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Morgan Stanley dans le viseur de l'AMF pour manipulation de cours sur la dette française - Les Échos

Une manipulation de cours sur des dettes souveraines. L'accusation est grave. Le collège de l'Autorité des Marchés (AMF) met en cause le bureau de Morgan Stanley à Londres, qui aurait manipulé le prix des dettes de l'Etat français en 2015. Selon l'enquête, les traders de la banque auraient agi afin de limiter leurs pertes. Le collège a requis une amende de 25 millions d'euros contre la banque lors d'une audience devant la Commission des sanctions, ce vendredi matin. Du jamais vu après une enquête. 

Contrats à terme sur dette française

Les griefs se concentrent sur une journée bien particulière : celle du 16 juin 2015. Ce jour-là, entre 9h29 et 9h44, le « desk » de Morgan Stanley aurait acquis massivement des contrats à terme sur la dette française et la dette allemande, via des transactions sur Eurex, le marché des dérivés outre-Rhin. Puis, dans un deuxième temps, à 9h44, les traders auraient vendu instantanément 815 millions d'euros d'emprunts français (OAT) et 340 millions d'euros d'emprunts belges sur les plateformes de négociation MTS France, BrokerTec et MTS Belgique. 

Craintes de « Grexit »

Selon l'AMF, ces transactions étaient motivées par la « nécessité de sortir rapidement d'une position déficitaire ». Morgan Stanley était exposé au risque français. Son desk avait pris des positions qui lui permettait d'enregistrer des gains si le cours de la dette française montait et que l'écart de taux (dit « spread ») entre la France et l'Allemagne se réduisait. « Il s'agissait d'une stratégie choisie », assure l'accusation. Problème : le marché était dans une configuration inverse. La résurgence des craintes d'une sortie de la Grèce de la zone euro, après une réunion cruciale du pays avec ses créanciers, a entraîné une ruée des investisseurs vers la dette allemande et un écartement du « spread ». 

Pour le collège de l'Autorité des marchés, les traders londoniens de la banque américaine ont donc cherché à faire monter le cours des contrats à terme sur la dette française à des « niveaux anormaux et artificiels » dans le but de faire monter le cours des emprunts d'Etat eux-mêmes, afin de les céder dans la foulée à un prix plus élevé.

L'accusation note que le desk se rapprochait de sa limite de risque de 20 millions de dollars, ce qui a joué dans sa décision d'intervenir « agressivement ». « Le desk a déversé massivement son risque sur les autres intervenants de marché et les a pris de court », souligne-t-elle. La technique opératoire rappellerait, selon un spécialiste en valeurs du Trésor entendu par l'AMF, le  scandale « docteur Evil » de 2005 mettant en cause la banque Citi. 

Charte des spécialistes en valeurs du Trésor

Lors de l'audience de ce vendredi 8 novembre, le collège de l'AMF a aussi rappelé que les faits sont particulièrement graves dans la mesure où Morgan Stanley fait partie de la vingtaine de  banques partenaires de l'Etat français, les « SVT » (spécialistes en valeurs du Trésor). Or ceux-ci signent une charte auprès de l'Agence France Trésor, qui exige d'eux un comportement « éthique » sur les marchés et un effort pour maintenir la liquidité des emprunts d'Etat. Le collège parle d'une attitude « hautement préjudiciable et incompatible avec les règles d'un acteur de premier plan des marchés ». 

De son côté Morgan Stanley a fait savoir qu'il « rejette catégoriquement les allégations de l'AMF. La banque continuera à défendre avec vigueur son intégrité et les plus hauts standards appliqués à ses pratiques professionnelles. » La défense de la banque s'étonne du montant de la sanction requise au regard des économies de pertes enregistrées par son desk et insiste sur le fait qu'il ne s'agissait pas de positions prises pour compte propre mais uniquement dans le cadre de ses fonctions de SVT, chargé d'aider l'Etat français à bien gérer sa dette.

Agence France Trésor non auditionnée

L'avocat de la banque souligne que l'Agence France Trésor - principale intéressée dans le dossier - a elle-même considéré, après avoir reçu toutes les explications de Morgan Stanley sur les transactions du 16 juin 2015, que « le sujet était clos ». La défense de Morgan Stanley se dit aussi « choquée » par le fait que l'AFT n'a pas été auditionnée dans cette affaire. 

Sur le fond, elle explique que les opérations du 16 juin (l'acquisition des contrats à terme sur la dette française)  sont en fait un simple « débouclage » d'une couverture mise en place la veille. «Le contexte de marché ce 16 juin était très tendu, il fallait agir vite », poursuit l'avocat. Pour lui, il est impossible de considérer qu'il y manipulation de cours. «Imaginer qu'on puisse faire varier le marché de la dette française [dont l'encours avoisine 1.500 milliards d'euros] en achetant moins de 2% du volume moyen quotidien des contrats à terme est une aberration ! » affirme Stéphane Bénouville, avocat chez Freshfields.

Pour la défense de la banque, cette affaire pose la question du rôle des SVT et de la liquidité du marché des emprunts d'Etat français. «La tenue de marché a vocation à permettre d'entrer et sortir du risque à tout moment. C'est ce que les investisseurs attendent. C'est la condition pour maintenir la confiance dans le marché de la dette française ». Autrement dit, il serait dangereux que la décision de la commission des sanctions de l'AMF ait pour conséquence d'empêcher les SVT de déboucler leurs positions quand ils en ont besoin. 

La commission des sanctions de l'AMF rendra sa décision d'ici à quelques semaines.

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