
26.000 mètres carrés, 40.000 d'ici 3 ans. Ce mardi a eu lieu l'inauguration de la plus grande usine européenne industrialisée sur les piles à hydrogène. La gigafactory de Symbio, baptisée « SymphonHy » veut produire 50.000 systèmes à hydrogène d'ici trois ans. Plus simplement, elle fabriquera des piles à combustibles hydrogène de diverses tailles, pouvant fournir à la fois des petits systèmes comme les chariots élévateurs jusqu'aux trains à hydrogène.
Pour l'occasion, les dirigeants des trois actionnaires de l'entreprise que sont Michelin, Forvia et Stellantis étaient présents, accompagnés de la ministre de la Transition énergétique et du ministre délégué chargé de l'industrie. La célébration a commencé par une visite de l'usine aux murs blancs et d'une propreté impeccable, semblable aux gigafactories de batteries électriques dans le Nord.
600 millions d'euros de subventions de l'Etat
Située à Saint-Fons près de Lyon, cette gigafactory de piles à hydrogène a déjà commencé la production des véhicules utilitaires de Stellantis, notamment les Citroën Jumpy, Peugeot Expert et Opel Vivaro, mais ne commercialisera qu'à partir de juillet 2024 sa production. À cette date, 50 % de la production devrait revenir au constructeur automobile franco-italo-américain et une grande partie du reste sera destinée aux bus Safra. Le constructeur automobile a d'ores et déjà annoncé la production de 10.000 véhicules utilitaires à hydrogène d'ici 2024.
Symbio compte déjà 20 clients dans son carnet et vise les 200.000 systèmes produits d'ici 2030 avec 4 usines au total dont 2 en France - le deuxième site, prévu pour 2028, est actuellement en réflexion - et une aux Etats-Unis.
Pour voir le jour, la gigafactory a bénéficié de 600 millions d'euros de subventions publiques prévues dans le plan France 2030. Le reste a été complété par les trois actionnaires privés de Symbio. « Nos actionnaires industriels nous ont permis de nous cadrer », nous confie Philippe Rosier, le directeur général de Symbio, en amont de l'inauguration. Au total, Symbio a annoncé un investissement d'1 milliard d'euros sur l'hydrogène pour 2030.
À l'origine, la start-up grenobloise était issue d'un projet du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) dans lequel a misé Michelin en 2014, rejoint par Forvia pour une joint-venture en 2019, puis Stellantis il y a un an. L'entreprise française vise un chiffre d'affaires de 1,5 milliard d'euros et une rentabilité d'ici cinq ans.
L'hydrogène en complément de l'électrique
« La pile à combustible vise à apporter un complément au système électrique sur ce qui lui manque, c'est-à-dire l'autonomie, la recharge rapide et la capacité à embarquer une grande puissance dans un volume restreint », explique Philippe Rosier pour justifier le projet. Les bus, les cars, les trains, les bateaux et les poids lourds sont particulièrement ciblés.
« Nous visons les flottes qui peuvent rentrer le soir au dépôt pour se recharger », a précisé le dirigeant. Mais pas que. Si le directeur de Symbio conçoit que la voiture à hydrogène de Toyota, la Mirail, affiche des résultats médiocres dans ses ventes, il compte néanmoins s'attaquer au marché du véhicule particulier à partir de 2030.
« Cela viendra quand les prix auront baissé et que les stations de recharge seront déployées. Car le véhicule électrique sera contraint par la puissance électrique à terme. Les gens qui n'auront pas la patience d'attendre pour se recharger basculeront vers l'hydrogène. »
Pourtant, la plupart des constructeurs ont abandonné l'idée de l'hydrogène pour la voiture des particuliers, lui préférant l'électrique. De même que certains constructeurs de poids lourds, comme Renault Trucks, misent principalement sur l'électrique désormais, estimant que l'évolution des technologies de batteries permettra de combler le retard sur l'autonomie et le temps de charge.
Une aide d'au moins 30.000 euros par véhicule
Surtout, l'hydrogène présente également plusieurs limites. Déjà, son rendement est nettement inférieur à l'électrique. Dans les cas d'usages où il sera possible d'utiliser l'électrique, il sera plus intéressant de s'orienter vers cette technologie. Aussi, l'hydrogène reste très coûteux en France actuellement. En cause : les coûts de production et d'infrastructures élevés. « Nous visons un coût de 5-6 euros le kWh à horizon 2030, actuellement le prix est compris entre 10 et 15 euros le kWh », concède Philippe Rosier.
Pour pallier ces écarts de prix avec l'électrique, Symbio a développé des systèmes hybrides, composés d'une pile à hydrogène et d'une batterie électrique. À terme, l'idée est de quasiment supprimer la batterie électrique, lorsque le coût de l'hydrogène baissera.
« Pour diminuer les coûts, il faut impérativement que les projets de développement se concrétisent et il faut des mécanismes d'ajustement aux frontières », souligne Patrick Koller, le directeur général de Forvia.
Le dirigeant de Stellantis, de son côté, a précisé qu'en attendant, il fallait continuer et renforcer les aides à l'achat de véhicules à hydrogène, d' « au moins de 30.000 euros par véhicule ».
Et l'Europe doit faire vite car la concurrence est rude en face. Aux Etats-Unis, où Symbio avec Stellantis visent la production de pick-up à hydrogène pour 2025-2026, le marché est en pleine expansion, dues aux fortes subventions américaines sur la production d'un hydrogène « gris », c'est à dire à partir de gaz, dont le CO2 a été capturé par la suite. Résultat : l'hydrogène atteint déjà des prix autour de 3,5 dollars le kWh, soit 4 fois moins cher qu'en Europe. En France, la production se tourne plutôt vers l'hydrogène « vert » produit à partir d'énergies renouvelables et l'hydrogène « rose », produit à partir du nucléaire.
6,5 gigawatts d'hydrogène bas carbone en 2030
Sur la production, justement, il y a débat. À la question : « y aura-t-il suffisamment d'hydrogène pour tout le monde ? », le directeur général de Symbio a botté en touche. Le directeur général de Forvia a, de son côté, tenu à rappeler que la production d'hydrogène vert en France n'était « pour l'instant pas sécurisée ».
Lors de son intervention ce matin, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher a détaillé davantage les dessous de sa stratégie hydrogène bas carbone. La France vise désormais un objectif de production de 6,5 gigawatts d'hydrogène jusqu'en 2030 et 10 en 2035. Ensuite, 500 kilomètres de canalisations pourront être déployés « à court terme » pour connecter les producteurs d'hydrogène, les utilisateurs, et infrastructures de stockage.
En août, la ministre annonçait que sur les 9 milliards d'euros destinés à la filière, 4 milliards d'euros sont destinés à des appels à projets lancés en 2024, 2025 et 2026, qui attribueront des capacités de production d'hydrogène, sous forme de tranches de respectivement 150, 250 puis 600 mégawatts, soit 1.000 mégawatts au total.
Le gouvernement s'est également engagé à compenser le coût de production de l'hydrogène bas carbone lorsque celui-ci sera plus élevé que l'hydrogène « gris ». En Europe, la réglementation Afir vise la mise en place d'une borne à hydrogène tous les 200 kilomètres sur les gros axes routiers pour 2030.
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