
(BFM Bourse) - Si le marché déteste les incertitudes politiques, l'hypothèse d'une Assemblée nationale sans majorité absolue est bien prise par la Bourse. Les investisseurs préfèrent le blocage politique à la mise en place de mesures perçues comme négatives pour les finances publiques et pour l'économie en règle générale.
La France pourrait bien être dans une situation de blocage politique. C'est ce qui ressort des résultats du premier tour des élections législatives, qui s'est tenu dimanche.
Si le Rassemblement national (RN) est arrivé nettement en tête du premier tour des élections législatives, les projections en sièges - qui sont à prendre avec précaution en raison de l'incertitude liée à la présence d'un très grand nombre de triangulaires au second tour – ne lui accordent pas nécessairement une majorité absolue à l'Assemblée. De plus, plusieurs leaders d'autres partis ont annoncé des retraits de candidats dans des circonscription où ils sont arrivés troisième, de sorte à empêcher le RN d'obtenir la majorité absolue.
Ce qui renforce le scénario d'une Assemblée nationale sans majorité après le second tour des élections législatives, dimanche prochain.
Et, pourtant, la Bourse de Paris progresse nettement. Le CAC 40 prend 1,6% en fin de matinée après avoir ouvert en hausse de 2,6%.
Par essence, les marchés n'aiment pas l'incertitude politique, et d'ailleurs l'incertitude en règle générale. Comment expliquer dès lors que la Bourse monte alors que le pays se dirige dans une situation politique proche de la paralysie?
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Les pires scénarios deviennent moins probables
C'est que les marchés redoutaient avant tout qu'un parti ait les coudées franches pour mettre en place des politiques qui risqueraient d'aggraver le déficit public et les relations avec l'Union européenne. Pour les marchés financiers, de telles mesures, ainsi que des changements importants en matière de fiscalité, occasionneraient également des répercussions sur l'économie, la conjoncture et la croissance, car la confiance des entreprises et des ménages serait pénalisée. Cela pèserait par ricochet sur la consommation et l'investissement.
C'est ce qui a été perçu par le marché dans les programmes du Nouveau Front populaire (NFP) et du Rassemblement national (RN). John Plassard, conseiller en investissement chez Mirabaud, avait écrit dans une note publiée peu avant la tenue du premier tour, qu'une arrivée au pouvoir du RN engendrerait une "détérioration fiscale" qui pourrait toutefois être "limitée si le parti ne (voudrait) pas déclencher une crise de la dette, ce qui compromettrait ses chances d’obtenir le plein pouvoir lors des élections de 2027".
Quant à un gouvernement NFP, il s'agissait, selon lui, du "scénario théorique le plus préoccupant en matière de perspectives économiques". "Leur programme politique et économique semble plus radical que celui de tout autre parti et susciterait une grande méfiance sur le marché", développait-il.
"Le scénario que les marchés avaient déjà intégré", celui d’une Assemblée nationale "sans majorité claire, est bien le plus probable. (…) Surtout, le scénario le moins favorable pour les marchés, celui d’une majorité absolue de l’alliance des gauches, est quasiment écarté. Le scénario d’une majorité RN est encore tout à fait possible selon nous, même s’il est un peu moins probable après que la gauche, et dans une moindre mesure le centre, a appelé ses candidats qualifiés troisièmes pour des triangulaires à se désister", explique de son côté Xavier Chapard, stratégiste de LBPAM.
Un blocage qui vaut mieux
"Le marché salue peut-être l'hypothèse d'un blocage politique à l'Assemblée qui va la rendre inactive et éviter ainsi la mise en œuvre de politiques radicales qu'elles soient dans un camp ou dans l'autre", explique pour sa part Alexandre Baradez, chef de l'analyse de marché chez IG France.
"La grosse crainte des investisseurs était la mise en place de mesures difficilement finançables d'un côté comme de l'autre, qui aurait généré du stress sur la dette française, qui est déjà sous étroite surveillance de la part des agences de notation, et qui auraient posé des risques pour l'économie", poursuit-il.
"Le marché n'est pas politique. Il craint avant tout que la soutenabilité de la dette soit menacée par des programmes perçus comme non finançables ou non financés", résume Alexandre Baradez.
L'expert de marché explique par ailleurs que cette hypothèse d'une Assemblée bloquée se renforce avec les appels du pied envoyés par chaque parti. "Mon sentiment est que la majorité sera difficile à obtenir pour le RN car les tractations entre les autres partis envoient des signaux dans ce sens. Le Premier ministre, Gabriel Attal, a fait un geste assez fort en suspendant la mise en oeuvre de la réforme de l'assurance chômage, ce qui est un signal envoyé aux autres forces politiques", indique-t-il.
Evidemment la réaction du marché ce lundi est une première réaction. La Bourse pourra très bien réviser son jugement dans les prochains jours, en fonction des sondages ou des différentes annonces politiques. Par ailleurs, il faut rappeler que la Bourse de Paris avait déjà perdu 6,5% sur les trois semaines qui ont suivi l'annonce de la dissolution le 9 juin dernier (soit entre la clôture du vendredi 7 juin et la clôture du vendredi 28 juin). Autrement dit, même avec le rebond de ce lundi matin, le CAC 40 reste en-deça de son niveau d'avant dissolution.
"Beaucoup de choses pourraient changer lors du second tour du 7 juillet, et une forte participation des électeurs pourrait rendre le résultat final encore plus difficile à prédire. L'incertitude concernant les perspectives économiques et budgétaires restera donc élevée", prévient le think tank de marché Capital Economics.
Julien Marion - ©2024 BFM Bourse
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