

Au début du processus de recrutement, le comité de nomination avait pourtant placé Thierry Antinori en tête de liste avec Fabrice Brégier, l'ancien président d'Airbus Commercial Aircraft (lequel a immédiatement refusé le poste). Mais, après avoir essuyé un tir de barrage fin juin, notamment de Delta, quand il avait fait le choix de Philippe Capron, le directeur financier de Veolia (il a quitté l'entreprise depuis), le comité de nomination, secondé dans ses travaux par Delta et China Eastern (également actionnaire à hauteur de 9% depuis un an), a très vite privilégié la piste de Benjamin Smith. Depuis la première semaine de juillet, le Canadien est devenu la priorité du comité de nomination. Une quinzaine de jours plus tard, Air France-KLM négociait bel et bien sa venue, même si, ces derniers jours, le nom d'Eric Schulz, le nouveau directeur commercial d'Airbus, a été évoqué.

Une rémunération trois plus élevée que celle de Janaillac

Les négociations entre le comité de nomination et Benjamin Smith butaient essentiellement sur les conditions financières. Benjamin Smith, qui demandait notamment la compensation de ses stock-options chez Air Canada, percevra 3,3 millions d'euros par an, une rémunération trois fois plus élevée que celle de Jean-Marc Janaillac, mais qui flirte avec celle des dirigeants des groupes concurrents. Ce montant provoque la grogne de l'intersyndicale, agacée de ne pas avoir vu ses revendications salariales (+6% puis +5% hors avancement automatique) acceptées malgré 15 jours de grèves qui ont coûté plus de 350 millions d'euros au groupe.

Le choix de Delta ?

Benjamin Smith a-t-il été imposé par la compagnie américaine, omniprésente dans ce dossier? Après avoir contribuer à éliminer la candidature de Philippe Capron, Delta a exigé d'être consulté par le comité de nomination puis a imposé son modèle de gouvernance avec une dissociation des fonctions de Président et de directeur général. "Non, Ben Smith n'est pas poussé par Delta", assure-t-on aujourd'hui. Pourtant, les informations parues le 13 juillet dans la Tribune au sujet de la piste canadienne reposaient sur des sources qui, à ce moment-là, indiquaient le contraire. Quand bien même Delta a pesé dans ce choix, difficile d'affirmer que Benjamin Smith est un satellite américain comme l'avance l'intersyndicale. Air Canada n'a en effet aucun lien avec Delta. La compagnie canadienne est membre de l'alliance Star Alliance composée notamment de United et Lufthansa, concurrente de celle d'Air France-KLM et de Delta, Skyteam. Il ne faut pas exclure que les dirigeants de Delta aient suggéré le nom de Benjamin Smith car ils estimaient qu'il avait tout simplement le bon profil. Benjamin Smith s'est en effet  taillé une réputation de négociateur hors pair en parvenant à signer avec les personnels navigants les accords sociaux sur la filiale low cost Air Canada Rouge en 2015.

"Si vous cherchez quelqu'un pour gérer les pilotes, c'est un bon choix", a estimé une source industrielle à l'agence Reuters, en ajoutant que Benjamin Smith avait personnellement pris en main les pourparlers pour ramener les syndicats d'Air Canada à la table des négociations.

Si ces faits d'armes n'ont pas franchi l'Atlantique, ils sont évidemment connus de tout le monde du transport aérien nord-américain.

Reprise des négociations sur les salaires ?

Le comité de nomination et le gouvernement n'ont donc pas cédé aux pressions du SNPL qui, depuis plusieurs jours, se démène dans la presse pour faire capoter sa nomination. Benjamin Smith va donc arriver en terrain miné. Le SNPL a en effet menacé de relancer des grèves en septembre si les négociations salariales ne reprenaient pas. L'intersyndicale a indiqué qu'elle se prononcerait le 27 août sur les actions à mener.

Pour autant, "le Canadien a-t-il intérêt à suivre le calendrier du SNPL à la veille des élections professionnelles ? N'a-t-il pas intérêt à attendre le résultat des urnes, plutôt que négocier un accord qui pourrait être interprété par le SNPL comme une victoire et favorisait la réélection de son bureau ?", s'interroge un observateur.

Depuis les dernières élections fin 2014, le SNPL est dirigé par la branche dure du syndicat. L'absence de reprises des négociations salariales risquerait d'aviver les tensions chez les syndicats, alors que l'actuel directeur général d'Air France, Franck Terner, avait placé comme préalable à la reprise des négociations la mise en place d'une nouvelle gouvernance.

Si la nomination de Benjamin Smith ne résout rien pour l'heure, elle montre néanmoins une volonté du gouvernement français d'ouvrir une nouvelle page de l'histoire d'Air France-KLM et d'Air France en bouleversant sa façon de fonctionner.

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