« Salut. Je ne suis pas à mon bureau parce que je vais participer, en solidarité avec d’autres employés de Google, à un rassemblement pour protester contre le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles, le manque de transparence et une culture d’entreprise qui ne marche pas pour tout le monde. Je reviendrai à mon poste plus tard. »
Tel est le message que certains employés de Google ont laissé sur leur bureau jeudi 1er novembre, à l’occasion d’une journée de mobilisation baptisée « #Googlewalkout ».
Les organisateurs attendaient 1 500 participants, dans une vingtaine de bureaux du monde, mais ce chiffre pourrait être plus important au vu des images des rassemblements qui circulent depuis jeudi matin sur les réseaux sociaux. En fin d’après-midi, ils avaient eu lieu aux quatre coins du monde, à New York, Singapour, Londres, Dublin, Zurich, Toronto ou encore Chicago, avant que la journée ne démarre en Californie, où se trouve le siège social de l’entreprise.
48 licenciements
Cette mobilisation intervient quelques jours après la publication, jeudi 25 octobre, d’une enquête du New York Times, selon laquelle Google a passé sous silence plusieurs affaires d’agression ou de harcèlement sexuel. Le quotidien américain évoque ainsi le cas d’Andy Rubin, le créateur du système d’exploitation mobile Android, qui a quitté l’entreprise en 2014 après avoir, selon le New York Times, été accusé par une employée de l’avoir forcée à lui faire une fellation. Or, assure le journal, l’homme aurait bénéficié de 90 millions de dollars d’indemnités de départ – ce qui n’avait rien d’obligatoire –, d’un message d’hommage de la part de Larry Page, cofondateur de Google, et du silence de l’entreprise sur l’affaire.
L’article évoquait également le cas de Richard DeVaul, un des dirigeants de X, le prestigieux laboratoire d’Alphabet (la maison mère de Google) chargé des projets « fous » de l’entreprise – X est par exemple à l’origine des Google Car et des Google Glass. Celui-ci est accusé d’avoir affirmé devant une candidate à l’embauche être polyamoureux, l’avoir invitée à un festival et lui avoir demandé de se déshabiller pour la masser. Après la publication de l’article du New York Times, Richard DeVaul a démissionné – sans bénéficier d’indemnités de départ, a assuré l’entreprise au même journal.
En réponse à cette enquête, le PDG de Google Sundar Pichai et la responsable des ressources humaines Eileen Naughton avaient annoncé avoir licencié, au cours des deux années passées, 48 personnes pour des cas de harcèlement ou agression sexuelle, dont treize hauts responsables, en assurant qu’aucune d’entre elles n’avait reçu d’indemnités de départ. Andy Rubin a, quant à lui, nié les informations du New York Times, évoquant « une campagne de diffamation ».
« Les mesures concrètes ont été très rares »
Les discours des dirigeants de Google n’ont, semble-t-il, pas suffi à apaiser une partie des salariés de l’entreprise, qui prévoient de se mobiliser jeudi. « Alors que Google se présente comme le champion de la diversité et de l’inclusion, les mesures concrètes pour combattre le racisme systémique, promouvoir l’équité et mettre un terme au harcèlement sexuel ont été très rares », ont écrit les organisateurs sur une plate-forme interne, dans un message que le New York Times a pu consulter.
Ces employés ont publié une liste de leurs revendications, exigeant, par exemple, la fin des arbitrages privés dans les cas de harcèlement sexuel et de discrimination – qui peuvent empêcher l’employé de porter plainte ou de rendre l’affaire publique. Ils réclament également la fin de l’inégalité des salaires et des chances, un rapport de transparence sur le harcèlement sexuel et un dispositif « clair, uniforme et inclusif » pour signaler les cas de harcèlement sexuel « de façon sécurisée et anonyme ». Enfin, ils souhaiteraient que le responsable des questions de diversité dans l’entreprise soit en lien direct avec le PDG et conseille directement le conseil d’administration – lequel devrait, selon eux, intégrer un représentant des salariés.
Les femmes minoritaires chez Google
Google, qui compte plus de 85 000 employés dans le monde, est principalement composée d’hommes (69,1 %), selon les chiffres de l’entreprise. Un taux qui monte à 74,5 % sur les postes à responsabilité et 78,6 % sur les postes directement liés à la technologie. Google a toujours assuré prendre cette question à cœur et faire des efforts pour diversifier son entreprise (par ailleurs composée majoritairement de personnes blanches). La publication d’un rapport annuel sur le sujet fait partie des mesures prises ces dernières années, où l’on constate qu’en 2014 83,4 % de l’effectif total de l’entreprise était masculin. Google a aussi annoncé au fil des années des formations pour lutter contre les préjugés, des dons à des organisations travaillant sur ces problématiques, ou encore un congé de parentalité plus égalitaire pour les hommes et les femmes.
L’entreprise fait néanmoins l’objet de poursuites de la part d’anciennes employées, qui accusent l’entreprise de moins payer les femmes – ce que Google conteste. Le ministère américain du travail enquête, quant à lui, sur la question.
Plusieurs mobilisations ces derniers mois
Par ailleurs, le manifeste publié l’an dernier par un employé de Google, James Damore, contestant la politique de diversité de l’entreprise, avec des passages sexistes, avait provoqué un grand débat en interne – et le licenciement de l’auteur du texte.
Ces derniers mois, les salariés de Google ont à plusieurs reprises fait entendre leur voix, pour exprimer leur mécontentement sur différents dossiers. Ils s’étaient notamment opposés à la participation de l’entreprise au projet Maven du Pentagone, visant à exploiter des technologies d’intelligence artificielle (IA) pour analyser des images de drones. Face à la fronde, Google avait finalement mis un terme à ce partenariat et s’était engagé à ne jamais mettre ses technologies d’IA au service de l’armement.
Cet été, les employés ont aussi exprimé leur mécontentement après avoir appris que l’entreprise réfléchissait au possible retour de son moteur de recherche en Chine, dans une version adaptée à la censure imposée par le régime.
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