
Elisabeth Borne, ministre des Transports, met en avant des progrès dans les discussions sur l'ouverture à la concurrence, dont les modalités seront examinées par le Parlement. Mais le compte n'y est pas pour les syndicats.
Calmer le jeu avant les premiers jours de grève à la SNCF, prévus les 3 et 4 avril, un mouvement qui s’annonce «très suivi», selon Guillaume Pepy. D’ailleurs, le PDG de l’entreprise a conseillé aux voyageurs de renoncer à prendre le train dès le lundi 2 avril à partir de 19 heures. La ministre des Transports, Elisabeth Borne, y a donc été de sa bonne nouvelle après 30 réunions de concertation tenues avec les syndicats dans le cadre de la réforme du système ferroviaire français: «Le dialogue a été constructif. L’ouverture à la concurrence ne se fera pas par ordonnances», a-t-elle annoncé avec une pointe de satisfaction ce vendredi.
Dans sa volonté de plier, avant l’été, le dossier de la mutation de la SNCF, le gouvernement a décidé de procéder par ordonnances, de manière à éviter un débat parlementaire et son lot d’amendements. Une méthode jugée pour le moins brutale par les représentants des cheminots. Une porte avait toutefois été laissée ouverte. Certains sujets, négociés pendant la concertation, pourraient être sortis des ordonnances et remis dans le jeu parlementaire, via des amendements.
Appels d’offres en 2019
C’est justement ce qui s’est partiellement produit sur un pan de la réforme de la SNCF. La ministre a proposé vendredi que le Parlement débatte de l’assouplissement du calendrier et des modalités de l’ouverture à la concurrence, prévue à partir de décembre 2019. Mais seul le réseau francilien, compte tenu de sa «complexité», bénéficiera d’un sursis. Les grandes manœuvres commenceront en 2023 et s’étendront jusqu’en 2033 et même 2039, pour la mise en concurrence sur les lignes A et B du RER.
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Pour les autres régions, le projet gouvernemental prévoit qu’elles pourront dès 2019 lancer des appels d’offres sur les lignes dont elles ont la responsabilité. L’opérateur retenu ne sera plus automatiquement la SNCF, mais un de ceux qui ont manifesté leur intérêt pour ce marché comme l’allemand Deutschebahn ou les français Veolia et Transdev (filiale de la Caisse des dépôts). Ce sera donc au Parlement et non plus au gouvernement de trancher sur ce dispositif, dès le mardi 3 avril. Tout en sachant qu’avec la large majorité dont dispose la République en marche à l’Assemblée nationale, la probabilité que les amendements du gouvernement soient chahutés ou réécrits est assez faible.
Pour autant, le non-recours aux ordonnances sur cette question ne signifie pas que gouvernement et syndicats sont sur la même longueur d’onde. Dès lors qu’un nouveau transporteur récupérera une ligne de la SNCF, il héritera normalement des agents qui font fonctionner le service. Toute la question est alors de connaître les conditions du transfert. En clair, est-ce que les dispositions du statut des cheminots perdureront pour ceux qui seront transférés chez un concurrent? «Les cheminots pourront emmener un certain nombre de garanties comme leur rémunération et leur régime spécial de retraite», indique, à ce sujet la ministre des Transports.
Conditions de travail beaucoup moins favorables
Reste le cas des cheminots qui refuseront un transfert chez le nouvel opérateur, ou qui voudraient retourner à la SNCF, après avoir été transférés. Pour l’instant pas de position officielle du gouvernement. Or si ces points ne sont pas réglés par un texte de loi, ils ne pourraient plus alors figurer que dans un accord d’entreprise. Ce qui signifie qu’ils pourraient dans ce cas être dénoncés au bout de quinze mois par un concurrent de la SNCF qui reprendrait des cheminots. A l’issue de cette période, des conditions de travail beaucoup moins favorables pourraient alors être instaurées. C’est précisément ce que veulent éviter les quatre syndicats représentatifs à la SNCF (CGT, Unsa, Sud Rail et CFDT).
Ce vendredi matin, à la sortie d’une réunion avec la ministre des Transports, les représentants des cheminots ne cachaient pas leur «mécontentement» pour les uns, et leur «exaspération» pour les autres, avant de conclure à l’unanimité: «Les concertations en cours n’arrêteront en rien le mouvement de grève prévu.» D’une certaine manière, la ministre des Transports confirmait, moins d’une heure plus tard, le fossé qui subsiste avec les syndicats en déclarant: «Avancer dans la concertation ça ne veut pas dire être d’accord.»
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