Un nouveau départ pour L'Express : Alain Weill, homme de médias et bras droit de Patrick Drahi dans l'Hexagone, va prendre le contrôle à titre personnel de l'hebdomadaire L'Express, racheté en 2015 par Altice, et tenter de le redresser via un projet de transformation "radical".
M. Weill, PDG d'Altice France et entrepreneur dans l'audiovisuel (il avait racheté RMC et lancé BFMTV avant de revendre son entreprise NextRadioTV au groupe de Patrick Drahi), veut mettre en œuvre un "projet de transformation" pour ramener l'hebdomadaire, lourdement déficitaire, à l'équilibre dès 2020.
Celui-ci passera par une refonte en profondeur, éditoriale et commerciale, et un plan d'économies incluant la suppression d'une quarantaine de postes, sur un total de 180 salariés (dont 127 journalistes). Cette réduction d'effectifs devrait s'effectuer principalement via l'ouverture d'une clause de cession, qui permettra des départs volontaires dans la rédaction.
"C'est un projet radical, je ne vais pas dire que c'est celui de la dernière chance, mais il faut prendre le taureau par les cornes", a assuré M. Weill lors d'un point presse, en disant vouloir ainsi aider à pérenniser le journal d'Albert Camus et de Jean-Paul Sartre.
Le doyen des "newsmagazines" français est en effet mal en point : il a perdu 10 millions d'euros l'an dernier, soit le quart de son chiffre d'affaires. Il a aussi vu ses ventes chuter de 40% en 4 ans, à environ 244.000 exemplaires au 3e trimestre 2018. Mais ses ventes numériques commencent à décoller, avec 23.000 abonnés en fin d'année dernière.
Souhaitant s'inspirer du redressement réussi de la radio RMC, qu'il avait rachetée il y a dix ans alors qu'elle était moribonde, le dirigeant a exprimé sa volonté de "revenir aux fondamentaux" de L'Express.
Alors que sa mission d'origine était de "dire aux Français la vérité pour qu'ils obligent la société à se transformer", Alain Weill veut doter L'Express d'une nouvelle ligne éditoriale consistant à "porter le débat pour que les Français transforment la France".
- Nouvelle formule cet été -
Il s'agit pour le dirigeant d'"identifier les nouvelles idées et tendances qui contribuent au changement", et de défendre dans un même souffle "les libertés individuelles et l'intérêt général", sans en faire, promet-il, l'organe d'un camp politique ou d'un candidat.
Il veut en outre rendre L'Express plus cohérent et lisible : rubriques identiques dans les versions papier et numérique, parution déplacée au vendredi (au lieu du mercredi), et pagination diminuée pour réduire les coûts, mais avec une maquette plus dense.
La nouvelle formule devrait sortir cet été. Les tarifs seront révisés au passage, et avec un prix identique quel que soit le support (papier, numérique ou les deux). En outre, la stratégie en ligne sera repensée, avec plus de contenus exclusifs pour les abonnés, et des émissions audio et vidéo.
M. Weill a précisé qu'il allait acquérir "à titre personnel", via sa société News Participation, 51% de L'Express, et prévoit d'investir avec Altice "une vingtaine de millions d'euros" pour couvrir les pertes jusqu'au retour à l'équilibre, hors investissements dans la réorganisation et la relance.
Le responsable, qui deviendra président et directeur de la publication du journal, tout en conservant ses fonctions chez Altice, sera épaulé par un de ses cadres, Clément Delpirou, qui restera parallèlement co-gérant du quotidien Libération.
Reste à nommer un nouveau directeur de la rédaction à L'Express, ce qui sera fait "dans les prochains mois". Le nom de Philippe Jannet, proposé par Altice, avait été rejeté l'an dernier à une large majorité par les journalistes de l'hebdomadaire, certains lui reprochant sa proximité avec La République en Marche. Nommé depuis directeur général délégué de L'Express, l'intéressé va quitter L'Express.
Altice, maison-mère de l'opérateur de télécoms SFR et d'une palette de médias (BFMTV, RMC, Libération...) avait acquis l'hebdo en juin 2015 auprès du groupe de presse belge Roularta, en même temps qu'une dizaine de magazines qu'il a depuis quasiment tous revendus.
L'Express avait été fondé en mai 1953, sous la forme d'un supplément au quotidien Les Echos, par Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, sur une ligne de centre gauche, anticoloniale et en soutien à Pierre Mendès-France.
Il s'est transformé en 1964 en "newsmagazine" à l'anglo-saxonne, modèle dont s'inspireront ensuite L'Obs, Le Point, Marianne...
Après avoir connu un pic de ses ventes au début des années 1970 (à plus de 600.000 exemplaires en moyenne), il a changé plusieurs fois de mains depuis 1977.
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