L'Arabie saoudite soupçonnée d'avoir piraté le téléphone du patron d'Amazon, Jeff Bezos - Le Monde

Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, le 13 septembre 2018. Cliff Owen / AP

C’est une histoire d’espionnage rocambolesque, dont les développements pourraient s’avérer explosifs. L’Arabie saoudite a-t-elle piraté le téléphone du fondateur et patron d’Amazon, Jeff Bezos, par ailleurs propriétaire du Washington Post ?

Un rapport signé par deux responsables des Nations unies, et qui doit être publié mercredi 22 janvier, établit l’existence d’éléments suffisants pour l’établir et réclamer des enquêtes de Washington et Riyad.

Ce rapport sera publié par Agnès Callamard, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, et David Kaye, chargé de la liberté d’expression, dans le cadre d’une enquête plus large dont les conclusions doivent être rendues publiques en juin.

Une vidéo sur le compte WhatsApp de « MBS »

Il corrobore les conclusions auxquelles sont parvenus les spécialistes mandatés par Jeff Bezos. Selon ces enquêteurs privés, le téléphone portable du patron d’Amazon a été piraté en 2018 après la réception d’une vidéo vérolée envoyée depuis un compte de messagerie WhatsApp appartenant au prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman, surnommé « MBS », rapporte le quotidien britannique The Guardian.

Les deux hommes avaient eu un échange WhatsApp apparemment amical lorsque, le 1^er mai 2018, le dossier non sollicité a été envoyé, selon des sources anonymes au quotidien.

FTI Consulting affirme à l’agence de presse Reuters que des volumes exceptionnels de données ont ainsi été téléchargés depuis le GSM de Jeff Bezos dans la foulée de la réception de cette vidéo. The Guardian n’a aucune connaissance de ce qui a été pris du téléphone ni de la façon dont il a été utilisé.

Le spectre de l’assassinat de Jamal Khashoggi

Le contenu du rapport que s’apprêtent à publier les Nations unies risque d’envenimer davantage les relations entre M. Bezos et le royaume saoudien, qui a admis sa responsabilité dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, lequel écrivait régulièrement dans le Washington Post, propriété du milliardaire américain, et dont le meurtre a ensuite fait l’objet d’une abondante couverture par le Post.

L’ambassade d’Arabie saoudite aux Etats-Unis a refusé de répondre au Guardian mais a réfuté sur Twitter l’ensemble de ces informations. « Les articles de presse laissant entendre que le royaume est à l’origine du piratage du téléphone de M. Bezos sont absurdes. Nous réclamons une enquête sur ces accusations afin que la vérité puisse être établie. »

Recent media reports that suggest the Kingdom is behind a hacking of Mr. Jeff Bezos' phone are absurd. We call for… https://t.co/KcuW4CrRwi

— SaudiEmbassyUSA (@Saudi Embassy)

Nul doute que l’onde de choc sera grande, de Wall Street à la Silicon Valley. Cela pourrait également saper les efforts de « MBS » pour attirer plus d’investisseurs occidentaux en Arabie saoudite, où il a promis de transformer économiquement le royaume, alors même qu’il a supervisé une répression contre ses détracteurs et ses rivaux.

L’affaire des textos intimes

Comme le souligne le Guardian, la divulgation de ces informations est susceptible de soulever des questions difficiles pour le royaume sur les circonstances entourant la façon dont le tabloïd américain National Enquirer avait publié des détails intimes sur la vie privée de Bezos, y compris des textos, neuf mois après l’assassinat de Jamal Khashoggi.

L’hebdomadaire à scandales avait publié fin janvier 2019 des textos passionnés échangés entre Jeff Bezos et Lauren Sanchez, une ancienne présentatrice télé avec qui il entretenait une relation extraconjugale. Un piratage de messages intimes que Gavin de Becker, l’enquêteur chargé de cette affaire par le PDG d’Amazon, avait déjà attribué à l’époque aux autorités saoudiennes.

« Il est clair que “MBS” tient le Washington Post pour un ennemi majeur », assurait alors l’enquêteur, reliant directement ce piratage à l’abondante couverture par le Post du meurtre de M. Khashoggi.

Ce nouveau rebondissement pourrait donc également conduire à un réexamen de ce que le prince héritier et son entourage faisaient au cours des mois précédant le meurtre de Jamal Khashoggi.

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